Trois façons dont la blockchain est en train de transformer le monde du travail

Dans un monde basé sur des contrats, les réseaux en ligne utilisant la technologie blockchain sont susceptibles de révolutionner la manière dont nous effectuons ces transactions, que ce soit pour changer de l’argent, acheter des biens, des actifs ou toute autre valeur, y compris le travail.

Qu’il s’agisse de placements professionnels, de recrutement ou de recherche d’emploi à temps partiel ou à temps complet, la blockchain offre aux particuliers et aux syndicats des opportunités mais comporte aussi des risques. Il est important, dans un premier temps, de bien comprendre le système ainsi que les risques inhérents à l’utilisation de données et aux questions réglementaires.

Voici donc comment opère la blockchain. Une fois qu’une transaction est saisie dans le registre ou le réseau blockchain, elle l’est pour de bon, étant donné que les maillons ou blocs qui composent la chaîne ne peuvent être supprimés ou modifiés.

Quiconque a été autorisé à intégrer la blockchain peut accéder à la même information en temps réel. La chaîne appartient non pas à un seul « contrôleur » mais à l’ensemble des utilisateurs. Aussi, une procédure cryptée et vérifiable permet-elle de savoir qui détient quoi et donc de garantir la transparence.

La blockchain participe d’une tentative de redéfinir la notion de « confiance » en tant que partie intégrante de l’architecture du système. Partant, elle permet à des parties qui ne se sont pas habituellement caractérisées par leur confiance mutuelle d’entreprendre des transactions et de passer des contrats sur la base de règles convenues par accord mutuel, traduits sous forme de ce qu’on nomme des Contrats Intelligents (de l’anglais Smart Contracts).

En termes pratiques, le système est basé sur du code composé d’une série de règles et de sanctions, décrites pas à pas, conçues et approuvées par les parties elles-mêmes, encodées dans la blockchain et automatiquement appliquées, à l’exclusion de toute autorité ou tiers.

La blockchain fait d’ores et déjà partie de nos vies. Elle est utilisée par des petites et moyennes entreprises pour créer de nouveaux modèles d’entreprise et systèmes de paiement. Les grandes banques la testent dans les domaines de la compensation et du règlement, ainsi que pour le financement commercial et les prêts syndiqués. Les gouvernements s’en servent pour la fourniture d’identité numérique et la cartographie. La police l’utilise dans le cadre d’enquêtes criminelles.

Pourquoi les travailleurs devraient-ils s’intéresser à la blockchain ?

En tant que technologie pouvant conduire à une révolution totale de nos modes d’échange de biens et de services, la blockchain doit absolument figurer sur le radar des travailleurs. Le crédit aux petites entreprises, l’emploi temporaire et le recrutement sont trois domaines où nous pouvons d’ores et déjà identifier un impact concret.

1. Crédit aux petites entreprises
En Afrique, l’accès au capital pour le financement des entreprises est un problème pour une majorité de petites et moyennes entreprises (PME). La plupart d’entre elles sont exclues du secteur bancaire traditionnel. Flairant une opportunité, Viola Llewellyn a cofondé Ovamba Solutions, une plateforme basée sur la blockchain, qui relie les investisseurs internationaux des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon avec des PME africaines, leur ouvrant l’accès aux capitaux à court terme et aux services financiers.

La blockchain garantit de la transparence aux investisseurs, dès lors que tout le monde peut suivre l’évolution d’une transaction, de la clientèle, des applications, etc.. L’objectif étant aussi de se servir de la blockchain et des crypto-monnaies pour éliminer les innombrables barrières commerciales qui subsistent encore à l’heure actuelle en Afrique.

La plateforme s’appuie sur un algorithme qui compile plus de 500 terminaux de données pour déterminer le profil de risque d’une PME avant de débourser les fonds. Les utilisateurs se connectent à une plateforme en ligne, via un téléphone portable, et peuvent communiquer dans leur propre langue dans le cas où ils ne parleraient pas l’anglais, le français ou l’arabe. Ovamba permet aussi l’acquisition d’actifs/stocks pour le compte de SME, moyennant une petite commission. La transaction est garantie par le stock et est liée à un plan de remboursement qui permet à l’entreprise de maintenir des niveaux suffisants de trésorerie.

Ce système a permis à de nombreuses petites entreprises et exploitations agricoles africaines d’être reliées entre elles et d’accéder à des financements à moindre coût, leur permettant de survivre et de croître.

