Réformer le FMI et la Banque mondiale pour mieux se relever de la crise de la COVID-19

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Afin de construire un monde plus fort et résilient après les ravages économiques, sanitaires et sociaux causés par la pandémie de COVID-19 et les crises de l’inégalité et du changement climatique qui l’ont précédée, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international doivent aller au-delà des réformes structurelles dictées par le fondamentalisme du marché. Deux nouveaux rapports dressent le bilan de plusieurs décennies de politiques inefficaces qui ont affaibli le contrat social et rendu les pays vulnérables à la pandémie et à la crise économique.

Frappés par une crise mondiale sans précédent, plusieurs millions d’individus ont perdu leurs emplois et sombrent actuellement dans la pauvreté. Cette catastrophe survient dans le contexte d’une reprise fragile et partielle de la crise financière mondiale de 2008-2009, durant laquelle les plans de relance ont rapidement cédé le pas aux mesures d’austérité et aux attaques dirigées contre les salariés, portant un coup fatal aux progrès réalisés initialement. Le rapport «The IMF’s renewed supply-side push: Four decades of structural adjustment and austerity conditionality», analyse le rôle central du FMI dans ces décisions dévastatrices, prises à la suite de la crise financière mondiale, et venant s’ajouter à une longue liste d’échecs politiques.

Comme le rappelle Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI: «Après la crise de 2008 provoquée par le secteur financier et les plans de sauvetage pour les responsables, les travailleurs sont devenus la cible d’une guerre ouverte contre la négociation collective, les droits du travail et les services publics. À l’heure où des plans de relance économique sont mis en place pour sortir de la crise de la COVID-19, nous ne pouvons refaire ces mêmes erreurs qui consistent à mettre fin prématurément à la reprise en réalisant des coupes budgétaires drastiques préjudiciables à la croissance.»

En 2015, les Objectifs de développement durable des Nations unies nous ont offert l’occasion de tourner la page, en proposant un programme universel pour le travail décent, l’égalité des genres et la protection sociale, entre autres. Toutefois, détournée de son objectif premier, cette dynamique a été utilisée pour promouvoir les intérêts des investisseurs privés, comme unique moyen de financer le développement durable. La Banque mondiale a joué un rôle de premier plan dans ce cadre, comme le souligne le rapport «Market fundamentalism and the World Bank Group: from Structural Adjustment Programmes to Maximizing Finance for Development and beyond». Au travers de son approche visant à maximiser les financements pour doper le développement, la Banque mondiale abandonne progressivement les investissements à effet catalyseur pour privilégier les réformes favorables aux investisseurs privés étrangers, ou même soutenir l’ingénierie financière pour protéger leurs investissements.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, la fuite de capitaux dans les économies émergentes se chiffre à plus de 100 milliards USD – la plus importante et la plus rapide de toute notre histoire. Ces deux rapports expliquent comment les recommandations politiques de la Banque mondiale et du FMI pour les marchés de capitaux et le financement du développement ont contribué à la fragilisation, à la financiarisation et à l’afflux des capitaux privés spéculatifs. Parallèlement, ces institutions ont entravé la création d’emplois de qualité, de services publics et de politiques pour augmenter les salaires.

En l’absence de contrôle, les ravages de la crise actuelle viendront s’ajouter à trois décennies d’échecs pour le développement. Les rapports observent qu’un glissement a eu lieu au sein de la Banque mondiale et du FMI dans les années 1980, au moment où l’administration Reagan a entrepris de déployer un programme idéologique modifiant le fonctionnement des institutions financières internationales. Ce basculement marque le début des programmes d’ajustement structurel imposant un ensemble strict de politiques de déréglementation en matière de production, appelé «consensus de Washington». Bien que ce carcan ait été abandonné au début des années 2000, les rapports indiquent néanmoins que, depuis lors, les institutions financières internationales ont continué à être guidées par le fondamentalisme du marché, introduisant des réformes plus superficielles que substantielles.

«Les fuites massives de capitaux, le poids trop important de la dette et les conséquences des politiques inefficaces asphyxient les pays en développement à un moment où ces derniers doivent préparer des plans de reconstruction et de relance inclusifs. Il importe à présent de s’engager à étendre l’allègement de la dette à deux ans, de mettre un terme aux mesures d’austérité comme conditionnalité, d’investir dans les ODD et de supprimer les conditions entourant les prêts, ainsi que les conseils politiques préconisant des approches vouées à l’échec. Cela s’avère d’autant plus nécessaire dans le cadre des prêts à l’appui des politiques de développement accordés par la Banque mondiale et les accords d’emprunt standard du FMI, qui suivront le cycle actuel du financement de l’aide d’urgence. Les institutions financières internationales doivent changer bien plus que leurs discours, en alignant leur fonctionnement sur les normes internationales du travail, sur des politiques basées sur des preuves pour la croissance avec une prospérité partagée et sur les Objectifs de développement durable.»

Sharan Burrow ajoute: «Il importe de réformer le multilatéralisme afin de pouvoir assurer une coordination mondiale des plans de relance économique, prévoyant des fonds de protection sociale mondiaux pour les pays les plus pauvres, réalignant l’allègement de la dette sur les conditionnalités pour les ODD, proposant des investissements et non des mesures d’austérité, rééquilibrant les règles commerciales avec les droits fondamentaux du travail et les normes environnementales et envisageant un traité relatif aux entreprises et aux droits humains exigeant la diligence raisonnable et une réforme des réglementations fiscales pour éliminer les paradis fiscaux. Le FMI et la Banque mondiale ne doivent pas faire barrière au nouveau contrat social sur lequel doit s’appuyer la relance.»

Lire le rapport: (anglais) The IMF’s renewed supply-side push: Four decades of structural adjustment and austerity conditionality.

Lire le rapport: (anglais) Market fundamentalism and the World Bank Group: from Structural Adjustment Programmes to Maximizing Finance for Development and beyond