La FGTB et ses partenaires font face au Sida en Afrique

Novembre 2014 : Les coordinateurs nationaux des pays francophones à l’issue d’une formation d’une semaine au SETCA, accompagnés par le président du SETCA Erwin De Deyn, Dominique Borgers (coordinatrice SETCA de ce projet) Yolanda Lamas –collaboratrice FGTB), et Zakari Koudougou (Secrétaire régional d’UNI Afrique).

La Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB) a fait sien le combat contre le VIH/Sida ici et ailleurs. Les différentes façons d’aborder la pandémie ont pour objectif premier celui de permettre aux personnes vivant avec le VIH/Sida de continuer à travailler en ayant accès au traitement antirétroviral nécessaire. Le syndicat relève de la sorte un des grands défis mondiaux. Des travailleurs qualifiés disparaissent, décimant dans certains pays la population active et freinant ainsi leur développement socio-économique. Face à ces difficultés, les syndicats se devaient d’intervenir pour aider les travailleurs et pour s’entraider. Assurer un accès équitable à des services VIH de qualité est un impératif tant du point de vue des droits de l’homme que de la santé publique. La FGTB met également l’accent sur la prévention et la lutte contre toutes les formes de discrimination.

Certaines professions (chauffeur routier, marin, maçon, ...), certaines régions du monde, comme l’Afrique australe, sont plus exposées que d’autres et constituent des vecteurs de propagation importants. Les centrales sectorielles de la FGTB connaissent les problèmes inhérents aux différentes professions et peuvent plus facilement adapter des programmes à leurs besoins.

La Centrale Générale FGTB (CG) active dans notamment les secteurs de la construction, nettoyage, coiffure, la FGTB HORVAL (HORVAL) active dans les secteurs de l’alimentation, l’HORECA, le syndicat flamand des métallurgistes de la FGTB (ABVV Metaal), le SETCA FGTB (SETCA) actif dans les services, le syndicat du transport de la FGTB (UBT) se sont penchés depuis les années 90 sur le thème du VIH/Sida dans le monde du travail : dépistage, traitement disponible, protection sociale, lutte contre la discrimination, les licenciements abusifs,...

Grâce à ses centrales, la FGTB a beaucoup d’outils et d’instruments pour lutter contre le VIH/Sida et la discrimination des travailleurs tels que la négociation collective, le dialogue social et la formation syndicale. En outre, son ancrage dans les entreprises lui donne une place privilégiée pour jouer un rôle actif sur le terrain. Parallèlement au travail de l’OIT sur le Sida et le lieu de travail, les syndicats ont mené aussi des réflexions sur le VIH/Sida et lancé des campagnes de sensibilisation et de dépistage. Ils ont donné des formations et négocié des CCT d’entreprises incluant des clauses spécifiques relatives au VIH/Sida afin de protéger les travailleurs vivant avec le VIH/Sida. Ils ont obtenu des politiques VIH/Sida dans les usines, les magasins, les services publics, etc.

D’aucuns se sont fatigués du combat contre le VIH/Sida pensant que tout le monde sait aujourd’hui comment l’éviter, comment se soigner et que plus personne n’en meurt. Plus personne ne devrait en mourir... Dans ce combat, il n’y a pas de pause possible. Dès que les campagnes de sensibilisation diminuent, les taux de nouvelles infections augmentent en Europe comme en Afrique. Même en Afrique du Sud, un des pays qui compte le plus de personnes infectées et dont le taux de nouvelles infections continue à être important, le sujet « in », c’est la lutte contre la tuberculose. Mais n’est-ce pas la tuberculose, la principale maladie opportuniste dont meurent les personnes malades du Sida ? C’est pour cela que le combat aujourd’hui se situe sur le dépistage : pousser les travailleurs à faire le test, vaincre leur peur et surtout les accompagner par après si le test se révèle positif.

