Solidarité sans frontières : les syndicats du Népal en Belgique

Afin d’examiner la façon d’adapter les syndicats à un état fédéral, à des élections sociales et à la sécurité sociale, les dirigeants des trois principaux syndicats népalais sont venus en Belgique, à la fin octobre 2016, avec le soutien de la World Solidarity (WSM) ainsi que le syndicat belge, l’ACV-CSC.

De Bruno Deceukelier, WSM - Belgique

Actuellement, le Népal connaît de très nombreux changements. Après les tremblements de terre de 2015 et la fin d’une période de transition de huit ans, une constitution a été adoptée, transformant ainsi le pays montagneux en un état fédéral composé de sept provinces. Cela implique donc également des changements structurels pour les trois syndicats népalais qui étudient la façon de se réorganiser. Les syndicats profitent de l’occasion pour évaluer leur représentation et, dans ce contexte, l’exemple des élections sociales belges a attiré leur attention. En outre, un projet de loi sur la sécurité sociale a été déposé au Parlement. Celui-ci fournit une protection universelle historique à tous les travailleurs du Népal à travers quatre régimes initiaux : le chômage, le congé de maternité, la pension et les soins médicaux. Ces avancées importantes requièrent une attention particulière de la part du mouvement syndical.

Sous la houlette du JTUCC, six présidents et secrétaires généraux des trois affiliés de la CSI au Népal, chacun avec leurs propres idéologie, histoire et approche, ont effectué une visite conjointe à Bruxelles, organisée par la WSM et l’ACV-CSC. Les hôtes ont présenté dans le détail la façon dont les élections sociales sont organisées en Belgique, en partant des campagnes et en allant jusqu’au niveau de l’entreprise aux vidéos humoristiques produites par la Confédération pour aborder des sujets tels que le burn-out et l’équilibre entre vie privée et professionnelle. Les délégués népalais ont favorablement accueilli le slogan de l’ACV-CSC pour les élections sociales de 2016 (« Votre emploi, c’est notre job »). En mai 2016, les premières élections sociales sectorielles pour fonctionnaires se sont déroulées au Népal. Toutefois, le système népalais se concentre actuellement sur le niveau des usines, où les élections mandatent le syndicat gagnant afin qu’il négocie en exclusivité avec la direction pour les deux années à venir. La Belgique a choisi une autre voie. Des élections sociales sont organisées à l’échelle nationale tous les quatre ans, mobilisant des candidats et des ressources afin de disposer de travailleurs élus en provenance de tous les syndicats et représentant les intérêts des travailleurs au niveau de l’entreprise. Bien que les syndicats doivent souvent collaborer afin de défendre les sujets qui préoccupent les travailleurs, ils sont également en compétition durant les élections sociales qui visent à consolider leur base et leur position. Les bons résultats aux élections valident et stimulent l’approche et les sujets adoptés par un syndicat donné et renforcent considérablement son pouvoir de négociation. Fondamentalement, cependant, comme l’a indiqué un participant : « C’est la base d’une démocratie économique où tous les travailleurs s’expriment. »

Les opportunités et avantages découlant de l’institutionnalisation du dialogue social à divers niveaux ont également été discutés. Comme l’a expliqué Marc Leemans, président de l’ACV-CSC : « En Belgique, la négociation collective commence au niveau national et tout accord qui y est conclu sert de minimum à partir duquel, au niveau sectoriel, on peut obtenir encore davantage pour les travailleurs en matière de salaire minimum ou d’autres normes de travail. »

La délégation népalaise et l’ACV-CSC ont également discuté de la sécurité sociale et des défis actuels auxquels font face la Belgique et l’Europe, où ces systèmes font l’objet d’attaques. Tout ceci est pertinent dans le processus de fédéralisation d’un pays et les délégués ont souligné combien il est important que les lois relatives à la sécurité sociale et au travail restent au niveau fédéral afin d’éviter que les entreprises opèrent des déplacements internes, créant ainsi un dumping social interne. L’économie informelle a fait l’objet d’autres échanges intéressants. Bien que l’économie informelle népalaise ait toujours été un secteur clé et important pour la syndicalisation par les syndicats népalais, la Belgique connaît la croissance d’entreprises telles qu’Uber qui « informalisent » des secteurs tels que les taxis ou l’hôtellerie. Étant donné que les « travailleurs indépendants » de ces organisations ne paient pas d’impôts et ne sont pas couverts par la sécurité sociale, les syndicats belges doivent aussi s’adapter et créer des stratégies pour répondre à ces problèmes.

La visite incluait la CSCBIE, la Fédération de la construction en Belgique, avec qui les syndicats népalais collaborent déjà sur des questions de migrations des travailleurs vers les États du Golfe. La délégation s’est également rendue au centre de service régional de la CSC à Bruxelles, où sont gérées les prestations de chômage de ses membres. Les six dirigeants népalais ont profité de l’occasion de leur séjour d’une semaine à Bruxelles pour rencontrer les responsables de l’aide étrangère belge et de l’Union européenne et ont également visité les bureaux de la CSI à Bruxelles.

Grâce à cette visite, les délégués népalais détermineront, en collaboration avec leurs syndicats respectifs, les éléments pertinents pour le Népal et s’appuieront sur ces derniers lors du prochain Parlement du travail du JTUCC qui se déroulera le 14 décembre à Katmandou en présence du directeur de l’OIT, Guy Ryder.