La proposition de directive de l’Union européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité doit se recentrer sur les victimes et les titulaires de droits

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La CSI est profondément préoccupée par la proposition de directive tant attendue de la Commission européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.

La directive est une étape importante vers la réalisation du souhait de la CSI de voir s’établir une architecture réglementaire mondiale qui garantit un socle de droits pour tous les travailleurs et travailleuses, préserve le climat et met fin à l’impunité des entreprises en les obligeant à rendre des comptes.

Toutefois, la proposition déçoit sur des éléments essentiels et des questions de fond et pourrait créer une insécurité juridique pour les victimes et les titulaires de droits.

En outre, elle pourrait mettre en place des conditions inégales pour les entreprises alors que certaines d’entre elles ont beaucoup investi dans le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises en matière de droits humains et environnementaux depuis que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a approuvé les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (Résolution 17/4 du 16 juin 2011).

Les points ci-après soulèvent de vives préoccupations :

  • contrairement à la Résolution du Parlement européen du 10 mars 2021 sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises, la proposition ne se concentre pas en priorité sur les victimes et les détenteurs de droits ;
  • les exceptions que la proposition a introduites pour les petites et moyennes entreprises – excluant ainsi 99 % de toutes les entreprises en Europe – dénaturent les principes de base établis dans les Principes directeurs des Nations Unies qui s’appliquent à toutes les entreprises et concernent leur obligation de faire preuve de diligence en matière de droits humains ;
  • son approche uniquement axée sur les relations commerciales crée une lacune importante ;
  • la proposition prévoit de récompenser les entreprises réticentes et de punir celles qui investissent depuis des années dans le devoir de vigilance des entreprises et leur obligation de rendre des comptes.

Pour la secrétaire générale de la CSI, Sharan Burrow, « certains aspects de cette proposition sont évidemment positifs, mais son obsession à vouloir établir un équilibre entre la réalisation des objectifs de la directive et la minimisation des charges administratives et financières pour les entreprises, ainsi que sa volonté de limiter un soi-disant déferlement de contentieux expliquent à la fois le retard de publication de la directive, sa non-conformité avec les Principes directeurs des Nations Unies et son manque d’intérêt pour les détenteurs de droits et les victimes.

Nous avons urgemment besoin d’une directive européenne solide sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité alors que se multiplient les violations des droits humains et environnementaux, notamment les violations des droits syndicaux et des travailleurs par des entreprises du monde entier, y compris des entreprises européennes.

Nous avons beaucoup de travail devant nous et nous allons consulter nos collègues de syndicats européens, d’autres organisations de la société civile et nos sympathisants dans le monde des affaires et la communauté des droits humains pour veiller à ce que ces divergences soient corrigées et que l’attention se porte à nouveau comme il se doit sur les victimes et les détenteurs de droits. Il faut que les entreprises répondent de leurs effets néfastes sur les droits humains, sur les populations et la planète, conformément aux promesses que faisait naître cette directive et à ce que le monde entier souhaite depuis longtemps. »