Pourquoi l’Année européenne du développement est un enjeu syndical

Par David Joyce, directeur du département Égalité du Congrès des syndicats irlandais (ICTU)

La présence du président irlandais Michael D Higgins, invité d’honneur à la cérémonie inaugurale de l’Année européenne du développement (AED) au Château de Dublin semblait être de circonstance pour marquer cette année potentiellement critique – pour les syndicats comme pour la société au sens large.

Deux sommets des Nations Unies prévus courant 2015 définiront, de fait, les paramètres pour la prise de décisions en matière de politique internationale :

• En septembre, l’ONU adoptera un ensemble de nouveaux objectifs – un nouveau Cadre institutionnel du développement durable qui se substituera aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) – pour la lutte contre la pauvreté, l’inégalité et la destruction de l’environnement.

• La prochaine Conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre fixera de nouvelles priorités d’action contre le changement climatique, qui viendront remplacer l’actuel Protocole de Kyoto.

Activement engagé tout au long de ce processus, le mouvement syndical revendique l’intégration dans tout cadre de développement après-2015 d’objectifs afférents au plein emploi productif et au travail décent pour tous, outre l’inclusion de la Protection sociale universelle – revenu, sécurité, accès aux biens et services publics.

Il est de notre ferme conviction que l’accès au travail décent dans un environnement sain doit être garanti pour tous, au même titre que les possibilités pour les générations futures. Cela sous-entend la formulation d’objectifs qui se basent sur une évaluation de la création d’emploi, de la protection sociale, du dialogue social et – singulièrement – des droits des travailleurs. Les syndicats des enseignants ont, eux aussi, été engagés dans un dialogue sur le rôle de l’UE au plan du soutien aux objectifs de développement durable dans le domaine de l’éducation.

S’agissant de la question du changement climatique, nous voulons voir les gouvernements adopter des mesures grâce auxquelles nous ayons d’assez bonnes chances de contenir la hausse de la température moyenne mondiale à 2°C ou moins. L’objectif étant de mettre en place un cadre ambitieux qui protègera la vie et les moyens d’existence des travailleurs et de garantir l’accès universel aux technologies de pointe, ainsi que des mesures de transition justes et équitables pour tous.

Des syndicats aux quatre coins du monde ont exprimé leur profonde préoccupation face au manque d’ambition affiché par les négociateurs.

Malgré l’accent mis sans relâche sur le besoin d’inclure un message pour les travailleurs du monde concernant le rôle central du travail décent, ces demandes ont – jusqu’ici – été ignorées.

Les travailleurs sont au nombre des catégories les plus durement touchées par les effets du changement climatique. Ils détiennent, cependant, aussi la clé d’une transformation durable du modèle productif en place, qui se trouve à la source du changement climatique induit par l’être humain.

Qu’ils soient du nord ou du sud, les syndicats sont en train d’intégrer la lutte contre le changement climatique dans leurs politiques et leurs stratégies de mobilisation.

Le progrès sur tous ces fronts contribuerait à venir à bout de l’inégalité croissante alors qu’un rapport récent d’Oxfam a révélé que la richesse cumulée des 1% les plus riches dépassera celle des 99% de la population mondiale dans le courant de l’année prochaine.

Entretemps, l’OIT a mis en garde contre la hausse prévue du chômage au cours des cinq prochaines années, résultant de la croissance des inégalités
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L’Année européenne du développement a commencé sous de mauvais auspices au niveau européen avec l’octroi par la Commission européenne à CONCORD (la Confédération européenne des ONG d’urgence et de développement) d’une subvention pour l’organisation d’activités dans le cadre de l’AED en Europe.

Cette subvention implique que Concord se convertira en « plaque tournante » pour la coordination des initiatives et prévoit, notamment, une modalité de subvention en cascade pour les organisations désireuses de rejoindre l’alliance.

CONCORD a présenté les syndicats comme faisant partie de cette alliance or malgré une lettre adressée à la CE il y a plusieurs mois, nous n’avons pas été consultés ni informés préalablement à l’octroi de la subvention.

Conséquemment, les syndicats ont décidé de ne pas participer à cette initiative dès lors qu’elle nuit à nos acquis en tant qu’acteurs du développement à part entière. (Cliquez ici pour visionner un clip vidéo concernant l’action du Réseau syndical de coopération au développement).

Nonobstant, cela ne nous empêche pas d’organiser des initiatives liées à l’AED au niveau européen et national. En Irlande, les activités dans le cadre de l’AED sont coordonnées par Dochas (l’Association irlandaise des organisations non gouvernementales) avec qui le Comité de solidarité mondiale de l’ICTU a déjà engagé un dialogue pour faire en sorte que la voix des syndicats soit prise en compte dans le cadre de ces activités en Irlande.

Le besoin d’une telle voix est rendu d’autant plus évident par l’exclusion de nos demandes afférentes à des objectifs de travail décent et de protection sociale des conclusions du Conseil de l’UE en décembre sur un agenda transformatif pour l’après-2015.

Nous regrettons profondément que la promotion du travail décent (et ses quatre piliers) en tant que partie constitutive fondamentale du développement durable aient été omis des conclusions. La notion d’ « emplois décents » telle qu’énoncée dans le document ne suffit pas pour refléter l’approche fondée sur les droits au cœur de l’agenda du travail décent, y compris les normes et conventions de l’OIT relatives à la négociation collective et au dialogue social.

Les eurodéputés irlandais ont, eux aussi, énoncé leur vision de l’AED dans une brochure publiée par le Parlement européen. Bien que l’emploi, la production à faible coût, les bas salaires, un commerce plus équitable et l’inégalité y trouvent tous leur place, le travail décent et la protection sociale brillent par leur absence. Nous contacterons les MPE pour attirer leur attention sur l’agenda syndical.

Aussi à l’occasion du lancement de l’Année européenne du développement ici en Irlande, pourquoi ne pas faire en sorte que votre syndicat soit informé et activement engagé dans les débats ? Faites publier des articles dans les bulletins syndicaux, organisez des événements en marge des conférences, participez activement aux débats sur les réseaux sociaux (les hashtags Twitter cette année incluent : #NewYearNewWorld or #EYD2015)

Comme Dochas a indiqué dans sa publication concernant l’AED : « Le moment est venu d’inspirer les autres. Faites-leur savoir que vous ne vous contenterez pas d’attendre les bras croisés mais que vous êtes en train de faire votre part pour faire de ce monde un monde meilleur ! »