Communiqué de presse: La répression antisyndicale s’aggrave en Asie-Pacifique

Le rapport des violations des droits syndicaux dans le monde, publié aujourd’hui par la Confédération syndicale internationale (CSI), révèle que, durant toute l’année 2010, employeurs et dirigeants de la région Asie-Pacifique ont de nouveau privilégié la violence et la répression face aux demandes de dialogue social des syndicats. Près de 1.000 syndicalistes asiatiques ont été blessés et pratiquement autant de militants ont été arrêtés. Par rapport à 2009, la CSI enregistre également une augmentation du nombre de syndicalistes asiatiques assassinés (12 en 2010, contre 10 en 2009) ainsi que du nombre de menaces de mort contre les syndicalistes.

2010 a été particulièrement cruelle au Bangladesh. Des protestations ont eu lieu tout au long de l’année dans le secteur de la confection, donnant souvent lieu à une répression violente. Six militants des droits des travailleurs ont été tués par la police et des casseurs à la solde du patronat, des dizaines d’autres ont été blessés lors d’interventions policières pour briser les grèves. Comme les années précédentes, les Philippines sont l’un des pays où la violence s’est avérée la plus meurtrière: trois dirigeants syndicaux philippins ont été assassinés en 2010. En Inde, c’est la police qui a tué deux travailleurs alors qu’ils protestaient contre la mort d’un collègue. Au Pakistan, le 6 août, un dirigeant syndical du secteur du tissage et un autre militant syndical ont été assassinés dans les locaux du syndicat juste avant le début d’une grève.

Dans la majorité des pays asiatiques, des syndicalistes et des militants des droits des travailleurs ont été arrêtés, souvent pour avoir pris part à des protestations et à des grèves. Plus de la moitié des quelque 900 arrestations déplorées en Asie en 2010 ont eu lieu en Inde. Au Vietnam, trois militants syndicaux ont été arrêtés pour avoir distribué des prospectus antigouvernementaux et avoir organisé des grèves. Ils ont été condamnés à des peines de prison allant de sept à neuf ans. De très nombreuses arrestations ont eu lieu au Bangladesh, en Corée du Sud et au Pakistan.

Le rapport annuel de la CSI dénonce le recours des employeurs ou des autorités à des casseurs pour agresser les dirigeants ou militants syndicaux. Outre le Bangladesh et la Chine, cela a notamment été le cas en Inde et aux Philippines. En Inde, le 25 août, des malfrats ont attaqué 60 travailleurs de Viva Global (VG), un fabricant de vêtements, suite à une campagne pour améliorer les conditions de travail. 16 femmes ont été gravement battues. L’un des malfrats est un sous-traitant parfois utilisé par VG.

La répression antisyndicale se traduit souvent par le licenciement des travailleurs actifs dans la défense de leurs droits. Au Cambodge, 817 travailleurs du secteur de la confection ont été renvoyés ou suspendus suite à une grève nationale en septembre. En Thaïlande, des membres et dirigeants syndicaux ont été licenciés sous de faux prétextes de vol et de négligence. Les enseignes les plus prestigieuses tombent dans les mêmes travers répressifs. Aux Maldives par exemple, l’hôtel de luxe Shangri-La Villingili Resort n’a pas hésité à licencier 14 syndicalistes le 14 avril car ils avaient protesté contre le licenciement arbitraire de quatre collègues.

Une autre tendance généralisée à travers la région Asie-Pacifique est le recours croissant aux contrats temporaires, comme au Cambodge, en Corée du Sud ou en Nouvelle-Zélande. Dans de nombreux cas, le travailleur employé sous contrat temporaire n’ose pas faire valoir le respect de ses droits, par crainte de ne pas voir ce contrat renouvelé. S’élever pacifiquement contre cette tendance peut s’avérer dangereux. Au Pakistan, le vice-président du syndicat des travailleurs de l’entreprise Mari Gas a été enlevé et torturé du 9 au 11 mars pour son rôle dans des manifestations appelant à la régularisation des travailleurs et à l’abolition du travail contractuel.

Le rapport annuel de la CSI dénonce de nombreux cas de harcèlement, de menaces et de discrimination contre les travailleurs et travailleuses membres de syndicats indépendants. En Corée du Sud, des fonctionnaires syndiqués ont été à ce point harcelés par les autorités que leur syndicat n’a plus pu fonctionner. En Thaïlande, pays où les employeurs affichent une conduite ouvertement antisyndicale, le gouvernement va jusqu’à dispenser des formations sur la surveillance des syndicats. Le rapport montre aussi que la création de syndicats jaunes est l’une des techniques d’affaiblissement des syndicats indépendants les plus fréquemment utilisées en Asie. C’est le cas notamment au Cambodge, en Corée du Sud, en Indonésie et aux Philippines.

Certains pays asiatiques, comme la Corée du Nord et la Birmanie, continuent à interdire dans la pratique toute activité syndicale indépendante. En Chine, au Laos et au Vietnam, la législation prévoit un système de monopole syndical. Le rapport annuel de la CSI révèle toutefois qu’en dépit des peines de prison contre quiconque tente d’organiser un syndicat indépendant, de plus en plus de syndicats de base d’entreprise voient le jour en Chine. Le nombre de grèves a également continué d’augmenter en 2010 en Chine, surtout dans les entreprises privées, malgré les répressions brutales de la police ou de « gros bras ».

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