Appel des partenaires sociaux : Pour une ouverture du marché de l’emploi de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est)

Les organisations patronales et syndicales d’Afrique de l’Est s’unissent pour appeler les politiciens à lever les barrières au libre mouvement des travailleurs au niveau de la région.

Les employeurs et les travailleurs d’Afrique de l’Est représentés par leurs organisations régionales East African Employers Organization et East African Trade Union Confederation respectivement, saluent le processus d’intégration régionale en cours car ils espèrent que celui-ci facilitera le libre mouvement des facteurs de production à l’intérieur du marché commun de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC).

La mise en œuvre du Protocole pour un marché commun est un moteur de croissance économique et de création d’emploi pour la région. Le libre mouvement des travailleurs revêt autant d’importance pour le processus d’intégration de l’EAC que le libre mouvement des biens et des capitaux. Toutefois, bien que le PMC de l’EAC ait été adopté il y a déjà plus de 4 ans (juillet 2010), les bienfaits attendus pour les citoyens de l’EAC suite à sa ratification par tous les États membres ne se sont pas encore pleinement matérialisés.

Les États partenaires n’ont pas encore harmonisé leurs procédures internes en matière de permis de travail pour accommoder des clauses d’égalité de traitement à l’égard des ressortissants des pays de l’EAC, tel que prévu à l’article 12 du PMC et des Règles du marché commun de l’EAC relatives au libre mouvement des travailleurs (annexe 2, règle 6, sous-section 9), où chaque pays s’engage à harmoniser ses politiques, ses lois et ses programmes d’emploi internes pour faciliter le libre mouvement des travailleurs à l’intérieur de la Communauté afin d’assurer un traitement égal aux ressortissants de l’EAC, et ce avant la fin de 2015. L’EATUC et l’EAEO notent avec inquiétude la lenteur déconcertante de la mise en œuvre des dispositions liées à la libre circulation des travailleurs telle que prévue aux termes du PMC, qui nous éloigne d’autant plus du rêve d’une pleine intégration régionale telle qu’envisagée par le PMC. Le processus de délivrance de permis de travail n’a pas été harmonisé. Ceci est mis en évidence par les différences qui subsistent au niveau des catégories de permis de travail, des droits perçus, des procédures de traitement et, de façon alarmante, par le fait que les catégories de permis ne font pas de distinction entre les citoyens de l’EAC et les ressortissants d’autres pays situés en dehors de l’EAC.

Encadré 1

Le 30 novembre 1999, les États partenaires de l’EAC ont signé le traité établissant la Communauté d’Afrique de l’Est. En vertu de l’article 5, paragraphe 2 du Traité, les États partenaires de l’EAC s’engagent à œuvrer d’un commun accord à la création d’une Union douanière, d’un Marché commun suivi d’une Union monétaire et finalement d’une Fédération politique. Le Protocole pour un marché commun (PMC) entré en force le 1er juillet 2010 renferme des dispositions concernant le libre mouvement des personnes, des travailleurs, des services, des capitaux et des biens à travers toute l’EAC. Le Marché commun de l’EAC a pour objectif de parvenir à une coopération accrue et approfondie entre les États partenaires dans les domaines économique et social, pour le bénéfice des États partenaires. Le libre mouvement des travailleurs constitue un aspect important dès lors qu’il conduit non seulement à des bénéfices macroéconomiques mais contribue aussi de manière extrêmement tangible à l’intégration régionale. Autrement dit, il s’agit d’un droit dont les citoyens de l’EAC sont directement conscients à l’heure de se mettre à la recherche de nouvelles possibilités d’emploi. Les employeurs tirent parti du libre mouvement des travailleurs en augmentant leurs chances d’apparier les exigences d’n poste avec les compétences et les qualifications requises à l’heure d’embaucher de nouveaux employés, ce qui a un impact positif sur la productivité et la rentabilité.
Il y a donc d’importants avantages à tirer d’une mobilité accrue des travailleurs, tant du point de vue économique qu’à niveau personnel. Il y a par ailleurs aussi des bénéfices au plan culturel, dès lors que le mouvement transfrontalier des travailleurs sera une façon importante de démontrer les bienfaits de l’intégration régionale, qui suscite encore le scepticisme d’une partie de l’opinion publique dans les États membres. L’un des principaux obstacles à une intégration accrue tient au manque de soutien et de mobilisation populaire en faveur du processus d’intégration régionale. Les possibilités accrues pour les chercheurs d’emploi constituent un avantage très visible pour les citoyens à titre individuel et le fait de travailler aux côtés de citoyens d’autres pays de l’EAC contribuera à renforcer le sentiment d’un enrichissement mutuel et à dissiper les préjugés concernant les autres nationalités, ouvrant ainsi la voie à une intégration centrée sur la personne et impulsée par le marché nécessaire à la réalisation de l’objectif ultime, la vision d’une fédération politique de l’EAC.

