L’Agenda 2030 : un nouveau cadre pour les politiques de développement

De Félix Antonio Ovejero Torres, Directeur de Paz y Solidaridad Fundación Primero de Mayo (CC.OO, Espagne)

Le 25 septembre 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté à l’unanimité le nouveau programme de développement durable pour 2030. Ce programme s’articule autour des trois dimensions – économique, sociale et environnementale – de la pérennité.

Après deux années de négociations intergouvernementales, l’Assemblée générale des Nations Unies a donc décidé d’approuver, presque sans modifications, le projet du Groupe de travail ouvert (au sein duquel l’Espagne partageait son siège avec l’Italie et la Turquie) que le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, avait embrassé en août.

Les 17 objectifs de développement durable sont le résultat d’un délicat équilibre qu’il aurait été facile de rompre si le débat avait été rouvert lors de l’Assemblée générale.
Les droits de la personne et la question du genre et de l’égalité étaient des thèmes sur lesquels le consensus était précaire et pour lesquels étaient apparues de profondes divergences entre pays, l’Arabie saoudite et la Chine s’étant montrées particulièrement hostiles. Des droits fondamentaux, comme la liberté d’expression ou l’égalité des droits des femmes et des hommes, ne font toujours pas l’unanimité au sein de la communauté internationale et cela se note dans le nouveau programme qui reconnaît tout juste les droits et où l’on parle plutôt de l’accès, par exemple, à l’éducation, à la santé, etc.

Malgré ces limitations majeures, le monde est parvenu à un accord. Les progrès affichés dans le nouveau programme posent des défis majeurs à l’ensemble des pays et des gouvernements. L’universalité est l’un d’entre eux et implique des objectifs mondiaux, régionaux et nationaux. Même si les indicateurs doivent encore être définis, il faudra, au nom de l’universalité, adapter les programmes régionaux et nationaux pour qu’ils soient conformes au nouveau programme. Au sein de l’Union européenne, la stratégie Europe 2020 devra être modifiée pour répondre aux nouveaux objectifs et cibles des Nations Unies, tout comme les Programmes nationaux de réforme que les États membres doivent présenter.

La cohérence des politiques est un autre défi que doivent relever les États. La cohérence des politiques ne devrait pas être établie à partir des espaces de coopération internationale de développement, mais bien depuis les instances décisionnelles gouvernementales qui adoptent les politiques centrales avec une double dimension, internationale et nationale. Il est impossible que les mesures d’austérité prônées par les institutions européennes et le Fonds monétaire international permettent de parvenir à la réduction de la pauvreté et des inégalités qui figure au nombre des objectifs de l’Agenda 2030. L’Espagne est un bel exemple des conséquences de la mise en œuvre de politiques strictes d’ajustement, à savoir une forte augmentation des taux du chômage et de pauvreté, ainsi que des inégalités.

Un autre enjeu de taille est la coopération internationale et la gouvernance mondiale de certaines mesures, dont la politique fiscale. Malgré les maigres progrès à ce propos au sein de l’Union européenne (par exemple, l’introduction d’une taxe sur les transactions financières) et au sein de l’OCDE, la proposition du G77 + Chine de mettre en place un organisme international au sein des Nations Unies pour remplacer l’actuel Comité d’experts de l’ONU a connu un échec retentissant lors de la Conférence sur le financement du développement d’Addis Abeba. Les pays développés, Royaume-Uni et États-Unis en tête, ont justifié leur refus en insistant sur le fait que l’OCDE est l’unique forum légitime pour discuter de la coopération fiscale internationale.

Faire progresser la mise en œuvre de politiques relevant ces défis pourrait être une bonne base pour asseoir des avancées significatives vers un nouveau modèle de développement centré sur les personnes.

Un dernier élément qu’il convient de souligner dans le nouveau programme est l’intégration du travail décent en tant qu’objectif. L’objectif 8 propose en effet de « promouvoir la croissance économique soutenue, le plein emploi productif et le travail décent pour tous ». La bonne stratégie conçue par le mouvement syndical international – la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE et la Confédération syndicale internationale – et l’élan donné par l’Organisation internationale du Travail ont permis de placer l’emploi dans le programme international de développement durable. Obtenir un emploi décent est la seule façon pour des millions de personnes de sortir de la pauvreté.

Il suffit de citer quelques chiffres pour mieux comprendre l’ampleur des défis posés et la situation actuelle : plus de 60 % des travailleuses et des travailleurs ne disposent pas d’un contrat de travail, et moins de 45 % des personnes salariées sont employées à temps plein avec un contrat à durée indéterminée, et cette proportion se réduit.

Transformer notre monde : le programme de développement durable à l’horizon 2030, tel est le titre de la résolution des Nations Unies approuvant les objectifs de développement durable. Les gouvernements et les différentes institutions internationales ont la responsabilité de changer leurs politiques au bénéfice des personnes et de la planète.

Cette transformation est possible s’il y a une volonté politique, si l’on y consacre les moyens nécessaires et si l’on honore les engagements que les gouvernements ont volontairement adoptés.

Article publié dans la revue « Revista de Estudios y Cultura de la Fundación Primero de Mayo », no 73 : http://bit.ly/1RjHefV