Cela ne fait que 6 ans que l’Afrique du Sud a accepté pleinement qu’elle est touchée gravement par le fléau du Sida! Le président Jacob Zuma a reconnu en 2009 que cette épidémie était un des défis majeurs auquel devait faire face l’Afrique du Sud. Il déclarait alors que tous les Sud-Africains devaient connaitre leur statut et pouvoir commencer ainsi à se traiter de façon adéquate. Le pays lança le plus gros programme au monde de traitement d’antirétroviraux mis à la disposition de la population de façon gratuite. Il est cependant déplorable que le président Zuma ait expliqué que pour se protéger du Sida, il prenait une douche après des relations sexuelles, détruisant ainsi des années de sensibilisation…

En Afrique subsaharienne, trois pays seulement – l’Afrique du Sud, le Nigéria et l’Ouganda – représentent 48 % de toutes les nouvelles infections à VIH. Le nombre de personnes ayant accès au traitement contre le VIH est chaque jour plus grand, 13 millions à la fin de 2013 au niveau mondial. Et le traitement antirétroviral chaque jour moins lourd qu’auparavant : une seule prise journalière. Sur la base de l’intensification récente, l’ONUSIDA estime qu’à la date de juillet 2014 près de 14 millions de personnes avaient accès au traitement contre le VIH.
Face à l’Afrique du Sud qui mène une lutte contre le VIH/Sida tous azimuts, que fait un pays comme la RDC qui présente une couverture faible de traitements et pas de baisse des nouvelles infections à VIH ?

Quelles réponses propose la FGTB ?

Les centrales de la FGTB développent toutes des projets de coopération syndicale avec des partenaires du Sud. L’institut de coopération syndicale internationale de la FGTB (IFSI) gère, pour l’ensemble de la FGTB, des projets en Afrique du Sud, Kenya, Rwanda, etc. à l’intérieur d’un programme cofinancé par la coopération belge. Certains projets sont entièrement ou en partie consacrés au VIH/Sida.

Pendant des années, la Centrale Générale (CG) a appuyé le National Union of Mineworkers (NUM) avec un projet qui formait des pairs éducateurs en VIH/Sida. Une fois formés, ceux-ci sensibilisaient les travailleurs de la construction sur les chantiers à la pause de midi en distribuant, entre autres, des brochures élaborées par le projet, des préservatifs,... Le NUM a depuis 2012 repris complètement ces activités et contribue à organiser chaque année un grand rassemblement pour le 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le Sida, chaque année dans une région différente.

Actuellement, et toujours en Afrique du Sud, la CG soutient le programme de santé du travailleur du Southern African Clothing & Textile Workers’ Union (SACTWU) dans deux de ses volets : l’aide aux malades et la formation en VIH/Sida aux délégués syndicaux. Le projet a formé des travailleuses du textile au chômage. Beaucoup d’usines textiles ont fermé leurs portes parce qu’elles ne peuvent plus concurrencer l’importation de textile bon marché venant de Chine ou du Bangladesh. Ces femmes sont devenues des aides-soignantes et se rendent au chevet de compagnons de travail malades du Sida. Le programme de santé s’adresse aux membres affiliés et à leurs familles. La deuxième partie du projet est basée sur les formations en VIH/Sida et maladies opportunistes les plus fréquentes comme la tuberculose. Ces cours complètent l’ensemble de formations que reçoivent les délégués syndicaux pour mener à bien leur travail syndical. SACTWU inclut la lutte contre le VIH/Sida dans un programme de santé ou plutôt de bien-être qui inclut aussi des cours éducatifs sur l’alimentation, par exemple.

De plus en plus, les projets syndicaux qui traitent du VIH/Sida ont un impact au-delà de la sphère du lieu du travail et touchent les communautés, comme c’est le cas de ce projet SACTWU-CG.

Le SETCA a un projet "Sida" depuis les années 90 dans différents pays d’Afrique anglophone, aujourd’hui en Afrique du Sud, au Kenya, en Zambie et au Zimbabwe, et depuis 2014, dans cinq pays d’Afrique francophone : au Burkina Faso, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en RDC et au Sénégal. Ce projet auquel participent une bonne dizaine de syndicats de services, tous affiliés à UNI Afrique, a pour but de combattre ensemble les discriminations dont souffrent les travailleurs vivant avec le VIH/Sida. La prévention et l’information permettent heureusement de faire baisser le nombre de contaminations à travers le monde, même si une personne est encore infectée par le VIH toutes les 14 secondes. Cela représente quelque 6 000 infections par le VIH chaque jour. 40 % de toutes les nouvelles infections touchent les jeunes de moins de 25 ans. Dans l’Afrique subsaharienne, presque 70 % des jeunes ne savent pas comment prévenir une infection par le VIH/Sida.

