APRFSD 2019: de graves carences dans le domaine du travail décent sapent l’efficacité de la région Asie-Pacifique dans la réalisation des ODD

Une délégation de la Confédération syndicale internationale - Asie Pacifique (CSI-AP) a participé au Forum régional Asie-Pacifique sur le développement durable (APRFSD) du 27 au 29 mars 2019 à Bangkok, en Thaïlande. L’événement a été une occasion unique pour les syndicats de s’asseoir autour de la table avec les gouvernements et les autres parties prenantes de la région et de présenter le point de vue du mouvement syndical sur les progrès de la région Asie-Pacifique dans la réalisation des objectifs du Programme 2030.

Une délégation du CSI-AP a participé à l’édition de cette année de la conférence APRFSD. La délégation comprenait six personnes de INTUC Inde, KSBSI Indonesia, FTUC Fiji, FFW Philippines et les secrétariats de la CSI-AP et de la CSI. La délégation a présenté les principales conclusions et les principales revendications des syndicats résultant de leur évaluation de la manière dont les gouvernements de la région tiennent leur engagement d’atteindre le Programme 2030 et ses objectifs de développement durable (ODD).

 

Position des syndicats sur le développement

Dans sa déclaration (en anglais), la délégation décrit une réalité grave à laquelle sont confrontés les mouvements ouvriers en Asie et dans le Pacifique. En raison d’une volonté politique quasi inexistante d’inclure la participation des syndicats dans les discussions sur les plans nationaux visant à réaliser le Programme 2030, la plupart des gouvernements de la région n’ont pas intégré le travail décent dans ces plans. Cette situation contribue à aggraver la tendance actuelle à réduire l’espace de dialogue et d’action pour les syndicats et les travailleurs en Asie et dans le Pacifique.

La délégation a également averti que si la situation dans la région ne s’améliorera pas si les gouvernements ne ratifient et n’appliquent pas les normes du travail internationalement reconnues, et s’ils n’institutionnalisent pas et ne mettent pas en œuvre le dialogue social à tous les niveaux pour garantir la réussite de la mise en œuvre des ODD.


Nous reconnaissons qu’il est impératif que les gouvernements, dans le cadre du dialogue social, conçoivent et mettent en œuvre la Garantie universelle du travail, comme le recommande l’OIT. Ceci inclue les droits fondamentaux des travailleurs, un salaire de subsistance suffisant, des limites de durée du travail et des lieux de travail sûrs et sains.

- Francis Kim Upgi, ITUC-AP


La délégation a procédé à une évaluation approfondie des progrès accomplis - ou de leur absence - dans la réalisation des ODD 8 (travail décent et croissance durable), 13 (action climat), 10 (réduction des inégalités), 5 (égalité des sexes), 4 (éducation) ainsi que 16 et 17 (paix, justice et institutions solides ; et associations pour les objectifs).

Au sujet des ODD 16 et 17, la délégation a dénoncé la répression actuelle subie par les syndicats de la région et le manque de volonté des gouvernements de promouvoir le dialogue social en tant qu’institution garantissant une gouvernance démocratique fondée sur la durabilité, l’inclusion, la responsabilité et la transparence.

La référence à l’ODD 4 est liée aux objectifs 8, 10 et 1. Elle fait référence à l’éducation en tant que droit humain fondamental, ainsi que comme bien public, qui peut favoriser les attitudes et les compétences pour parvenir à une croissance durable et inclusive. Pour les syndicats, il est essentiel d’inclure la formation des travailleurs dans cette section. Surtout en ce qui concerne l’éducation sur les droits du travail et l’éducation en tant qu’outil pour continuer à se développer professionnellement.

Le rôle des syndicats et l’importance de la négociation collective en tant que moyen de corriger les inégalités sont au cœur du chapitre de la déclaration consacré à l’objectif 10 et de ses liens avec les objectifs 8 et 5.

Quant à l’action pour le climat (ODD 13), la délégation a mis l’accent sur l’importance d’investir dans une transition équitable de la main-d’œuvre avec la création d’emplois décents et verts comme élément central du changement nécessaire vers une économie sans émissions.

