Réunion des ministres des Finances du G7: résister au retour en force des banquiers

Il faut que les ministres des Finances des pays du G7, réunis cette semaine à Iqaluit, au Canada, fassent progresser la réglementation du secteur financier et la restructuration des banques alors qu’un puissant groupe mondial d’intérêts financiers redouble d’efforts pour s’opposer aux réformes. Même s’il n’est pas prévu que des décisions officielles soient adoptées lors de cette réunion, ses débats influenceront les positions adoptées par les pays du G7 lors du sommet de juin, également au Canada, des chefs de gouvernements du G20.

Des signes inquiétants sont apparus la semaine dernière à Davos, lors du Forum économique mondial où de puissant intérêts du secteur financier ont exercé des pressions en coulisse pour mettre en garde les gouvernements et les instances de réglementation contre la forte résistance qui serait opposée à toutes mesures, même limitées, en vue de réglementer.

« Après avoir mendié des milliards de dollars aux contribuables, ces mêmes banquiers qui sont à l’origine de la crise se retournent aujourd’hui contre leurs bienfaiteurs. Ils remettent en cause le rôle du gouvernement, plaident pour davantage de soutien aux entreprises et refusent que l’objectif principal des secteurs financier et bancaire soit l’appui à l’emploi et à la croissance dans l’économie réelle. Les gouvernements doivent leur résister et, dans certains cas, doivent même affronter leurs propres banque centrale et instances de réglementation qui semblent toutes disposées à se plier aux volontés du secteur financier aux dépends de l’emploi, de la croissance et du développement », a déclaré Guy Ryder, secrétaire général de la CSI.

Ils basent leur stratégie sur les pressions exercées pour que toute la question de la réglementation et de la réforme soit traitée à huis clos, y compris au sein de l’opaque Conseil de la stabilité financière mis en place par le G20 à Londres en avril dernier et qui doit encore prouver qu’il appuiera le type de réglementation nécessaire. Les gouvernements, en particulier aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni, ont fait part d’intentions de changements radicaux et il semble que le secteur financier, comptant sur le soutien d’autres gouvernements, parie sur un processus interminable, voué tôt ou tard à l’échec en raison de l’incapacité des gouvernements de se mettre d’accord.

« Les gouvernements devraient travailler rapidement pour parvenir à une approche globale et cohésive au travers du G20. Dans le même temps, ils devraient faire progresser la réforme dans leur propre juridiction, surtout aux États-Unis et au Royaume-Uni, pays d’origine des réglementations « allégées » qui a porté préjudice à des dizaines de millions de personnes, a poursuivi Guy Ryder. Si le Conseil de la stabilité financière et d’autres instances mandatées par le G20 pour concevoir des solutions mondiales ne travaillent pas assez vite ni assez loin, les banques pourraient être tentées de fuir vers des pays aux règlementations souples, mais cela ne devrait pas empêcher les gouvernements concernés de palier les faiblesses évidentes en matière de réglementation des principaux centres financiers. »

« La réglementation et la restructuration du secteur bancaire sont particulièrement importantes et devraient figurer au cœur du processus qui doit veiller à ce que les secteurs bancaire et financier servent l’économie réelle. Les ministres des Finances du G7 doivent confirmer leur soutien à l’introduction d’une imposition sur les transactions financières et d’une cotisation en tant qu’assurance contre une future faillite bancaire, créer un cadre réglementaire adéquat pour les fonds d’investissement et les fonds spéculatifs, et agir à l’égard des salaires et des primes des banquiers », a annoncé John Evans, secrétaire général de la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE.

Le Conseil de la stabilité financière, qui travaille au problème des primes, a consulté les banques sur la question des compensations des banquiers mais a refusé d’aborder le sujet, et toute autre question, avec le mouvement syndical international, même de façon informelle.
Les intentions du Conseil ne sont pas claires non plus quant à la façon de mettre en œuvre les décisions du G20 sur des actions contre les paradis fiscaux à partir de mars 2010, ni à l’égard des mesures concrètes qu’il prendra pour que les fonds spéculatifs et les fonds d’investissement soient conformes aux normes minimales de transparence et de responsabilisation à l’égard des instances de réglementation, ni quant aux mesures relatives aux règles prudentielles si ce n’est poursuivre ses projets peu hâtifs de révision et d’exécution de l’accord existant « Bâle II » d’ici la fin de 2012.

Au vu du chômage qui devrait continuer de croître tout au long de 2010, les syndicats demandent également aux gouvernements qu’ils renouvellent et concentrent leurs mesures d’incitation sur le maintien et la création d’emplois en mettant particulièrement l’accent sur les emplois verts. Du reste, les actions gouvernementales visant à réduire les déficits fiscaux ne devraient pas porter atteinte aux services publics vitaux; l’imposition sur les transactions et d’autres mesures fiscales novatrices sont nécessaires pour fournir des recettes qui pourront être consacrées aux dépenses sociales et à l’aide au développement ainsi qu’à la diminution du déficit.

« Les gouvernements sont face à un choix clair. Ils peuvent agir de façon décisive et coordonnée pour réparer une économie mondiale cassée et remplir ainsi leurs responsabilités de gouverner dans l’intérêt de la population, ou choisir d’esquiver cette responsabilité et agir comme les banques ordonnent. Certains signes montrent déjà que des gouvernements sont prêts à accepter un taux de chômage supérieur, voire une plus forte inégalité, et, à moins d’une réforme fondamentale, ils accepteront également qu’une autre crise, probablement plus forte, survienne. Il est également fort probable que des tensions sociales extrêmes, voire pires, apparaîtront si les gouvernements continuent de placer l’intérêt des banques et de la finance avant l’emploi et la justice sociale », a conclu Guy Ryder.


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