Le projet soutenu par le SETCA invite décideurs, employeurs et syndicats à unir leurs efforts et à combattre ensemble cette maladie. L’objectif est de fournir des outils aux syndicats, au travers de manuels et de formations, pour leur permettre d’aborder sur le terrain les discriminations que vivent les travailleurs vivant avec le VIH/Sida. Lors de la première phase du projet, dans les pays anglophones, quelque 13 000 visites d’entreprise ont eu lieu.

Depuis 2012, le SETCA met à la disposition des travailleurs et des délégués des informations pour lutter contre les discriminations sur le lieu de travail. Ces outils ont été développés en partenariat avec SENSOA [1] et la Plateforme Prévention SIDA. Toutes les brochures ou autres matériels sont disponibles sur les sites internet de la FGTB. L’idée du projet est d’obtenir des conventions avec les chaînes multinationales de telle sorte qu’une convention obtenue dans un pays serve dans tous les autres !
L’avantage pour les différents syndicats partenaires et le SETCA de travailler dans plusieurs pays s’est concrétisé dans la création d’un réseau inter-syndical qui s’échange régulièrement des informations relatives au VIH/Sida dans le milieu du travail.

Avec le soutien d’HORVAL, le syndicat hôtelier au Malawi, HFPCWU (Hotel, Food Processing and Catering Workers’ Union) est parvenu à organiser davantage d’entreprises, donner plus de formations aux délégués syndicaux sur les thèmes du droit de travail mais également sur le VIH/Sida, thème d’autant plus important que le Malawi bat des records de nouvelles infections et de personnes vivant mal avec le VIH/Sida.

Le syndicat flamand des métallurgistes (ABVV Metaal) et le syndicat du transport BTB travaillent tous deux avec des partenaires kenyans dans deux projets qui contribuent, entre autres, à la non–prolifération du VIH/Sida. Dans le secteur métallurgique, le Kenyan Engineering Workers’ Union (KEWU) privilégie l’approche classique. Il négocie des clauses pour la protection des travailleurs et il sensibilise les travailleurs à se protéger d’une contamination possible, enfin il les encourage à connaitre leur statut.

Les syndicats kenyans des dockers, Dock Workers’ Union (DWU) et des camionneurs de longue distance, Kenyan Long Distance Truck Drivers’ Union (KLDTDU) accompagnés par la Fédération internationale du transport d’Afrique (ITF Africa) veulent aller plus loin. Ils veulent, en effet, rompre le tabou. Au Kenya, comme dans beaucoup d’autres pays et pas seulement africains, on ne parle du VIH/Sida. Les gens ont peur ? Il s’agit d’une maladie « honteuse relative le plus souvent aux relations sexuelles. Ils ont alors recours aux histoires des dockers qui racontent leur vie avec le VIH/Sida. En Afrique du Sud, la nouvelle tendance aussi est à donner la parole à visage découvert aux personnes vivant avec le VIH/Sida et menant pour beaucoup des vies normales. L’objectif étant d’expliquer que l’on peut bien vivre en étant porteur du virus si on est détecté à temps et que l’on prend son traitement. Dans le milieu du transport au Kenya où la prévalence est très haute, le projet a mis en place des visites, en soirée, aux haltes repos sur les routes pour rencontrer les chauffeurs et les travailleuses du sexe fortement exposées elles aussi. Les syndicats disposent pour ce faire de l’aide de l’ICRH (International Centre for Reproductive Health) fondé par Marleen Temmerman (professeur de l’université de Gand, ex-sénatrice socialiste et très engagée dans la lutte contre le Sida au Kenya)

MOBILISATION EN BELGIQUE

Le programme de coopération syndicale de la FGTB dont vous avez vu quelques aperçus à travers les projets qui ont pour thème la lutte contre le VIH/Sida s’attache aussi à la sensibilisation des travailleurs en Belgique en mobilisant leurs délégués syndicaux. Quand les syndicats partenaires sont en visite en Belgique, les différentes centrales de la FGTB profitent pour organiser des rencontres, des conférences, des débats, des séances de témoignages, etc. avec les délégués syndicaux.

La FGTB adhère à la vision de l’ONUSIDA : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » Il est évident pour la FGTB que la lutte contre le VIH/Sida s’inscrit à part entière dans le combat syndical plus large pour le Travail Décent, incluant les notions de santé et sécurité au travail, la protection sociale et le respect des droits humains et syndicaux.

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