Indonésie: Une réforme du travail faite sur mesure pour plaire aux investisseurs au mépris des droits des travailleurs

Afin d’attirer des capitaux étrangers, le président indonésien, Joko Widodo, est prêt à mettre le pays sur la voie d’une course vers le bas qui n’est que trop connue des travailleurs et syndicats. KSBSI et le reste des syndicats indonésiens s’opposent à cette décision. Ils sont décidés à défendre fermement le travail décent dans le pays.

Par Rekson Silaban, Secrétariat international, KSBSI

La Confédération Synidcales Indonésienne (KSBSI)a pris part aux manifestations massives qui ont rassemblé plus de dix mille travailleurs devant le palais présidentiel du pays le 15 janvier 2020. Ils dénonçaient les plans du gouvernement de réformer le marché du travail en portant atteinte aux droits des travailleurs.

« Nous nous opposons au projet de loi car il a été rédigé sans aucune consultation avec les syndicats et il vise à accroître la flexibilité du marché du travail indonésien pour attirer davantage d’investisseurs au détriment des travailleurs. Nous voyons une attaque claire contre les droits des travailleurs et le travail décent dans le pays », a déclaré Elly Rosita, présidente de KSBSI.

À la mi-février 2020, le gouvernement a soumis le projet de loi omnibus à la Chambre des représentants pour entamer les délibérations. Bien que peu de détails aient été officiellement annoncés, des informations sur ce qui pourrait être inclus dans le projet de loi sur la réforme du travail ont été divulguées sur Internet.

Le gouvernement a prévu une flexibilité du marché du travail en autorisant le salaire horaire, en diminuant les indemnités de licenciement, en libéralisant les horaires flexibles, en abaissant le salaire minimum et en facilitant l’embauche et le licenciement des travailleurs.

KSBSI soupçonne que le projet de loi omnibus entraînera un marché du travail flexible qui prive les travailleurs de leurs droits fondamentaux, y compris leur droit à la protection sociale, et les rend plus vulnérables aux licenciements et à l’externalisation.

Une telle réforme du marché du travail aura des conséquences au-delà du monde du travail et affectera la progression de l’Indonésie vers le développement durable.
"On ne peut pas réaliser le développement durable en se concentrant uniquement sur l’économie. La durabilité doit maintenir un équilibre entre ses trois composantes fondamentales : sociale, économique et environnementale. Ce projet de loi est une attaque claire contre l’ODD 8 sur le travail décent et la croissance durable, et donc sur l’ensemble du Programme 2030 », a déclaré Rekson Silaban (Département international de KSBSI).

Danser sur l’air de la Banque mondiale

La raison de cette réforme réside dans l’ambition du président indonésien, Joko Widodo, d’améliorer le classement de l’Indonésie dans l’indice de facilité de faire des affaires de la Banque mondiale, passant de la 73e place actuelle (entre le Luxembourg et le Costa Rica) à la 40e place d’ici 2024.

Pour atteindre cet objectif, l’Indonésie doit abroger environ soixante-dix règlements et les soumettre à une seule loi, la loi dite omnibus. La loi vise à supprimer la réglementation sur le salaire minimum standard et les indemnités de licenciement. Elle lève les restrictions à l’externalisation des travailleurs et supprime les sanctions légales contre les employeurs irresponsables. Et met en danger les droits des travailleurs à la sécurité sociale.

À la suite de la pression exercée par KSBSI sur le gouvernement, le ministre de coordination des affaires économiques, Airlangga Hartarto, a invité Elly Rosita, ainsi que d’autres parties prenantes, à se réunir. Le gouvernement a proposé à KSBSI et à d’autres syndicats d’intégrer l’équipe chargée de formuler la loi. Mais le gouvernement a décidé de soumettre le projet de loi au Parlement avant même le début des travaux de l’équipe. En réponse, les syndicats ont décidé de démissionner de l’équipe de formulation et de travailler directement avec le Parlement. Les syndicats ont déjà commencé à rencontrer des membres du Parlement.


Photo: Travailleuses/eurs de FSB Gartek /KSBSI marchent contre la loi omnibus. Source: FSB Gartek.