Les syndicats et les organisations de travailleurs des Philippines ont porté leur unité à un autre niveau en publiant un programme commun en 15 points visant à garantir un travail décent et la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies.
Le programme commun a été dévoilé par les dirigeants syndicaux eux-mêmes le 13
décembre devant des fonctionnaires du ministère du Travail et de l’Emploi et de l’Autorité nationale de développement économique, l’agence de planification du gouvernement, ainsi que devant des employeurs et des groupes d’entreprises, des ambassades et des missions diplomatiques étrangères aux Philippines et d’autres partenaires internationaux du développement à l’occasion d’un événement co-organisé par le Bureau national de l’OIT et l’équipe de pays des Nations unies aux Philippines.
Ce document de 70 pages présente les questions les plus importantes pour les travailleurs des Philippines, notamment la lutte contre la précarité du travail, la promotion de la pleine reconnaissance de la liberté d’association et l’instauration d’un salaire minimum national en vue d’un salaire vital. Cette publication intervient au lendemain de la mission tripartite de haut niveau de l’OIT (HLTM) aux Philippines, attendue depuis longtemps, qui se penchera sur les assassinats de dirigeants et d’organisateurs syndicaux et sur d’autres violations flagrantes du droit de s’organiser librement, tel qu’il est inscrit dans la convention 87 de l’OIT. La Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du travail a recommandé la HLTM dès sa session de 2019, mais l’administration de l’ancien président Rodrigo Duterte n’a cessé de s’y soustraire, prétextant notamment la pandémie. Il a finalement accepté la mission avant la fin de son mandat.
Le programme servira de guide aux organisations syndicales pour coordonner leurs efforts de manière stratégique. Le document fournit des informations que les syndicats peuvent utiliser lorsqu’ils s’engagent auprès des décideurs politiques locaux, nationaux et internationaux et d’autres parties prenantes. Il leur permet également d’identifier les demandes prioritaires et de décider efficacement de l’affectation de leurs capacités organisationnelles et de leurs ressources.
Les 15 points énoncés dans le programme répondent à la situation contextuelle à laquelle sont confrontés les travailleurs et les syndicats philippins. Outre le fait qu’ils vivent dans un pays extrêmement exposé à l’impact de la crise climatique mondiale, les syndicats et les travailleurs philippins sont confrontés à de nombreux défis importants, allant des obstacles sérieux au droit d’organisation et de négociation collective aux violations récurrentes des normes du travail, en passant par l’assassinat de dirigeants syndicaux.
Les 15 points mis en avant dans le programme syndical sont les suivants :
- Respecter pleinement la liberté syndicale des travailleurs, ainsi que leur droit d’exercer des emplois placés sous le régime de la permanence. Il s’agit ici d’éliminer les obstacles à la liberté syndicale, notamment toutes les formes de contractualisation du travail et les emplois atypiques.
- Renforcer et étendre la négociation collective, notamment promouvoir la négociation entre employeurs multiples et au niveau de l’entreprise.
- Renforcer les politiques salariales, en particulier dans les secteurs les moins bien rémunérés.
- Implanter un système de sécurité sociale adéquat et universel et garantir la protection sociale (contributive et non contributive) de tous les travailleurs.
- Garantir des services publics de qualité (santé, éducation, logement, eau, électricité/énergie, transports).
- Protéger et soutenir les entreprises et les travailleurs du secteur informel.
- Réaliser l’égalité entre les hommes et les femmes et autonomiser toutes les femmes et les filles, ainsi que les membres de la communauté LGBTQI+.
- Adopter et mettre en œuvre des approches résilientes, équitables et durables du développement pour les communautés, en intégrant des mesures pour le climat, la paix et la résilience dans les politiques, stratégies et plans nationaux.
- Protéger les droits des travailleurs philippins expatriés, y compris les travailleurs sans papiers, et garantir leur bien-être.
- Adopter et mettre en œuvre une politique industrielle durable favorisant à la fois l’ascension économique et sociale.
- Introduire un impôt sur la fortune des plus riches pour financer la protection sociale universelle et la reprise économique.
- Renforcer et approfondir le dialogue social.
- Adopter des politiques et des mesures pour protéger les travailleurs de l’économie numérique et les télétravailleurs utilisant des outils et des plateformes numériques.
- Mettre en place un programme pour l’avenir du travail, les travailleurs et leur pouvoir.
- Réaffirmer la souveraineté des Philippines dans la mer de Luçon et démilitariser la région pour protéger les moyens de subsistance des travailleurs des secteurs de la pêche et de l’agriculture, et ceux des travailleurs ruraux habitant dans les îles de cette région.