Les États-Unis lancent une procédure d’arbitrage contre le Guatemala pour violence antisyndicale

Il aura fallu six années de luttes juridiques tortueuses et acharnées pour en arriver là, mais les travailleurs guatémaltèques ont enfin des raisons de se réjouir.
Aujourd’hui, les États-Unis ont résolu d’engager une procédure d’arbitrage internationale contre le Guatemala pour violation des droits des travailleurs aux termes de l’Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale et la République dominicaine (ALEAC-RD).

Pour la première fois de l’histoire, un pays a recours à l’arbitrage international contre un autre pays pour une violation des normes du travail.
Le contentieux remonte à avril 2008, quand six syndicats guatémaltèques et l’AFL-CIO ont déposé une plainte auprès du Bureau du représentant des États-Unis pour le commerce extérieur où ils ont soulevé une série de préoccupations graves concernant, notamment, des cas de violence antisyndicale.
Dans leur requête, ils ont accusé le Guatemala d’avoir manqué de faire respecter sa propre législation du travail, de même que ses engagements à respecter, à promouvoir et à réaliser les droits fondamentaux des travailleurs.

Depuis lors, la situation n’a fait qu’empirer. La Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) de l’ONU rapporte que 30 assassinats documentés de travailleurs syndiqués ont eu lieu entre 2008 et 2013.

Il y a eu, en outre, de nombreux cas de tentatives de meurtre, de tortures, d’enlèvements, d’entrées par effraction et de menaces de mort. Cette culture d’intimidation et d’impunité a été à l’origine de la décision de la Confédération syndicale internationale (CSI) de désigner le Guatemala comme le pays le plus dangereux au monde pour les syndicalistes.

Au demeurant, un compromis a été atteint avec l’adoption, en avril 2013, d’un plan d’application États-Unis/Guatemala en 18 points prévoyant le renforcement des inspections du travail, le renforcement de l’application par les entreprises exportatrices et le renforcement de l’application des décisions judiciaires, entre autres dispositions.

La date limite pour la pleine application de ce plan était fixée à avril 2014. Entre temps, plusieurs prolongations ont été accordées au Guatemala pour lui donner « une dernière chance ».

En engageant une procédure d’arbitrage contre le Guatemala, le Bureau du représentant des États-Unis au commerce extérieur a de fait reconnu que très peu d’efforts ont été consentis pour se conformer à l’obligation du Guatemala à simplement faire appliquer ses propres lois.

« Aujourd’hui, le gouvernement des États-Unis a pris la décision opportune en précisant clairement qu’en l’absence de droits des travailleurs, le Guatemala n’a pas sa place au sein de l’économie mondiale », a dit Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI.

« Les milieux d’affaires ont exercé des pressions très fortes en faveur de l’ALEAC, en dépit de violations notoires et graves. Cette nouvelle décision a de quoi donner à réfléchir aux employeurs et les incitera, avec un peu de chance, à entreprendre une réforme en profondeur de leurs chaînes d’approvisionnement. »

Outre les États-Unis, le Guatemala a également conclu un accord de partenariat avec l’Union européenne.

Le panel d’arbitrage ALEAC-RD soumettra un rapport préliminaire assorti de conclusions et recommandations. En cas de non-application de ces recommandations par le gouvernement, le Guatemala s’exposerait à des amendes et, en cas de non-paiement des amendes, à des sanctions commerciales.

Une procédure similaire est en cours à l’Organisation internationale du travail (OIT), où une demande pour la mise sur pied d’une Commission d’enquête – la mesure d’investigation la plus forte disponible à l’intérieur du système de l’OIT – a été introduite par le groupe des travailleurs. Une décision devrait être prise en novembre 2014.