Chine: Malgré certains progrès, l’exploitation des travailleurs à des fins commerciales persiste

Un nouveau rapport de la CSI concernant le respect des normes fondamentales du travail en Chine fait état de la persistance d’atteintes graves à l’ensemble des normes fondamentales du travail dans ce pays.

Bruxelles, le 21 mai 2008: Un nouveau rapport de la CSI concernant le respect des normes fondamentales du travail en Chine fait état de la persistance d’atteintes graves à l’ensemble des normes fondamentales du travail dans ce pays. La sortie de ce rapport coïncide avec l’examen de la politique commerciale de la Chine à l’OMC ces 21 et 23 mai.

La nouvelle loi sur le contrat d’emploi entrée en vigueur le 1er janvier 2008 a conduit à une augmentation spectaculaire des procédures d’arbitrage dans certaines régions du pays comme Guangzhou, où se trouve concentrée la production destinée à l’exportation. La plupart des districts de Guangzhou ont enregistré une augmentation d’entre 300 et 500%, atteignant 1500% dans le district de Haizhu. Plus de 60% des nouvelles procédures d’arbitrage à Guangzhou portent sur le non-paiement des salaires et des heures supplémentaires. Il est estimé que les arriérés salariaux cumulés en Chine entre 2005 et 2007 atteignent 66 milliards de yuans. Ceux-ci affectent principalement des travailleuses et travailleurs migrants provenant de régions plus pauvres de la Chine et travaillant dans le secteur de la construction.

Soutenue par la confédération syndicale chinoise unique ACFTU, la nouvelle loi fut préparée pour répondre à la conjoncture actuelle, où une majorité de la main-d’œuvre travaille sans contrats et où même si un contrat est signé, celui-ci n’est généralement pas délivré aux employés. D’après une enquête récente du Congrès national du peuple, moins de 20 pour-cent des PME du secteur privé auraient signé des contrats avec leurs employés. La loi prévoit des sanctions pour les entreprises qui enfreignent les lois du travail et les réglementations afférentes aux contrats d’emploi; elle tente également de réglementer le recours croissant à la main-d’œuvre contractuelle en Chine.

La loi sur le contrat de travail a suscité une fervente opposition chez les employeurs et les entreprises multinationales en Chine, y compris lors de la session annuelle du Congrès national du peuple, en mars 2008; elle fut également opposée par les Chambres du commerce des Etats-Unis et de l’Union européenne en Chine tout au long des différentes étapes de sa préparation. D’après une majorité des 91 petites entreprises sondées dans le cadre d’une enquête en février 2008, la nouvelle loi aurait entraîné une augmentation d’au moins 10% de leurs coûts de main-d’œuvre. Une enquête menée auprès d’un autre échantillon de 45 entreprises chinoises appartenant principalement aux secteurs de la manufacture et des services a conclu que 56,1% d’entre elles étaient opposées à la nouvelle législation, tandis que 70,73% d’entre elles étaient en faveur d’une réforme. Une part considérable des entreprises interrogées ont indiqué qu’elles y répondraient par un recours accru à la sous-traitance et aux agences d’embauche de main-d’œuvre contractuelle. De nombreuses entreprises continuent, de toute évidence, à prendre des mesures visant à minimiser les coûts de main-d’œuvre, en dépit de la nouvelle loi. Même avant la promulgation de la nouvelle législation en janvier 2008, de nombreux employeurs pratiquaient des salaires inférieurs au minimum légal et s’adonnaient à des pratiques abusives telles que l’imposition d’heures supplémentaires obligatoires, comme cela fut signalé dans le rapport publié en mai 2008 par la CSI et ces partenaires de la Campagne PlayFair 2008 concernant la production de marchandises olympiques

De fait, il semblerait que les entreprises aient commencé à réagir contre la nouvelle législation dès janvier 2008 en recourant à une variété de tactiques, y compris la réduction des effectifs, notamment ceux qui bénéficieraient de droits accrus en vertu de la nouvelle loi, l’intensification du recours à la main-d’œuvre contractuelle et la rétrogradation d’employés plus anciens, entre autres. Certains rapports ont fait état de délocalisations de chaînes de production à faible valeur ajoutée de Guangdong vers les régions centrale et occidentale du pays, voire vers l’étranger. Les employeurs chercheraient de cette façon à réduire les surcoûts anticipés découlant de la nouvelle législation.

Le rapport attire l’attention sur le fait que les travailleurs n’ont toujours pas le droit d’adhérer à des syndicats de leur propre choix, tandis que le syndicat officiel du parti veille coûte que coûte à préserver la stabilité sociale dans le pays. Les tentatives de formation de syndicats indépendants continuent d’être réprimées et la négociation collective réelle reste extrêmement limitée. Bien qu’elles ne soient pas légalement autorisées en Chine, les grèves surviennent régulièrement, en réponse aux conditions difficiles qu’affrontent les travailleuses et travailleurs. Les actions collectives sont cependant souvent réprimées par les forces de l’ordre.