2. Emploi temporaire
Dans le domaine de l’emploi temporaire, Andrea Pinna et d’autres chercheurs proposent un système d’emploi décentralisé qui simplifie la procédure d’embauche et convertit celle-ci en une relation plus équitable. Dans ce cas, la blockchain aide à réguler le réseau peer-to-peer d’employeurs et de travailleurs temporaires au moyen de contrats intelligents. Le modèle est élaboré sur la base de deux valeurs essentielles pour le travail, à savoir qu’il oblige l’employeur à garantir la transparence de la relation d’emploi et prévient, dans le même temps, le recours à une main-d’œuvre non déclarée.

L’employeur est tenu de spécifier la durée de travail, le salaire et la description de poste, ainsi que de déposer des actifs numériques pour garantir les salaires stipulés aux termes du contrat intelligent. Une fois que toutes les conditions sont réunies, l’offre d’emploi est diffusée par le biais d’un système automatique et décentralisé. Les travailleurs peuvent alors postuler en toute connaissance des conditions et de la rémunération. Une fois que le travail a été accompli, le travailleur reçoit le paiement préalablement convenu.

3. Recrutement
L’industrie du recrutement évoluera elle aussi, étant donné que la blockchain peut être exploitée par les entreprises, les chasseurs de têtes et les agences de recrutement à un coût nettement inférieur aux systèmes en place.

Créée en vertu du droit helvétique, Global Jobcoin a pour vocation de faciliter le mouvement des personnes et de fournir un accès à une main-d’œuvre qualifiée en Europe. La firme se sert de la technologie blockchain et de jetons pour fournir une plateforme décentralisée, autonome et flexible pour le paiement des services liés à l’emploi.

En recourant aux contrats intelligents, l’entreprise établit un lien entre les PME et les travailleurs indépendants. Les offres d’emploi sont publiées sur une plateforme multilingue, un travailleur indépendant est sélectionné et une fois la tâche achevée, des jetons sont débloqués par le système et le travailleur indépendant est payé.

HireMatch est une autre bourse de l’emploi utilisant le système des jetons. Ces entreprises opèrent toutes les deux sur la base d’une commission de recrutement nettement inférieure à celle des acteurs traditionnels de ce secteur.

Ces exemples peuvent être des signes annonciateurs de ce qui nous attend à l’avenir. La blockchain est en train de redéfinir la notion de « confiance » et pourrait un jour redéfinir la notion de « travail ».

Certaines incertitudes subsistent néanmoins quant à son avenir. D’un point de vue réglementaire, la blockchain n’est pas encore régulée en tant que tel et les entreprises basées sur la blockchain sont soumises aux mêmes lois et réglementations que les autres entreprises. Bien que cela offre un degré de commodité, certains autres aspects de la technologie engendrent de l’incertitude et devront être examinés de plus près.

La blockchain étant basée sur une base de données immuable, où les transactions ne sont jamais effacées, la protection des données et, notamment, de la vie privée pose un problème particulier. Aussi, comme il n’y a pas d’ « autorité centrale » impliquée dans les contrats intelligents, la possibilité d’outrepasser le consensus est limitée.

Les législateurs devront assurément trouver des solutions à ces problématiques pour protéger la communauté qui se sert de la blockchain.

En principe, la blockchain peut être utilisée pour tout et les développeurs estiment que tout est possible. Si elle peut aider des communautés de personnes à se développer, si elle peut contribuer à au commerce équitable et à l’inclusion financière, elle mérite d’être encouragée.

S’agissant de son impact sur le travail et l’emploi, il reste à voir comment une technologie qui privilégie des transactions directes entre les individus peut véritablement servir les intérêts des travailleurs et ne pas nuire à la dimension collective du travail.

Peut-être les syndicats devraient-ils entrer dans la danse et exploiter la blockchain au bénéfice des travailleurs. Peut-être devraient-ils commencer à réfléchir à comment tirer parti de cette technologie pour fournir un meilleur soutien aux travailleurs, partout dans le monde, reconnaître leurs qualifications et promouvoir de nouvelles formes d’organisation.

La blockchain a le pouvoir de changer le monde dans lequel nous vivons et travaillons et il sera nécessaire de réfléchir à comment l’exploiter pour mieux nous protéger tous, y compris en tant que travailleurs.