Interview vidéo: Wellington Chibebe (ZCTU Zimbabwe)

Video et transcription

Je m’appelle Wellington Chibebe, je suis le secrétaire général du Zimbabwe Congress of Trade Unions.

La situation est tragique en raison de la dérive économique. Nous avions espéré que les choses iraient mieux avec l’introduction d’une nouvelle devise et l’accession du nouveau gouvernement, un gouvernement inclusif, mais les syndicats sont durement touchés parce que les cotisations syndicales sont plutôt maigres, dû au fait que les patrons refusent d’engager des négociations salariales. Et quand ils engagent des négociations salariales, ils refusent de respecter les accords. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé qu’il y aurait un moratoire sur les termes des négociations salariales, ce qui ne fait qu’aggraver la situation des syndicats.

Le harcèlement politique. Même si à première vue les choses semblent s’être améliorées, nous continuons à être confrontés au harcèlement. Vous savez sans doute que depuis un an et demi plusieurs de nos activistes ont été arrêtés et que des activités du ZCTU ont été interdites par la police, au point que nous avons dû recourir aux tribunaux supérieurs pour pouvoir organiser des événements comme, par exemple, la commémoration de la journée pour la santé et la sécurité à Kwekwe. Il y a aussi eu l’arrestation, en novembre, de Lovemore Matombo, président du ZCTU, et les coups de feu tirés sur des activistes et des travailleurs qui protestaient contre le non-paiement de salaires à Shabanie.

S’il y a eu des améliorations, c’est uniquement en apparence. On peut difficilement parler d’amélioration. Le problème est que contrairement aux déclarations des dirigeants politiques qui font état d’une amélioration de la situation, la situation reste inchangée au plan des structures ou des infrastructures en ce qui concerne les « sécurocrates », à savoir les forces armées et le secteur de la sécurité. De fait, ce sont ces mêmes personnes qui persécutaient la population, les mêmes personnes qui occupent les mêmes postes. D’autres ont en réalité été promus pour avoir torturé des militants des droits humains.

La Commission d’enquête a établi les faits et les a vérifiés. Elle a conclu que les affirmations du ZCTU étaient en fait vraies. Dans une certaine mesure, nous nous réjouissons aussi du fait que le gouvernement a accepté le rapport et a promis de mener à terme les recommandations de la Commission d’enquête. S’ils les appliqueront pleinement, cela reste à voir, sachant la manière dont fonctionne notre gouvernement. Nous sommes aussi enthousiasmés par le fait que la CSI ait réussi à organiser une conférence de suivi ici à Harare.

Nous gardons l’espoir, parce que le gouvernement a, d’emblée, accepté le rapport et sachant très bien que chaque année, au mois de juin, nous serons à Genève pour la Conférence de l’OIT, où cette question sera sur la table. Nous pensons que, pour une fois, le gouvernement sera capable de mener à terme les recommandations.

Nous pensons que les élections seront sanglantes et nous sommes extrêmement inquiets qu’elles ne risquent de dégénérer en une situation chaotique. Mais malheureusement nous ne pouvons éviter les élections simplement parce qu’il y a eu violence, car les élections doivent se tenir dans les temps. Autrement, si nous continuons à craindre la violence, il en résulterait que les auteurs de la violence sachant que les gens ont peur continueront à s’en servir comme arme. Nous sommes donc prêts à y faire face, à serrer les dents, à chaque élection.

Nous avons examiné la situation sur le terrain et réalisé que faute d’accorder la priorité à une action ciblée sur les femmes et les jeunes travailleurs et travailleuses, il sera extrêmement difficile d’avoir des syndicats à l’avenir car ils constituent la majorité des gens que nous représentons, particulièrement les jeunes travailleurs, aussi bien du sexe masculin que féminin. C’est là que se trouve l’avenir de nos syndicats car en ce moment même, l’écart de génération entre les personnes plus âgées et les jeunes ne cesse de se creuser. Autrement dit, très peu de jeunes s’intéressent au syndicalisme car ils pensent qu’ils sont mieux à même de se représenter soi-même, et c’est là un problème auquel il faut s’attaquer.