Les derniers mois ont vu une recrudescence du travail des enfants et du travail forcé, cependant que les employeurs s’évertuent à contourner les lois du travail qui réglementent le travail saisonnier. Dans un des cas les plus graves signalés, une enquête de grande envergure lancée par les autorités gouvernementales dans les briqueteries de la province de Shanxi suite à la publication, en 2007, d’un appel en-ligne par des parents d’enfants portés disparus, a conduit à la libération d’environ 1340 travailleuses et travailleurs exploités au régime du travail forcé, et dont la plupart n’était pas rémunérée. Parmi eux se trouvaient des personnes souffrant de handicaps mentaux et des enfants, dont la plupart étaient des victimes d’enlèvements et de trafics internes.
En avril 2008, un autre scandale d’envergure impliquant le recours au travail des enfants a été dévoilé par les médias. L’action a conduit au démantèlement d’un réseau de trafic d’enfants provenant majoritairement de régions centrales et pauvres de la Chine et exploités dans la zone économique spéciale de Pearl River Delta. Plus de cent enfants d’entre 13 et 15 ans (certains avaient à peine 9 ans) ont été délivrés dans plusieurs usines de la ville de Dongguan, un des principaux centres de production du sud du pays. Les enfants en question étaient exploités à raison de 300 heures par mois et rémunérés à 0,50 dollar de l’heure. Des responsables du gouvernement ont signalé qu’ils enquêtaient sur des rapports faisant état de centaines d’autres enfants provenant de zones rurales, forcés de travailler dans des conditions épouvantables, pour des salaires de misère. D’après l’agence d’information de l’Etat, pas moins d’un millier d’enfants en âge de scolarité, en provenance de la région de Liangshan, dans le sud-ouest de la Chine, étaient employés dans des zones de production situées à proximité de Hong Kong. Les autorités de Liangshan ont indiqué qu’elles avaient détenu plusieurs personnes suspectées de recruter des enfants et des acheminer illégalement jusqu’aux usines.

Toujours d’après le rapport, l’inégalité entre les hommes et les femmes demeure significative, avec un écart entre homme et femmes estimé à 20%. La discrimination à l’égard des minorités ethniques représente, elle aussi, un problème, notamment dans la Région autonome de Xinjiang Uighur et dans la Région autonome du Tibet, où les politiques en matière d’emploi favorisent les Chinois Han.
Les travailleurs migrants internes continuent à être défavorisés en Chine. Il est estimé qu’entre 120 et 150 millions de citoyens chinois en provenance de milieux ruraux sont employés dans les grandes villes chinoises et les zones économiques spéciales situées sur les côtes, loin de leurs villages. Il est également estimé que chaque année entre 7 et 10 millions de nouveaux migrants partent vers les villes et que 60% pour cent d’entre eux travaillent ailleurs que dans leur province d’origine. Leur liberté de mouvement est sévèrement restreinte en vertu du système « hukou », sorte de registre des ménages moyennant lequel tous les membres d’une famille sont fichés en fonction de leur résidence familiale. Ceci entraîne toute une série de complications parfois extrêmement sérieuses, dès lors qu’une personne résidant illégalement dans une zone urbaine n’a pas légalement le droit d’accéder à l’éducation, aux soins médicaux, au logement et autres services publics essentiels.
Un autre problème de taille concerne le recours répandu au travail des enfants en vertu des soi-disant « programmes de travail/étude », où des enfants sont exploités dans des usines ou dans l’agriculture sous prétexte qu’ils contribuent de cette façon à leurs frais d’instruction. Il est estimé qu’à l’heure actuelle 400000 enfants participent à ces programmes. L’ONG Human Rights Watch a notamment signalé un cas où 500 enfants d’une école moyenne de Sichuan travaillaient dans des équipes de 14 heures dans une usine pendant les vacances d’été. Ces enfants étaient contraints de dormir dans des dortoirs surpeuplés, étaient insuffisamment alimentés, souffraient de problèmes de santé causés par le travail et se voyaient imposer des amendes en cas de fautes de fabrication. De nouveaux rapports continuent à émerger concernant l’exploitation forcée d’enfants dans la récolte de coton dans la Région autonome de Xinjiang Uighur (XUAR) et la province de Gansu. Le rapport fait état d’heures de travail à rallonge et d’une rémunération minimale.

Les stages de formation servent également de subterfuge pour exploiter les enfants dans les usines. Les périodes de stage peuvent dans certains cas se prolonger à plusieurs mois, comme dans les cas de l’usine de composants Longzhen, à Dongguan, ou l’entreprise Yonghong Electronics, à Shenzhen, où, d’après un rapport publié en 2006, des enfants d’entre 14 et 15 recrutés en tant qu’ « apprentis » étaient contraints de faire des heures à rallonge pour une rémunération de misère, alors qu’ils étaient en âge d’aller à l’école.
En vertu du système de « rééducation par le travail », les prisonniers sont forcés de travailler durant de longues heures et avec une rémunération minimale ou nulle. Ils peuvent également être sous-traités à des entreprises à l’extérieur du système carcéral. Aucun mécanisme n’est prévu pour prévenir l’exportation de biens fabriqués dans de telles conditions.
Le rapport de la CSI se termine par une série de 12 recommandations adressées au gouvernement de la Chine et à l’OMC. Pour accéder au texte intégral du rapport, prière de cliquer ici


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