Ceci a une incidence directe sur l’avancement de la libre circulation des travailleurs, étant donné que la majorité des employeurs ne peuvent pas accéder librement à une main-d’œuvre compétente qui réponde aux qualifications requises. De même, les travailleurs ne peuvent toujours pas concourir sur le marché de l’emploi régional en raison des tracasseries liées aux formalités de demande d’emploi et à l’obtention de permis dans l’ensemble de l’EAC. Ceci montre bien à quel point le processus de mise en œuvre du Protocole pour un marché commun a été lent. Manifestement, malgré les progrès dans certains domaines, la mise en application du Protocole de marché commun a encore beaucoup de chemin à faire avant que ses bienfaits ne puissent être pleinement appréciés. À cette fin, il serait probablement utile d’envisager l’établissement d’un calendrier assorti de mécanismes de transition adéquats. S’agissant de la mise en œuvre, il conviendrait de marquer un nouveau départ dès à présent.

C’est dans ce contexte que l’EATUC et l’EAEO et les mandants des centrales syndicales nationales et des organisations patronales y affiliées en appellent instamment aux décideurs politiques d’Afrique de l’Est à accélérer le processus d’intégration régionale en supprimant les barrières au libre mouvement des travailleurs à travers les frontières des pays de l’EAC. Il est temps pour que les populations d’Afrique de l’Est commencent à ressentir les avantages directs de l’intégration régionale.

Avec un potentiel de rayonnement s’étendant à plus de 8500 entreprises et d’entités commerciales et plus d’une centaine d’associations des employeurs et de chambres de commerce affiliées aux organisations patronales nationales, outre plus de 2,5 millions de travailleurs organisés au sein de syndicats affiliés aux centrales syndicales nationales, les membres de l’EATUC et de l’EAEO englobent les centrales syndicales nationales affiliées et les organisations des employeurs des pays de l’EAC, nommément la Confédération des Syndicats du Burundi (COSYBU) et l’Association des employeurs du Burundi (AEB), Burundi, la Central Organization of Trade Unions (Kenya) (COTU-K) et la Federation of Kenya Employers (FKE), Kenya, la Centrale des Syndicats des Travailleurs du Rwanda (CESTRAR) et la Private Sector Federation (PSF), Rwanda, le Trade Unions Congress of Tanzania (TUCTA) et l’Association of Tanzania Employers (ATE), Tanzanie, la National Organization of Trade Unions (NOTU) et la Federation of Uganda Employers (FUE), Ouganda, le Zanzibar Trade Union Congress (ZATUC) et la Zanzibar Employers Association (ZANEMA), Zanzibar.

Encadré 2 :

L’EATUC et l’EAEO recommandent conjointement les mesures urgentes reprises ci-dessous qui devront être initiées par les gouvernements des États partenaires de l’EAC, les chefs d’État réunis au Sommet de l’EAC, le Conseil des ministres de l’EAC, l’Assemblée législative est-africaine et le Secrétariat de l’EAC, y compris les autres instances compétentes de l’EAC :

Recommandations à court terme

i. Le délai de procédure pour l’obtention du permis de travail doit être écourté à 30 jours maximum.

ii. Les documents exigés pour les demandes de permis de travail doivent être standardisés pour toute la région EAC.

iii. Une version révisée de l’Annexe II du PMC devra être instaurée à l’expiration de l’accord actuel en 2015. La nouvelle annexe relative à la mise en application du libre mouvement des travailleurs devra être établie par le biais d’un mécanisme tripartite au niveau de la région EAC et devra être administrée à l’échelle nationale à travers des forums tripartites.

iv. Toutes conditions particulières en dehors des dispositions du PMC, telles que des exigences liées à un niveau de revenu annuel minimum ou aux limites d’âge devront être abrogées immédiatement.

v. Des versions simplifiées des documents PMC devraient être créées et même traduites dans les langues vernaculaires locales aux fins de sensibiliser les populations d’Afrique de l’Est aux avantages de la libre circulation des travailleurs.

