Fidji: De nouvelles lois permettent aux militaires d’enraciner la dictature

Le 5 janvier, le régime militaire de Fidji a promulgué un nouveau décret qui cimente la dictature de l’amiral Bainimarama, ce qui a provoqué une vague de protestations de la part de syndicats, de défenseurs des droits humains, de dirigeants religieux et de gouvernements.

Cette décision a été prise alors que le premier ministre avait annoncé dans son discours du Nouvel An que les réglementations relatives aux situations d’urgence de 2009 (Public Emergency Regulations, PER), tant décriées, allaient être annulées dès le 7 janvier, annonce qui avait été prudemment saluée par certains gouvernements et par les Nations Unies. Le nouveau décret, modifiant la loi sur l’ordre public de 1969, intègre pourtant bon nombre des prérogatives instaurées par les PER, voire les étend.

Le décret donne une définition très large du « terrorisme », qui pourrait être interprétée de façon à englober tout mouvement d’opposition au régime, et prévoit de fortes sanctions. Comme précédemment, il faudra obtenir une approbation de la part de la junte militaire pour organiser des réunions publiques, requête qu’il faut soumettre sept jours avant ladite réunion. Les sanctions prévoient désormais jusqu’à cinq ans d’emprisonnement en cas de rassemblement sans permission (par rapport aux deux années prévues dans les PER). Les forces de police ont le pouvoir d’arrêter les personnes sans mandat et de les garder emprisonnées pendant 16 jours (10 jours au préalable) à la demande du premier ministre. Une autre disposition prévoit que si le gouvernement estime que les déclarations ou les actes d’un individu constituent un « acte de sabotage » ou « portent atteinte » à l’économie du pays, ce dernier peut être condamné à 10 ans de prison.

« La CSI condamne les limitations inacceptables qui continuent d’être appliquées à la liberté syndicale et au droit de rassemblement. Ces dispositions prévoient en fait le maintien de l’interdiction des activités syndicales et les syndicalistes peuvent toujours être détenus ou emprisonnés pendant plusieurs années pour avoir mené des activités syndicales légitimes », a déclaré Sharan Burrow, la secrétaire générale de la CSI.

La législation permet aussi aux militaires de remplir des fonctions de police et leur donne la possibilité de consolider leur position dans les affaires civiles de la nation; à n’en pas douter, cette situation mènera à d’autres infractions graves des droits civils et politiques.

L’une des pires dispositions prévoit que les tribunaux de Fidji n’ont aucune compétence pour recevoir des plaintes remettant en cause une décision prise par le premier ministre, les commandants de police ou tout autre responsable public.

Du reste, toujours pour agir contre les syndicats du pays, le régime a décidé que Rajeshwar Singh, secrétaire général adjoint du Fiji Trades Union Congress, ne pouvait plus siéger au conseil des services des terminaux aériens, auquel les salariés participent à concurrence de 49 %, en raison de ses contacts avec des syndicalistes étrangers.

« Enraciner les militaires dans les affaires publiques, évincer les personnes qui critiquent le régime, abroger la liberté d’expression et la liberté syndicale, et éliminer les droits légaux fondamentaux sont tous des signes que Bainimarama s’empare du pays. Le peuple de Fidji ne peut plus s’exprimer et est privé de ses droits démocratiques. La communauté internationale doit montrer qu’elle est décidée à aider les Fidjiens à regagner le contrôle démocratique de leur pays, » s’est encore indignée Sharan Burrow.

Lire le nouveau décret (en anglais)

Lire une analyse de la CSI du nouveau décret (en anglais)
http://www.ituc-csi.org/fiji-public-order-amendment-decree.html