Le gouvernement du Bangladesh utilise des prétextes et des tactiques pour priver les travailleurs de leurs droits

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Devant le Conseil d’administration de l’OIT, le gouvernement du Bangladesh n’a rapporté que peu ou pas de progrès dans le cadre de la feuille de route pour améliorer les droits des travailleurs, adoptée au début de cette année. Le pays continue à utiliser des manœuvres dilatoires et à mettre en péril la vie des travailleurs.

Au Bangladesh, 35.000 ouvriers meurent chaque année sur leurs lieux de travail et 8 millions sont victimes d’accidents professionnels. Les violences sexuelles sont monnaie courante, plusieurs millions de lieux de travail échappent au contrôle des services d’inspection du travail du gouvernement, tandis que les travailleurs sont piégés dans des emplois aux salaires de misère. Cinq travailleurs sont morts lors d’un incendie qui s’est déclaré dans une usine de chaussures à Dhaka, au moment même où le gouvernement préparait son rapport à soumettre à l’OIT.

Le Conseil d’administration de l’OIT a accepté que le gouvernement du Bangladesh fasse état des progrès réalisés dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route en mars 2022 et a décidé de reporter à novembre 2022 sa décision concernant les mesures devant être prises à la suite de la plainte introduite en vertu de l’article 26.

Une plainte au titre de l’article 26 entraîne les sanctions les plus sévères que l’OIT peut infliger à un pays pour violation des droits des travailleurs.

Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI, a déclaré : « Chaque jour supplémentaire met en péril la vie des travailleurs. La mise en œuvre de la feuille de route permettra d’établir un socle pour les droits de tous les travailleurs du Bangladesh. Le gouvernement doit donc absolument se fixer un calendrier pour implanter les changements définis par les travailleurs et leurs syndicats.

Le gouvernement du Bangladesh doit tenir les employeurs responsables du manque de sécurité sur les lieux de travail et reconnaître que les syndicats sont là pour réclamer la justice pour les travailleurs et protéger leur sécurité. Les syndicats doivent être reconnus dans tous les secteurs de l’économie. »

Les revendications de la CSI sont les suivantes :

  • Mise en œuvre immédiate d’une commission tripartite pour engager le dialogue social, base des relations professionnelles modernes.
  • Nouveau système alternatif pour la résolution des conflits, afin de répondre aux réclamations, rouvrir les dossiers en attente et restaurer la confiance des travailleurs.
  • Salaire minimum, basé sur des données factuelles, pour tous les travailleurs, dans tous les secteurs.

« Un dialogue social, des procédures de plainte et de résolution des conflits efficaces, ainsi que des salaires minimums basés sur des données factuelles, sont autant de facteurs qui permettront au Bangladesh de jeter les bases de sa reprise économique post-COVID et de mettre fin aux chaînes d’approvisionnement qui tirent profit de l’exploitation », ajoute Sharan Burrow.

La CSI a identifié dix domaines d’inaction de la part du gouvernement du Bangladesh, pour lesquels il devra rendre compte des progrès accomplis, au mois de mars 2022.

  1. Là où des comités tripartites de suivi ou consultatifs devaient être mis en place, les conditions préalables à des consultations pertinentes et constructives, ou les procédures de suivi efficaces, notamment la publication d’un calendrier de réunions, de convocations, de la liste des problèmes et de documents d’information pertinents, étaient inexistants.
  2. Les mesures relatives à la santé et à la sécurité au travail pour les zones franches d’exportation n’ont pas été adoptées, tandis que les autorités de ce secteur détiennent toujours le pouvoir sur les inspecteurs du travail et les représentants de la SST, contrairement à la Convention 81 et malgré les rapports faisant état de décès liés au travail et d’accidents professionnels.
  3. Les systèmes d’inspection du travail ne disposent pas de ressources suffisantes et les effectifs n’ont pas été recrutés en nombre suffisant.
  4. Les syndicats autonomes se voient refuser leur enregistrement et sont victimes de discriminations.
  5. Aucune mesure n’a été prise pour lutter contre la discrimination antisyndicale, les pratiques de travail inéquitables et la violence dont sont victimes les travailleurs.
  6. Il n’existe aucune base de données répertoriant les plaintes pour discrimination antisyndicale, les pratiques de travail inéquitables et les attaques contre les syndicats.
  7. La liste des litiges professionnels en attente est longue, tandis que le nombre de plaintes pour corruption et injustice de la part des autorités judiciaires ne cesse d’augmenter.
  8. Les forces de sécurité se montrent de plus en plus intolérantes à l’égard de l’exercice des activités et des droits syndicaux.
  9. Les forces de police et de sécurité n’ont pas été tenues responsables des attaques durant les manifestations d’Ashulia en 2016 et 2019, et le gouvernement n’a pas demandé l’ouverture d’une enquête indépendante, comme l’a recommandé le Comité de la liberté syndicale de l’OIT.
  10. Aucun mécanisme n’a été mis en place pour informer régulièrement les travailleurs de leurs droits et leur expliquer comment introduire des plaintes et faire appel à une assistance juridique en cas de violation.

La CSI renforce le soutien public et communautaire au travers de sa campagne Un Bangladesh meilleur et surveille les violations des droits des travailleurs afin que justice leur soit rendue.