Violation des droits des travailleurs au Myanmar

La junte militaire a intensifié ses violentes attaques contre les travailleurs et les syndicalistes au Myanmar. Une action concertée de la communauté internationale pour exiger la libération de tous les prisonniers politiques reste la priorité absolue.

Par Wulan Dari | Apheda

Union Aid Abroad-APHEDA (Australie) et Mondiaal FNV (the Netherlands) ont produit une infographie sur la situation dans le pays. Bien que les statistiques présentées dans le documents ne reflètent pas les chiffres réels, qui sont plus élevés que les données enregistrées, celui-ci illustre néanmoins l’ampleur massive des attaques contre les travailleurs et les syndicalistes après le coup d’état.

L’infographie liste le nombre de travailleurs suspendus, licenciés, arrêtés et tués par secteur dans le pays. Elle dresse également la liste des entreprises nationales et des multinationales travaillant dans le pays par propriétaire et par investisseur.

L’indice des droits dans le monde 2021 de la CSI classe le Myanmar parmi les pires pays pour les travailleurs, ce qui constitue un recul important par rapport aux résultats obtenus au cours de la décennie de transition vers la démocratie (2011-2021). Une des priorités restantes est de continuer à organiser une action concertée de la communauté internationale pour faire pression sur la junte et exiger la libération de tous les prisonniers politiques.

Parallèlement, l’accès à la justice et aux voies de recours pour les victimes d’exécutions extrajudiciaires et de détentions arbitraires est un domaine sur lequel la communauté internationale doit également se concentrer. La communauté internationale, les syndicats du Myanmar et le gouvernement parallèle d’unité nationale doivent entamer une discussion sur les mesures visant à réformer le droit et les institutions juridiques du Myanmar et sur un mécanisme permettant de tenir l’administration de la junte, le Conseil d’administration de l’État, responsables d’actions contre les droits de l’homme. Tout cela, dans le cadre du rétablissement de la démocratie et de la garantie des droits à la liberté d’association.

La situation dans le pays à ce jour

La junte applique des lois héritées de l’ère coloniale telles que le Code pénal et la loi sur les associations illégales. Ces deux textes ont été fréquemment utilisés pour emprisonner les travailleurs et les syndicalistes, qui participent activement au mouvement de désobéissance civile, avec une peine minimale de trois ans de prison.

Le Conseil d’administration de l’État s’est référé à diverses sections de la Constitution de 2008 rédigée par les militaires pour justifier davantage son action. La déclaration de l’état d’urgence et l’application de la loi martiale dans les communes de Yangon et de Mandalay, où se trouvent d’importantes zones industrielles, ont été effectuées en vertu de l’article 419. Parallèlement, l’article 432 prévoit l’impunité légale pour toute action entreprise par le personnel militaire dans le cadre de l’état d’urgence. La restriction de la mobilité et l’interdiction des rassemblements publics de plus de cinq personnes dans 31 communes de Yangon et d’autres grandes villes du pays sont imposées depuis le 8 octobre et appliquées en vertu de l’article 144 de la Constitution. Au moins deux organisateurs syndicaux et un travailleur ont été condamnés à la prison à vie par le tribunal militaire. Un éminent leader syndical, le secrétaire général des Fédérations syndicales de l’industrie, l’artisanat et des services du Myanmar (MICS-TUsF), pourrait être jugé par un tribunal militaire.

Ce système juridique défectueux est un spectre qui hante les syndicalistes, les journalistes et les observateurs internationaux dans toutes les circonstances politiques au Myanmar. En effet, les militaires, après le coup d’État, ont encore abusé des lois pour justifier leurs actions. Selon l’Assistance Association of Political Prisoner-Burma (AAPP-B), au 25 octobre 2021, 4065 victimes ont été libérées de prison. Au 1er novembre, l’AAPP-B a enregistré que 7013 personnes étaient toujours en détention et que seulement 300 avaient été condamnées. Plusieurs travailleurs et syndicalistes figurent parmi les personnes amnistiées et libérées entre le 18 et le 22 octobre, tandis qu’un syndicaliste a été réarrêté à la porte de la prison une minute après sa libération.

Actualité du RSCD - Un retour de bâton du développement

Le coup d’État militaire dans le pays a également été une attaque contre la vision du peuple birman d’un pays qui transite vers une société juste et durable. Quelques mois avant le coup d’État, le pays prévoyait de présenter son premier examen national volontaire sur sa mise en œuvre des ODD au Forum politique de haut niveau des Nations Unies sur le développement durable en juillet 2020. Durant cette période de préparation, le Réseau syndical de coopération au développement de la CSI (RSCD) a aidé la Confédération des syndicats du Myanmar (CTUM) à rédiger son premier rapport sur les ODD « Un focus syndical sur les ODD », un outil pour fournir une évaluation syndicale indépendante des progrès des ODD dans le pays et afin d’exprimer leurs priorités pour accélérer l’action vers le Programme 2030. Malheureusement, le coup d’État a mis un terme brutal à ce processus, anéantissant les acquis réalisés dans ce domaine et repoussant le pays dans l’incertitude en matière de développement.

Une campagne pour soutenir les travailleurs en première ligne qui se dressent contre la junte !

Le peuple, les travailleurs et les syndicalistes ne se rendent pas. Ils continuent à lutter et défendre la démocratie et la liberté. Et toute aide qu’ils peuvent recevoir les rendra plus forts. C’est pourquoi la CSI mène la campagne « Défendre la démocratie au Myanmar » pour soutenir les travailleurs du Myanmar, qui sont en première ligne et mènent le changement contre la junte. Ce sont de véritables héros de la démocratie et leur combat est le nôtre !
Soyez solidaires avec eux en soutenant le fonds de grève !

* Photo: Fédération générale des travailleurs de Myanmar (FGWM)