Le Qatar gagne du temps à l’OIT

Par décision du conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (OIT), le Qatar s’est vu accorder jusqu’à novembre pour procéder à la réforme de son système de visa par parrainage ou kafala, un régime qui s’apparente à de l’esclavage moderne, et mettre sa législation du travail en conformité avec les normes internationales.

Plusieurs blocs de gouvernements d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ont refusé d’appuyer les appels en faveur de mesures immédiates émanant des représentants des travailleurs et des employeurs. Les gouvernements de l’UE et des pays scandinaves ainsi que celui des États-Unis ont soutenu la position des Groupes des travailleurs et des employeurs.

Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI, a déclaré : « Le Qatar s’est servi de son poids financier vis-à-vis des autres gouvernements pour gagner un délai supplémentaire à l’OIT, et ce après des années de vaines promesses de mettre fin à son système esclavagiste. Et pour comble, les gouvernements de pays d’Asie et d’Afrique dont est issue une majorité des 1,5 millions de travailleurs migrants employés au Qatar refusent d’intercéder en faveur de leurs propres ressortissants. Un délai supplémentaire de six mois risque de coûter des dizaines de vies humaines alors que les migrants sont forcés de travailler sans relâche dans la chaleur inouïe des mois d’été, pratiquement sans protection et en étant à la merci d’employeurs qui pratiquent la kafala ».

« Les dirigeants du Qatar choisissent sciemment de soumettre à l’esclavage moderne ces travailleurs migrants qui se voient forcés d’emprunter de l’argent pour rembourser les commissions de recrutement illégales qu’ils ont dû payer, de vivre dans des taudis, et tout ça pour des salaires de misère. Ils n’ont pas de recours effectif pour obtenir réparation de leurs griefs ou résoudre des conflits, ils n’ont pas le droit de changer d’emploi ou de quitter des employeurs abusifs, alors que leurs patrons peuvent les forcer à rester dans le pays en refusant de leur accorder un visa de sortie. Nos récentes visites dans des camps de travailleurs au Qatar nous ont permis de constater qu’en réalité, les salaires d’une majorité de ces travailleurs sont en train de baisser et que parallèlement à cela, le nombre de cas de travailleurs importés dans le pays qui se retrouvent sans emploi, dans l’indigence et sans moyen de retourner dans leur pays est, lui, à la hausse. Le taux de mortalité combiné des travailleurs migrants d’Inde et du Népal s’élève, à lui seul, à un mort par jour ».

« Le pays le plus riche du monde pourrait opter pour le changement mais au lieu de cela il a choisi de déployer son arsenal économique pour consolider son système corrompu durant encore six mois ».