Gros Plan sur Asma Elbassir ( Maroc-UMT)

« Accorder plus de visibilité aux jeunes »

« Accorder plus de visibilité aux jeunes »

Prothésiste dentaire de formation, Asma Elbassir est aujourd’hui fonctionnaire au service social de la commune de Casablanca. Membre du Comité des femmes et du Comité des jeunes de l’UMT, elle se réjouit du renforcement des compétences des femmes acquis grâce à la campagne de syndicalisation des femmes (1). Alors que les jeunes Marocains sont lourdement frappés par le chômage et se sentent marginalisés par rapport au processus de développement, Asma Elbassir plaide en faveur d’une meilleure visibilité et d’une meilleure reconnaissance des jeunes, dans la société comme dans les syndicats.

Quelle motivation t’a poussé à devenir active dans le mouvement syndical ?
_ Au début, j’ai été attirée par le monde associatif de la société civile dans lequel j’ai appris beaucoup de choses. Le principal c’est l’idée d’apporter son aide pour servir les autres.
J’ai constaté dans le milieu du travail qu’une simple travailleuse ne peut pas faire respecter ses droits si elle agit seule face à ses supérieurs pour contrer une discrimination au travail et défendre sa dignité. C’est pour cela qu’ il faut rejoindre un organisme bien fort, dans lequel tous les efforts sont mis en commun, pour mieux protéger les droits de tous et toutes. J’ai choisi l’UMT pour réaliser cette ambition car l’UMT a un poids reconnu au niveau national et international, c’est stimulant comme cadre pour promouvoir les droits.

Que caractérise la situation des femmes dans la société et sur le marché du travail marocains ?
La femme marocaine a joué un rôle important dans l’évolution du potentiel humain du Maroc. Après une période ou elle a été la grande oubliée du processus de développement humain, elle a pu réaliser, au prix d’un grand combat, des avancées qui sont aujourd’hui unanimement reconnues. Mais elle fait toujours face à des obstacles liés à l’héritage traditionnel et culturel, un sentiment d’infériorité par rapport à l’homme, ce qui la met en position de faiblesse face au harcèlement physique et moral, et ce qui la cantonne dans des postes de travail médiocres pénibles, sans pouvoir de décision. A cause de la problématique de la maternité qui n’est pas suffisamment prise en compte, elle manque d’opportunités de formation et de promotion professionnelle par rapport aux hommes qui accèdent plus facilement aux postes à responsabilités.

Comment as-tu participé à la campagne pour les femmes dans les syndicats au Maroc (1)?
_ J’ai participé à la campagne pour les femmes dans les syndicat en faisant une tournée syndicale au niveau des entreprises, pour être à l’écoute des problèmes vécus au sein de ces sociétés par les travailleuses et pour pousser l’idée que les femmes ont intérêt à participer elles-mêmes à la défense de leurs droits. Si les femmes ne sont pas présentes et ne font pas entendre leur voix dans le syndicat, le syndicat ne pourra pas prendre en charge correctement leurs problèmes spécifiques, notamment les questions de discrimination et de harcèlement.

As-tu vu des résultats concrets de cette campagne?
_ Absolument, il ya de réels résultats concrets. On a amélioré notre capacité syndicale en renforçant la confiance en soi, la prise de parole, les techniques de communications, la prise en compte de facteurs culturels. Les femmes ont renforcé leurs compétences et sont mieux outillées pour prendre des responsabilités syndicales.

Quels sont les problèmes majeurs que rencontrent les jeunes Marocains, hommes et femmes?
_ Les jeunes constituent les deux tiers de la population. Mais les politiques du Maroc depuis son indépendance n’ont pas suffisamment intégré la jeunesse dans l’équation globale du développement. Le manque de perspectives, la difficulté à se réaliser, le chômage, l’immigration clandestine, la pauvreté, la drogue, les diplômés chômeurs, témoignent de graves dysfonctionnements dans la mise en valeur des ressources humaines nationales.

Fais-tu partie d’une structure spécifique pour les jeunes au sein du syndicat?
Evidemment oui. Je suis membre du Comité des jeunes. Et je participe aussi à des colonies de vacances pour les enfants.

Penses-tu que l’UMT accorde suffisamment de place aux jeunes et à leurs problèmes, et notamment en ce qui concerne les jeunes femmes ?
Depuis son neuvième congrès en 1995, l’UMT a opté pour l’ouverture sur les organisations démocratiques de la société civile (mouvements des droits humains, des jeunes, des femmes, des chômeurs,...) qu’elle considère comme des alliés de la classe ouvrière. Dernièrement, le Premier ministre a eu des entretiens avec l’UMT, avec une attention particulière donnée à l’emploi des jeunes qualifiés et à l’initiative nationale pour le développement humain. Au niveau des femmes, l’UMT s’inscrit notamment parmi le réseau de lutte contre le harcèlement sexuel constitué suite au cas de harcèlement sexuel perpétré par un responsable de l’Hôtel Sofitel Diwan à l’encontre de certaines employées. La violence à l’égard des femmes en général sous toutes ses formes (physique, verbale, psychologique et sexuelle) ne cesse de s’accroître.

En tant que jeune, comment voudrais-tu voir évoluer le mouvement syndical marocain?

En tant que jeune, j’exprime une volonté forte pour intégrer les valeurs modernes de démocratie dans la dynamique institutionnelle et sociétale. Le Maroc est un pays de jeunes, qui emmagasine un capital illimité d’intelligences et de compétences. Ces jeunes veulent participer à une nouvelle culture de confiance et de reconnaissance. Ils réclament plus d’écoute, de mécanismes d’intégration et de possibilités de participation pour l’élaboration de nouveaux rapports à l’Etat, à la société et à la nation. Le mouvement syndical doit aussi s’inscrire dans cet esprit-là et s’engager dans une approche différente d’entreprise et d’initiative. Un travail de mobilisation et de conscientisation parmi les jeunes reste à faire, car ils ressentent un besoin réel de visibilité.

Propos recueillis par Natacha David.

(1) Lire aussi le Dossier de « Vision Syndicale » sur la campagne des femmes syndicalistes marocaines

- Lire aussi l’interview de Samira Kinami (Maroc-UMT), intitulée « syndiquée… et licenciée sur le champ ! »

- Lire aussi l’interview de Naima Bouguerjouma (Maroc –UMT), “Les femmes ont compris que se syndiquer permet d’avoir plus de droits”