Asie-Pacifique : L’anti-syndicalisme primaire étouffe les droits des travailleurs

Assassinats, passages à tabac, licenciements… De nombreux gouvernements et employeurs asiatiques ne reculent devant rien pour tenter de réduire au silence les syndicats. Le dernier rapport annuel de la CSI sur les violations des droits syndicaux jette la honte sur les pratiques les plus barbares qui ont frappé des dizaines de milliers de travailleurs asiatiques en 2007.

Bruxelles, le 20 novembre 2008: Assassinats, passages à tabac, licenciements… De nombreux gouvernements et employeurs asiatiques ne reculent devant rien pour tenter de réduire au silence les syndicats. Le dernier rapport annuel de la CSI sur les violations des droits syndicaux jette la honte sur les pratiques les plus barbares qui ont frappé des dizaines de milliers de travailleurs asiatiques en 2007.

Les Philippines sont l’un des pays où les violations sont parmi les plus graves sur le continent asiatique, avec des assassinats et enlèvements de syndicalistes qui se sont poursuivis en 2007, même si leur nombre a diminué par rapport à 2006. Le rapport de la CSI pointe aussi du doigt le Cambodge où, après Chea Vichea et Ros Sovannareth en 2004, un troisième syndicaliste de la FTUWKC, Hy Vuthy, a été assassiné en février 2007. La Justice cambodgienne s’est par ailleurs couverte de ridicule en ordonnant le maintien en prison de Born Samnag et Sok Sam Oeun, deux innocents accusés du meurtre de Chea Vichea. La situation n’est pas plus rassurante au Sri Lanka, où la Cour suprême a remis en cause certains principes de l’OIT et où des syndicalistes ont été enlevés et d’autres menacés de mort.

Plusieurs pays asiatiques ont recouru à des états d’urgence qui ont suspendu la liberté syndicale au cours de l’année 2007. C’est le cas du Bangladesh : le 11 janvier, l’état d’urgence décrété par le président a eu une incidence très négative sur les travailleurs, notamment en raison de l’interdiction d’organiser des assemblées et des activités syndicales. Les employeurs ont tiré parti de ces restrictions en se livrant au harcèlement systématique de dirigeants syndicaux.

Au Pakistan également, un état d’urgence instauré le 3 novembre de l’année dernière par le General Musharraf s’est accompagné de la suspension de la liberté syndicale et du droit d’assemblée. De nombreux syndicalistes, membres de l’opposition, avocats et militants des droits humains ont été arrêtés dans la foulée. Par ailleurs, en dépit des promesses faites de longue date à l’OIT, le gouvernement pakistanais n’a pas accompli le moindre progrès vers la mise en conformité de sa législation avec les normes internationales.

Le nouveau rapport de la CSI montre que contrairement à ce que la Chine a tenté de faire croire au cours des derniers Jeux Olympiques, tout ne va pas pour le mieux pour ses travailleurs. Les moindres tentatives d’action syndicale indépendante continuent d’être frappées de la répression la plus dure. La loi chinoise interdit aux travailleurs de s’organiser en dehors du cadre de la Fédération chinoise ACFTU qui, en vertu de ses statuts, doit se soumettre à l’autorité du Parti communiste chinois. En 2007, la police chinoise a fréquemment recouru à la violence pour disperser des protestations de travailleurs et travailleuses, blessant gravement certains d’entre eux, et elle a arrêté des membres et des dirigeants syndicaux. Des dizaines de militants et dirigeants syndicaux indépendants incarcérés aux cours des dernières années sont restés en prison, dans des camps de rééducation par le travail et dans des instituts psychiatriques.
En Birmanie, la répression impitoyable de toute forme d’activité syndicale demeure de mise également. La Fédération indépendante des syndicats de Birmanie est toujours considérée hors la loi. La junte militaire birmane a notamment condamné six travailleurs à 20 ans de prison pour avoir participé à des activités liées au 1er mai et emprisonné un dirigeant du syndicat des chemins de fer.

En Australie, la législation sur les relations professionnelles du gouvernement Howard continue à être lourde de conséquences pour les travailleurs et les syndicats. Le gouvernement Howard est tombé depuis lors, suite notamment à sa législation en matière de travail. Les employeurs s’en sont servis pour retirer à certains travailleurs la couverture des conventions collectives et leur faire signer à la place des contrats individuels. De fortes amendes ont été imposées à des travailleurs et à des syndicats du secteur de la construction pour des actions du travail organisées au sujet de problèmes de sécurité.

Gouvernements et employeurs asiatiques cachent parfois leur répression antisyndicale derrières des attaques violentes commises par des truands à leur solde. Ce fut le cas en 2007 au Bangladesh, aux Philippines et en Indonésie notamment. Le rapport de la CSI cite un cas de ce genre en Chine : en juin, quelque 300 travailleurs du bâtiment qui travaillaient à une centrale hydroélectrique de la province de Guangdong sont entrés en grève pour réclamer leurs salaires impayés depuis quatre mois, mais ils ont été attaqués et battus par plus de 200 « gangsters » armés de pelles, de haches, de tuyaux d’acier et de sabres.

Le gouvernement de Corée du Sud a lui aussi persévéré dans la répression antisyndicale. Les assauts violents de la police à l’encontre de grévistes se sont poursuivis, faisant plusieurs blessés graves. Les réformes du travail du gouvernement ne répondent pas aux normes internationales en vigueur ni à l’engagement du gouvernement coréen vis-à-vis de l’OCDE. Bien qu’après plusieurs années de lutte, le Syndicat coréen des employés de l’Etat ait finalement été enregistré officiellement en octobre, les campagnes antisyndicales agressives à son encontre n’ont pas fortement diminué. Les fonctionnaires ont été soumis à des restrictions significatives de leurs droits syndicaux dans de nombreux autres pays asiatiques. C’est le cas notamment en Thaïlande et au Cambodge. Au Japon, l’interdiction de grève reste de mise dans la fonction publique.

Le rapport de la CSI démontre qu’organiser des piquets de grève pacifiques s’avère une activité dangereuse dans de nombreux pays asiatiques. En Indonésie par exemple, les forces militaires engagées par les employeurs ont tiré à blanc en direction d’un piquet de travailleurs. La violence antisyndicale a également éclaté le 17 avril à Malacca (Malaisie), quand la police a dispersé par la force un piquet de grève pacifique organisé par des travailleurs de la firme Panasonic. Cette multinationale est loin d’être la seule épinglée par le rapport en raison de violations des droits syndicaux : c’est aussi le cas par exemple de British American Tobacco en Malaisie ainsi que d’Unilever en Inde et au Pakistan

A travers toute l’Asie, et plus particulièrement en Asie du Sud, les restrictions au droit syndical dans les zones franches d’exportation ont été accompagnées d’actes de harcèlement, de licenciements et d’abus commis régulièrement par les employeurs. Au Pakistan, les syndicats sont interdits dans ces zones, alors qu’en Inde, au Bangladesh et au Sri Lanka, les autorités ont fermé les yeux sur les campagnes systématiques lancées par les employeurs à l’encontre des organisateurs de syndicats.

Les travailleurs migrants ne bénéficient que rarement des protections élémentaires en Asie. En Malaisie par exemple, un corps de volontaires civils a été impliqué dans une série de violations des droits humains à l’encontre des travailleurs migrants, qui représentent de 15 à 20% de la main-d’œuvre. Les travailleurs migrants en Thaïlande, à Singapour et au Brunei Darussalam ne sont pas autorisés à établir ni à diriger des syndicats. En Corée du Sud, trois dirigeants du Syndicat des travailleurs migrants ont été arrêtés et expulsés.


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