La Banque mondiale laisse la porte ouverte à l’esclavage au Paraguay

La progression de la déforestation illégale et les alertes sur l’esclavage moderne dans la région du Chaco n’ont pas empêché la Société financière internationale/Banque mondiale d’accorder un prêt de plusieurs millions USD au géant brésilien de l’exportation de viande, Minerva S.A., pour développer ses activités.

Dans un rapport exclusif, la plateforme de journalisme d’investigation Reporter Brasil explique comment les investissements internationaux peuvent entraîner une grave crise de l’environnement et des droits humains au Paraguay. L’enquête, soutenue par la CSI, lève le voile sur un prêt de 85 millions USD accordé à Minerva par la Société financière internationale (SFI), une branche de la Banque mondiale.

Depuis quelques années, la croissance vertigineuse de la production de bœuf repose sur l’exploitation des travailleurs/euses autochtones et sur la destruction des forêts sèches uniques du Chaco, en Amérique du Sud. Ces pratiques ont été constatées en 2013 dans la région, lorsque le financement de Minerva a été approuvé. À ce moment-là, la SFI avait classé cet investissement dans la catégorie des investissements les plus risqués, compte tenu du «potentiel élevé de répercussions négatives au plan social et écologique» et de leur nature «multiple, irréversible ou sans précédent».

La branche privée de la Banque mondiale dédiée aux prêts affirmait que son investissement dans les activités de Minerva permettrait d’améliorer les conditions de vie au Chaco. Cependant, cinq ans plus tard, les problèmes d’esclavage moderne et de destruction de l’environnement persistent, et il n’y a pas eu beaucoup de progrès sur la responsabilité des chaînes d’approvisionnement.

Dans le cadre de son paquet d’investissements, Minerva a approuvé un «Plan d’action social et environnemental» comprenant, entre autres, l’instauration d’un «système de vérification des chaînes d’approvisionnement» et l’établissement d’une carte visant à identifier les régions et les fournisseurs peu scrupuleux à l’égard du travail des enfants et du travail forcé. Toutefois, l’entreprise n’a pas respecté la date limite pour remplir ces obligations. Aujourd’hui, il est difficile de savoir clairement si la SFI demande à Minerva de rendre des comptes et si elle assure la mise en œuvre des mesures nécessaires pour empêcher le travail des enfants et le travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement de la viande de bœuf.

«L’accord d’un prêt de cette ampleur était une décision discutable, puisqu’il consistait à accroître les investissements sans conditionnalité stricte dans une région déjà en proie aux violations des droits humains et à la destruction de l’environnement à grande échelle. Mais ce qui est encore plus scandaleux, c’est de laisser la porte ouverte à l’esclavage et au travail des enfants», a déclaré Sharan Burrow, la secrétaire générale de la CSI.

Les syndicats paraguayens dénoncent la complicité du gouvernement face aux violations des droits qui demeurent impunies. Les inspections du travail sont rares dans les élevages de bovins et les autorités locales ne disposent pas des ressources humaines et matérielles les plus élémentaires pour faire respecter la loi. Certes, l’immensité du Chaco – dont la superficie est à peu près comparable à celle du Royaume-Uni – fait obstacle à l’application de la loi, mais ce n’est pas une raison pour autoriser les violations des droits du travail et de l’environnement.

«La SFI doit montrer que ses garanties sont effectivement appliquées et veiller à ce que Minerva mette fin au travail forcé et au travail des enfants de manière immédiate et préventive. Minerva doit s’inscrire dans un système rigoureux de vérification des chaînes d’approvisionnement et de suivi actif des fournisseurs, a précisé Burrow. En fin de compte, c’est le gouvernement qui est responsable de ne pas protéger les travailleurs et de laisser les intérêts des entreprises l’emporter sur les droits humains fondamentaux».

Lire le rapport approfondi réalisé par Reporter Brasil.

Reportage vidéo sur l’esclavage au Chaco: