Les syndicats participent aux Journées européennes du développement 2016

Les Journées européennes du développement (JED) sont une manifestation annuelle organisée par la Commission européenne pour rassembler des acteurs de la communauté du développement. Lors de cette dixième édition, les JED ont mis l’accent sur «l’Agenda 2030 pour le développement durable». Cette réunion s’est tenue les 15 et 16 juin 2016 à Bruxelles, en Belgique, avec la participation des syndicats.

Les Journées européennes du développement 2016 ont commencé par une séance de brainstorming sur les manières de garantir la responsabilité des entreprises dans les chaînes de valeur du secteur de l’habillement. Cette séance était organisée conjointement par le bureau de Bruxelles de la Fondation Friedrich Ebert (FES), le Réseau syndical de coopération au développement (RSCD) et la direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission européenne (DG DEVCO). Quatre intervenants ont animé des groupes de travail pour aborder la question de la responsabilité sous quatre angles différents: celui des travailleurs, des militants, des entreprises et des responsables politiques.


De gauche à droite: Julius Cainglet (Federation of Free Workers, Philippines), Ruth Hoekstra (DG DEVCO), Gudrun Kopp (réseau européen ENoP), Arne Lietz (député au Parlement européen, S&D), Sarah Ditty (Fashion Revolution), Braema Mathi (Groupe de travail pour un mécanisme des droits humains à l’ASEAN), Joan Lanfranco (RSCD) et Sidonie Wetzig (FES)

Julius Cainglet, de la Federation of Free Workers(Fédération des travailleurs libres) des Philippines, a dirigé les discussions se rapportant à l’influence des comportements des consommateurs sur les conditions de travail sur le terrain. Les participant(e)s à la discussion ont souligné que l’emploi indirect, qui est devenu la norme, permettait plus facilement aux entreprises situées au bout de la chaîne de valeurs de se soustraire à leurs responsabilités (seulement 6% des travailleurs de ces chaînes de valeur sont employés directement par les 50 plus grandes multinationales). Les participants ont constaté que, compte tenu de la mobilité accrue qui va de pair avec l’emploi indirect, une entreprise n’a plus besoin de se délocaliser, mais elle a plutôt tendance à changer de fournisseur, ce qui aggrave l’effet de «spirale infernale» pour les conditions de travail. Les participants se sont par ailleurs accordés à dire que la société ne pouvait pas attendre qu’il se produise une nouvelle tragédie comme celle du Rana Plaza pour imposer les changements systémiques nécessaires. Les participants ont également rappelé que des outils politiques existaient déjà, tels que les normes de l’OIT ou les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, mais qu’ils devaient être associés à des mécanismes internationaux obligatoires et exécutoires. Une autre manière de promouvoir l’amélioration des conditions de travail serait d’encourager les donateurs à accorder davantage d’importance aux normes de travail dans les projets de développement, et de prévoir des dispositions strictes en matière de normes du travail dans les accords commerciaux.

Les autres discussions se sont révélées tout aussi fructueuses et ont abouti à des conclusions semblables. Concernant le point de vue des militants, c’est Sarah Ditty, de l’organisation Fashion Revolution, qui a animé le débat: il faut sensibiliser les consommateurs afin qu’ils demandent à être informés et qu’ils exigent la responsabilité des acteurs du commerce de détail. Les participant(e)s ont reconnu qu’une grande majorité des consommateurs ne voulaient pas imposer de mauvaises conditions de travail aux employés mais qu’ils n’avaient simplement pas le temps ou la capacité de vérifier chaque détail. Le rôle des militants est de stimuler cet état d’esprit partagé pour faire pression sur les chaînes de valeur et les inciter à être plus justes. Les personnes qui ont assisté à cette réunion sont Arne Lietz, député au Parlement européen (S&D, Allemagne), Antti Karhunen, chef d’unité du développement du secteur privé, du commerce et de l’intégration régionale à la DG DEVCO, ainsi que d’autres représentant(e)s des institutions de l’UE, de l’institution allemande pour le développement GIZ, des OSC – parmi lesquelles des syndicats – et des entreprises de prêt-à-porter. Ruth Hoekstra, responsable de la politique pour la DG DEVCO, est intervenue pour conclure sur ce point.

Un résumé de l’événement faite par l’ENoP, le réseau européen de fondations politique, est disponible ici (en anglais)

À l’issue de la cérémonie d’ouverture, en présence du secrétaire général des Nations Unies Ban-Ki Moon, une séance a été proposée sur le thème «Combattre le travail forcé et le travail des enfants en intervenant dans les chaînes d’approvisionnement», dont l’intervenant était Jeroen Beirnaert, coordinateur de la politique à la CSI. Le débat a fait apparaître que, pour s’adapter au fonctionnement international de nombreux marchés et entreprises, il est indispensable d’étendre le dialogue social à la sphère internationale, afin que les principales parties prenantes soient à pied d’égalité. Un autre élément indispensable pour mettre fin au travail forcé et au travail des enfants, à l’esclavage moderne et à la traite des êtres humains est la diligence raisonnable obligatoire le long des chaînes d’approvisionnement.


From left to right: Annie Kelly (The Guardian), Françoise Millecam (DG DEVCO), Beate Andrees (ILO), Max Schmid (EJF), Jeroen Beirnaert (ITUC), Paula Byrne (Caobisco)

Le deuxième jour des JED, les syndicats ont pris part à une séance intitulée «Universaliser la coopération efficace au service du développement», dont l’objectif était de trouver des solutions pour faire progresser un développement qui soit axé sur les individus. La discussion a permis de confirmer le rôle primordial de la responsabilité, de la transparence et de l’appropriation pour assurer une mise en œuvre efficace de l’Agenda 2030. Joan Lanfranco, responsable du plaidoyer au RSCD, a participé à cette séance, qui était organisée par le Partenariat des organisations civiles pour l’efficacité du développement. Il a rappelé l’importante contribution des partenariats pluripartites pour atteindre ces trois objectifs. Il a fait remarquer que les partenariats pluripartites n’étaient pas toujours bien compris, ce qui entraînait une surreprésentation du secteur privé et avait tendance à négliger d’autres acteurs socioéconomiques importants.

En s’appuyant sur des exemples concrets au Ghana, en Indonésie et en Uruguay, il a été démontré que le dialogue social, qui représente une forme de partenariat multipartite, a déjà contribué aux Objectifs de développement durable 1, 5, 8, 10 et 16. Le dialogue social, qui englobe tous les types de négociation, de consultation ou d’échanges d’informations entre les représentant(e)s des employeurs, des travailleurs et des gouvernements sur des questions généralement liées à la politique économique et sociale, est particulièrement pertinent pour atteindre l’Objectif de développement durable 8 sur le travail décent. En 2015, l’attribution du prix Nobel de la paix au quartet tunisien montre bien que le dialogue social contribue à améliorer le contexte national et à bâtir une société pacifique soucieuse de n’exclure personne. C’est pourquoi le dialogue social donne clairement la possibilité d’atteindre l’Objectif de développement durable 16 (Paix, justice et institutions efficaces).

Le RSCD retiendra de ces dixièmes Journées européennes du développement une participation constructive, et se réjouit déjà de la prochaine édition.