Qatar : C’est d’un vrai syndicat qu’ont besoin les travailleurs, et non d’un simulacre de syndicat

La Confédération syndicale internationale a convenu de s’entretenir avec le ministre du Travail du Qatar pour lui soumettre les conditions relatives à l’établissement de syndicats libres et autonomes et l’extension de la liberté syndicale pleine et effective aux travailleurs et travailleuses migrants, qui représentent une part gigantesque de la main-d’œuvre à niveau national.

Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI rencontrera le ministre du Travail du Qatar à l’occasion de la conférence annuelle de l’Organisation internationale du travail (OIT), le 11 juin prochain.

« Nous porterons à la considération du ministre du Travail du Qatar les dispositions légales qu’il appartient au gouvernement de prendre afin de garantir la liberté d’association et la négociation collective pour un nombre énorme de travailleurs migrants », a indiqué Sharan Burrow.

Préalablement à l’annonce officielle, la semaine dernière, selon laquelle le gouvernement du Qatar prévoyait de « mettre sur pied » son propre syndicat, il avait été annoncé que les travailleurs ne seraient pas autorisés à élire des représentants issus de leurs propres rangs.

« Aucun gouvernement ne peut imposer aux travailleurs des représentants qu’il a lui-même désignés tout en continuant à prétendre au respect international associé à la présence de syndicats authentiques. La législation du travail du Qatar devrait être conforme aux normes internationales prescrites par l’OIT. La législation doit permettre aux travailleurs de former leurs propres syndicats et d’adhérer à ces derniers, de même que d’élire leurs propres représentants sans que les gouvernements ne leur dictent qui ils ont le droit d’élire », a déclaré Sharan Burrow.

Cette ultime démarche des autorités qataries intervient au milieu de pressions internationales croissantes appelant le pays à améliorer la situation au plan des droits du travail en prévision de la coupe du monde de football de 2022.

L’espoir que nourrissait cet État du Golfe d’accueillir les Jeux olympiques de 2020 a été éclipsé la semaine dernière avec le rejet de la candidature qatarie par le Comité international olympique, qui a invoqué les risques liés à la main-d’œuvre et à la chaleur extrême.

Le rapport d’évaluation du CIO concernant la candidature olympique de Doha signale notamment : « La préparation et le logement d’une main-d’œuvre expérimentée pour les JO, capable de produire une telle infrastructure dans les délais convenus représente à la fois une gageure et un risque formidables. »

La CSI s’est engagée à mener une campagne internationale sous le mot d’ordre « Pas de Coupe du Monde sans respect des droits des travailleurs » qui vise à ce que les centaines de milliers de travailleurs et travailleuses au Qatar qui sont aujourd’hui privés de droits au travail puissent accéder à ces droits.

Au début de ce mois, Sharan Burrow a rencontré plusieurs travailleurs migrants népalais à leur retour du Qatar.

« J’ai eu l’occasion de parler à des jeunes hommes qui s’étaient vus forcés de travailler sous 40 degrés pour des salaires de famine. Ils étaient en colère parce qu’ils ont été dépouillés de tout droit dès l’instant où ils ont posé le pied au Qatar pour y travailler. Il nous faut des lois strictes qui garantissent les droits des travailleurs et travailleurs et protègent leurs salaires, leurs conditions et leur vie », a déclaré Sharan Burrow.

D’après les statistiques de l’ambassade du Népal pour janvier-octobre 2011 :

- 13 travailleurs et travailleuses migrants se sont suicidés et
- 22 morts liées à des causes professionnelles ont été documentées, tandis que 92 autres sont restées « inexpliquées ».

Les conditions de vie épouvantables dans les camps de travail outre des salaires de misère fréquemment payés en retard font partie de la réalité quotidienne pour plus d’un million de travailleurs migrants, dont la majorité sont employés dans la construction des infrastructures destinées à la Coupe du monde et à d’autres chantiers de grande envergure.

« Beaucoup d’autres travailleurs et travailleuses seront menacés au Qatar tant qu’une législation du travail qui respecte les normes internationales de l’OIT ne sera pas instaurée pour les protéger », a déclaré Sharan Burrow.