Accord commercial du Pacifique : cupidité des entreprises mode d’emploi

Pour la CSI, « l’accord de partenariat transpacifique » (TPP) entre 12 pays, qui a été annoncé le 5 octobre, est un bel exemple de cupidité des entreprises.

Le texte définitif de l’accord n’est toujours pas accessible au public mais la divulgation de certains passages a fait naître une grande préoccupation chez les syndicats et d’autres groupes de la société civile.

Sharan Burrow, la secrétaire générale de la CSI, déclare : « Les négociations extrêmement discrètes du TPP ont accordé une position avantageuse à de puissantes entreprises, dont l’influence apparaît clairement dans l’accord. Une fois de plus, les gouvernements ont placé les intérêts de la finance et des transactions lucratives avant ceux des citoyens ordinaires, en acceptant encore plus de déréglementation financière, des brevets plus longs pour les médicaments au détriment du public, et davantage de restrictions des libertés numériques. Les entreprises auront la possibilité de poursuivre les gouvernements au titre des honteuses procédures de règlement des différends entre investisseurs et États ; les travailleurs n’ont pas de recours direct ».

Les négociateurs se sont empressés de terminer l’accord à temps pour le soumettre à un vote pour ou contre au Congrès américain avant l’effervescence de la campagne des élections présidentielles de l’an prochain.

Un chapitre sur le travail figure dans l’accord. Les syndicats ont présenté une proposition détaillée pour garantir plus efficacement les droits et les normes relatifs aux travailleurs. Peu d’idées ont été retenues, et aucune qui aurait permis que les plaintes passent un jour au tribunal. Les entreprises peuvent directement intenter des procédures de règlement des différends entre investisseurs et États pour protéger leurs bénéfices, mais les travailleurs doivent demander aux gouvernements d’intervenir en leur nom. « Ce type d’application forcée d’une loi sur le travail n’a été utilisé qu’une fois, dans le cadre de l’Accord de libre-échange d’Amérique centrale, contre le Guatemala. L’action en justice a déjà duré sept ans, et il n’y a toujours pas de décision finale ni d’application par le gouvernement », précise Burrow.

Un chapitre provisoire sur l’environnement a été divulgué, et il apparaît qu’aucun mécanisme n’est prévu pour le faire respecter, ni aucune mesure rappelant la nécessité d’agir pour atténuer les conséquences du changement climatique.

Pendant les négociations, les États-Unis ont modéré, de manière très controversée, l’attitude critique qu’ils avaient manifestée à l’égard de la Malaisie dans leur Rapport annuel sur la traite des personnes, ce qui a été largement perçu comme une tactique pour faire aboutir le TPP. Or, bien que des projets visant à faire respecter les mesures sur le travail aient été mis au point dans le TPP pour Brunei, la Malaisie et le Vietnam, ils ne seront pas applicables immédiatement – un délai de cinq ans est en effet prévu dans le cas du Vietnam. Aucun projet de ce type n’a été adopté pour le Mexique, où il existe de graves violations des normes de l’OIT.

Le TPP aura pour conséquence de freiner les appels d’offres publics au moyen de règles internationales très restrictives qui placent une notion de « compétitivité » mal inspirée au-dessus des objectifs de politique publique tels que la création d’emplois, la protection de l’environnement, les droits humains et les droits des travailleurs lors de l’attribution des marchés. De la même manière, plusieurs gouvernements ont accordé l’accès du marché dans les services publics et les entreprises de service public, ce qui va compromettre leur qualité et l’accès du public à ces services.

En outre, cet accord va limiter la capacité de réglementation des gouvernements, en établissant de nouvelles procédures destinées à harmoniser les réglementations des douze pays, où il sera encore fait la part belle aux entreprises.

« Nous connaissons bien les nobles promesses des gouvernements et des groupes de pression dans ce type d’accord, en matière de création d’emplois et de niveaux de vie. Malheureusement, les belles paroles se sont rarement concrétisées, et les véritables bénéficiaires sont les grandes multinationales », ajoute Burrow.