vi. Le suivi et l’évaluation du progrès de l’application du Protocole de marché commun devront être améliorés par les États partenaires afin de rendre ceux-ci conformes aux conditions et directives du Cadre de suivi et de mise en œuvre de l’EAC. La collecte et la validation des données désagrégées devront être améliorées en invitant les organisations des employeurs, les centrales syndicales nationales et autres parties prenantes concernées au sein des Comités nationaux de mise en œuvre (NIC). D’autre part, le système d’évaluation de l’EAC devra à l’avenir inclure l’évaluation du progrès dans la mise en œuvre des dispositions du PMC relatives à la libre circulation des travailleurs

vii. Une base de données centralisée de l’EAC devra être créée au niveau régional pour centraliser les données concernant la délivrance des permis de travail et le flux migratoires au niveau de la région de même depuis et vers d’autres régions non EAC, en se basant sur les données statistiques actualisées des États partenaires. Des statistiques mises à jour sont essentielles pour l’élaboration de politiques et la mise en pratique d’un marché du travail commun.

Recommandations à long terme

L’EAEO et l’EATUC partagent une vision commune selon laquelle la possession d’un permis de travail ne doit pas constituer une condition requise pour la libre circulation des travailleurs à travers l’EAC ; les recommandations suivantes doivent néanmoins être prises en considération pour accomplir cette vision :

i. Les catégories de permis de travail doivent être standardisées et s’accompagner d’un régime standard de permis de travail régional intégral que les États partenaires mettront en conformité avec leur législations locales.

ii. Autorités émettrices des contrats de travail : Des centres d’émission intégrés devraient être créés sur une base tripartite, composés de représentants des ministères concernés, des organisations des employeurs et des centrales syndicales et autres parties prenantes.

iii. Les taxes perçues pour la délivrance de permis de travail devraient être abolies pour les citoyens de l’EAC, d’une part pour refléter l’esprit d’unité et, d’autre part, pour promouvoir l’intégration régionale et instituer l’égalité de traitement pour les citoyens de l’EAC, voire le traitement préférentiel au regard des autres travailleurs étrangers afin de donner un sens réel et tangible aux avantages de l’intégration régionale pour les travailleurs et les employeurs de la région.

En plus de recommander les mesures devant être prises pour faciliter le processus de délivrance de permis de travail aux citoyens de l’EAC, l’EATUC et l’EAEO recommandent aussi que des mesures soient prises en vue du transfert des prestations de sécurité sociale à l’intérieur des frontières de l’EAC, pour l’instauration d’une carte d’identité commune ayant valeur de passeport à l’intérieur de l’EAC et pour une réforme des politiques nationales d’emploi et de la législation du travail, et ce dans le cadre d’un processus de rapprochement et d’harmonisation progressifs visant à garantir les droits des travailleurs de la région EAC indépendamment de s’ils résident et travaillent dans leur pays d’0rigine ou dans un de pays partenaires.
En conclusion, l’EAEO et EATUC recommandent et demandent instamment à l’Assemblée législative est-africaine, au Conseil des ministres du Sommet de l’EAC, de même qu’aux chefs d’État, aux gouvernements nationaux et aux autorités des États partenaires de l’EAC d’œuvrer à la réalisation de la vision d’un Marché commun est-africain en mettant en œuvre les dispositions déjà convenues aux termes du Protocole pour un marché commun. Ceci sous entend avant toute chose un leadership et un engagement politique et l’affectation des fonds nécessaires à l’avancement du processus d’intégration de l’EAC, y compris la réalisation du libre mouvement des travailleurs à travers la région. Le moment est venu pour l’EAC et les gouvernements nationaux de la région d’honorer leurs engagements et de prendre toutes les dispositions et mesures qui s’imposent pour incorporer les programmes et engagements d’intégration régionale de l’EAC dans les politiques, les plans, les programmes et les budgets nationaux.

Pour garantir le progrès de la mise en œuvre des dispositions du PMC à l’échelle nationale, l’EAEO et l’EATUC sont partisans de l’instauration par l’EAC d’un mécanisme de sanctions contre les États partenaires qui appliquent des barrières non-tarifaires (projet de loi BNT). L’EAEO et l’EATUC en appellent instamment à toutes les parties prenantes régionales et nationales de la société civile et du secteur privé à continuer à exercer des pressions soutenues sur le Secrétariat de l’EAC et sur les gouvernements nationaux pour les inciter à accélérer le processus d’application des dispositions du protocole de marché commun.

Article fourni par EATUC (traduit de l’anglais)