 

ODD 8 - Déficits de travail décent en Asie et dans le Pacifique

En ce qui concerne l’ODD 8, la délégation a axé son message sur un appel aux gouvernements de la région pour qu’ils mettent fin à la manière excluante dont leurs politiques sont menées dans la région. Cette situation alimente le résultat très faible de la région sortant de l’analyse des progrès accomplis dans la réalisation de l’ODD 8.

La délégation a dénoncé les "déficits de travail décent dont souffrent de manière persistante les travailleurs de la région". Le fait que le taux de syndicalisation en Asie et dans le Pacifique soit l’un des plus bas au monde reflète cette situation. Les délégués ont également souligné la situation inacceptable de violation continue des droits fondamentaux et de l’homme des travailleurs/euses, ainsi que le fait que les gouvernements régionaux n’énoncent ni en droit ni en pratique le droit des syndicats de participer à la négociation collective. Grèves


Près de 70 % des personnes qui travaillent en Asie-Pacifique appartiennent à l’économie informelle. Le travail n’arrive pas à libérer 400 millions de travailleurs/euses de la pauvreté. La moitié des personnes travaillant dans la région ont des horaires de travail excessifs, plus d’un million de personnes meurent chaque année dans notre région au cause d’accidents de travail ou de maladies liées au travail.

- Julius Cainglet


Pour remédier à cette situation, la délégation a exhorté les gouvernements nationaux à mettre en œuvre, dans le cadre du dialogue social, une garantie universelle du travail incluant les droits fondamentaux des travailleurs, un salaire décent suffisant, une limitation de la durée du travail, des lieux de travail sûrs et sains et qui garantisse un meilleur avenir au travail ".


 
Dans son rapport final, la CESAP a tenu compte de la plupart des préoccupations exprimées par la délégation lors de l’APRFSD.
 

S’associer à la société civile

La CSI-AP s’est associée à plus de 100 organisations de la société civile (OSC) et militant.e.s ayant participé à l’APRFSD. Cet effort a été canalisé via la plate-forme du Mécanisme régional OSC de l’Asie et du Pacifique (AP-RCEM) et s’est concrétisé dans un communiqué de presse commun (en anglais), dans lequel les syndicats et les organisations de la société civile réclament justice pour le développement en Asie et dans le Pacifique.

Dans cette déclaration, la plate-forme dénonce une série de problèmes systémiques dont sont victimes les travailleurs en particulier et la population de la région en général, comme par exemple la promotion de modèles de développement néolibéral non durables permettant aux entreprises de capturer et de piller les populations de la région de ses ressources naturelles au prix de violations continues de leurs droits.

« Le thème de cette année concerne l’autonomisation des personnes, ce qui repose en grande partie sur la reconnaissance de la liberté syndicale ... Il est inacceptable que les grèves des travailleurs soient violemment dispersées et que les dirigeant.e.s syndicaux soient emprisonné.e.s ou assassiné.e.s. Nos voix doivent être entendues dans un environnement où nous sommes traités sur un pied d’égalité par un État qui ne cède pas au pouvoir des entreprises », a déclaré Julius Cainglet (vice-président de la FFW et délégué de la CSI-AP) dans le communiqué de presse.

En outre, et conformément aux demandes des syndicats, la déclaration de l’AP-RCEM identifie le manque d’espace institutionnel pour la participation de la société civile à la préparation et à la mise en œuvre de plans nationaux visant à atteindre les objectifs de développement durable, comme un obstacle majeur à la véritable autonomisation des populations d’Asie et du Pacifique.


 

À propos de l’APRFSD

L’APRFSD est organisé par la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique (CESAP-ONU). Le forum fait partie d’une série de forums régionaux organisés dans le monde entier. Les résultats de ces forums régionaux alimenteront les discussions et les négociations qui auront lieu au Forum politique de haut niveau sur le développement durable (FPHN) en juillet et septembre 2019.

Au cours du processus menant au FPHN, les syndicats produisent des rapports alternatifs sur les progrès de leurs gouvernements vers les objectifs de développement durable et sur le degré d’inclusion des syndicats dans ce processus. La CSI compile ces rapports dans un rapport global intitulé "[Une position syndicale sur les objectifs de développement durable> https://www.ituc-csi.org/A-trade-union-take-on-SDGs-2018-EN]", qui est présenté au FPHN.