Qatar : Le rapporteur de l’ONU lève le voile sur la situation des travailleurs migrants et appelle au respect des normes de l’OIT

Le mouvement syndical international a appelé les autorités qataries à accéder immédiatement à la demande de réformes urgentes dans le traitement de la main-d’œuvre migrante, suite à une mission d’enquête de dix jours de l’ONU dans le pays.

Sharan Burrow, secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale a salué les recommandations de François Crépeau, rapporteur spécial de l’ONU chargé des droits de l’homme des migrants, qui incluent le droit de former des syndicats et d’y adhérer, le droit à des procédures de plainte adéquates et à un salaire minimum et l’abolition du système de parrainage ou kafala.

« Malgré les assurances des autorités Qataries qu’elles ont entrepris de nettoyer les camps de travail et d’évacuer les centres de déportation bondés où sont détenues des femmes avec leurs bébés, le rapporteur spécial des Nations Unies a constaté de ses propres yeux les conditions épouvantables auxquelles sont soumis les travailleurs migrants au Qatar et a présenté des recommandations fermes qui, si elles sont mises en œuvre, feront une réelle différence dans la vie des travailleuses et travailleurs migrants au Qatar », a déclaré Sharan Burrow.

Les recommandations de l’ONU ont été rendues publiques au moment où le président de la FIFA Sepp Blatter rendait sa « visite de courtoisie » à l’Émir du Qatar suite au décès de dizaines d’ouvriers de la construction sur des chantiers de la Coupe du monde de 2022.

« Des promesses de réforme de la législation du travail ont été faites par M. Blatter à sa sortie de sa rencontre avec l’émir. La plupart de ces promesses ont été sur la table depuis des années mais le temps est désormais venu pour le Qatar de traduire ses engagements dans les faits et de mettre fin à l’exploitation inhumaine de la main-d’œuvre migrante. Il ne nous reste plus qu’à espérer que ces réformes répondront aux critères établis par le rapporteur spécial des Nations Unies.

« Nous nous trouvons face à un contentieux de portée globale qui réclame une solution, elle aussi, globale, et il ressort clairement du rapport de l’ONU que toute solution devra tenir compte des normes de l’OIT. »

Contrastant la visite des experts de l’ONU avec la « visite de courtoisie » de Sepp Blatter, Sharan Burrow a affirmé : « M. Blatter est parti du Qatar sans aucun garantie pour les 1,3 million de travailleurs migrants qui s’esquintent au labeur dans des conditions s’apparentant à l’esclavage dans le cadre des préparatifs de la Coupe du monde. Il n’y a pas la moindre garantie qu’ils seront payés à temps, ni même qu’ils auront droit à un salaire minimum ou qu’ils pourront changer d’emploi, quitter le pays ou bénéficier des droits et protections prescrits par l’OIT. »

Or des solutions juridiques et politiques à même de garantir aux travailleurs leurs droits légitimes sont à la portée du gouvernement du Qatar, le pays le plus riche du monde.

La CSI appelle les autorités qataries à :

- Abolir le système de la kafala afin que les travailleurs puissent changer d’employeur et quitter le pays en toute liberté ;
- Adopter des lois nationales qui accordent aux travailleuses et travailleurs migrants la liberté syndicale, de même que le droit de former des syndicats et d’y adhérer et de mener des négociations collectives pour des salaires équitables et des lieux et conditions de travail sûrs ;
- Améliorer les procédures de grief pour le traitement des plaintes des travailleurs;
- Travailler avec des firmes de recrutement internationales pour réguler le recrutement de masse de main-d’œuvre migrante ;
- Introduire un salaire minimum équitable et non discriminatoire.

Avec le départ de Sepp Blatter du Qatar, le footballer français Zahir Belounis a vu s’envoler, une fois de plus, son espoir d’obtenir l’autorisation de quitter le pays. Alors qu’un accord semblait avoir été atteint entre les gouvernements de la France et du Qatar en vue de son rapatriement, l’employeur de Belounis a, une fois de plus, refusé de lui octroyer le permis de sortie du Qatar.

« Zahir se trouve piégé au Qatar depuis deux ans. Lui et sa famille sont parmi les nombreuses victimes du système inique de la kafala. Le traitement vindicatif et dégradant auquel il est soumis par son club de football est déchirant. Le Qatar couvre d’opprobre le football international et la FIFA ne peut rester impassible », a déclaré Madame Burrow.

Une mission de la CSI se rendra au Qatar au début du mois prochain.