L’ingérence de l’UIT sur le net suscite une inquiétude croissante

Une semaine après la conférence de l’Union internationale des télécommunications (UIT), à Dubaï, les syndicats réitèrent leur appel au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, lui demandant d’intervenir pour protéger l’intégrité d’Internet.

La Confédération syndicale internationale a soulevé des préoccupations quant à la possibilité que la conférence cherche à imposer des règles à l’Internet, avec le risque d’empiéter sur la liberté des citoyens d’organiser et de mener des campagnes à l’abri de toute mainmise de l’État. Au cours des derniers jours, des propositions émanant de la Russie prévoyant l’octroi à des nations individuelles d’un contrôle sur les modalités d’exploitation du net à niveau national, ont été prises en compte dans le cadre d’un texte qualifié de « document de compromis ». Le document, présenté avec l’assistance de l’UIT par les Émirats arabes unis, actuellement à la présidence de l’organisation, étend considérablement la portée de l’UIT, au-delà des seuls opérateurs de télécom, en y incluant toute organisation dotée d’un réseau – entreprises, banques, universités, fournisseurs de services internet (ISP) et ONG.

La proposition russe fait suite à l’adoption d’une nouvelle norme de l’UIT afférente à une puissante technologie de surveillance nommée en anglais « Deep Packet Inspection » (inspection des paquets en profondeur), qui est dépourvue de sauvegardes adéquates pour les internautes. La norme a été mise au point à l’issue de discussions à huis clos convoquées par l’UIT à la veille de la Conférence, en dépit des préoccupations soulevées par un certain nombre de pays, Allemagne en tête, concernant la vie privée des utilisateurs.

« Bien que l’UIT ait accusé les critiques de répandre des rumeurs alarmistes à l’approche de la conférence, les craintes concernant l’issue de la rencontre se voient confirmées », a indiqué la secrétaire générale de la CSI, Sharan Burrow.

« L’UIT se livre à des efforts concertés pour créer de nouvelles méthodes d’ingérence dans l’exploitation du net, qui risquent de sérieusement compromettre, à la fois, le fonctionnement de base d’Internet et les libertés qui lui ont été inhérentes à ce jour. La conférence de l’UIT va à l’opposé de l’appel lancé par Ban Ki-moon dans son allocution d’ouverture en faveur d’un processus transparent, démocratique et inclusif de toutes les parties concernées. »

« Nous sommes inquiets qu’en cas de changement de modèle, les régimes répressifs aient plus de facilité et, partant, soient plus enclins à restreindre le libre recours à Internet par les travailleuses et travailleurs pour s’organiser dans le cadre politique et syndical. »

« Alors que les pourparlers sont toujours en cours, la nouvelle nous vient des Émirats arabes unis qu’un blogueur de 18 ans répondant au nom de Mohammed Salem al-Zumer a été incarcéré par les autorités pour avoir publié des opinions en soutien aux prisonniers politiques aux Émirats arabes unis.

« Les EAU ont resserré encore davantage l’étau des restrictions sur l’Internet – et c’est précisément la normalisation de ce type d’ingérence étatique que nous voulons empêcher. »

Près de 100.000 travailleurs aux quatre coins du monde ont signé des pétitions http://www.change.org/netgrab enjoignant à l’UIT de rejeter toutes propositions qui compromettraient l’actuel modèle de gouvernance multilatérale du net.

D’après Sharan Burrow, il incombe au secrétaire général des Nations unies d’intervenir personnellement pour empêcher qu’une agence onusienne ne transgresse son mandat – qui était, à l’origine, de réguler les protocoles afférents à la téléphonie et aux télégrammes.

Dans une lettre adressée à Ban Ki-moon, la CSI appelle le secrétaire général des Nations unies à veiller à la dotation appropriée des postes vacants au sein de son propre Forum multipartite sur la gouvernance de l’Internet (ONU-FGI). « À condition d’être adéquatement doté en ressources et en personnel le FGI, plus que l’UIT et son voile de secret, constitue la tribune de choix pour les débats concernant une gouvernance véritablement démocratique et transparente de l’Internet. »