Coopération Sud-Sud: Doute sur l’impact potentiel de la nouvelle banque

Bien que les dirigeants du groupe Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (BRICS) aient convenu de lancer une institution financière de développement, donnant au club un coup de pouce pour les grandes infrastructures, certains ici sont sceptiques sur l’impact potentiel de la nouvelle banque.

"Je ne pense pas que cela aura beaucoup d’impact en Afrique du Sud, où le capital n’est pas le problème, mais la politique", a déclaré à IPS, Frans Cronje, directeur général adjoint de l’Institut sud-africain des relations raciales. Le cinquième sommet du BRICS a eu lieu à Durban, en Afrique du Sud, du 26 au 27 mars.

Il y a des inquiétudes que certains des détails importants restent encore à être réglés et annoncés, et aussi parce que le fonctionnement de la nouvelle Banque de développement du BRICS devra être surveillé de près si l’objectif est de convaincre les observateurs qu’elle aura un impact réel sur le financement du développement.

"Cette nouvelle banque sera beaucoup plus petite que la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international (FMI), alors elle aura un impact marginal par rapport à ces institutions", a expliqué Cronje.

Il a été suggéré que tous les pays du BRICS versent au début 10 milliards de dollars pour le capital de départ de la banque, et Cronje a estimé que c’est "étrange" que l’Afrique du Sud paie toute sa part alors qu’elle a seulement deux pour cent du produit intérieur brut du BRICS.

"S’agit-t-il d’un projet d’orgueil pour l’Afrique du Sud?", a-t-il demandé. "Le changement de l’équilibre par rapport à la Banque mondiale et le FMI est-il simplement du romantisme idéologique?".

Il est déjà clair que la banque se concentrera sur les projets d’infrastructure, mais il y a encore une incertitude au sujet de plusieurs détails, y compris l’empreinte géographique de la banque, son emplacement et la monnaie ou les monnaies dans laquelle/lesquelles elle va opérer.

"Le premier objectif de la banque porte sur les infrastructures, ce qui est normal", a déclaré à IPS, Mike Schussler, un économiste indépendant à Johannesburg.

"Il y aura des discussions sur l’endroit où vous mettrez l’argent, puisque l’Afrique du Sud, le Brésil, la Russie et l’Inde ont tous besoin d’infrastructures, et il y aura un manque de fonds".

"Donc, le défi sera sur la façon d’engager les ressources insuffisantes au début".

Memory Dube, une chercheuse principale à l’Institut sud-africain des affaires internationales, un institut de recherche privé, a décrit l’accord qui doit évoluer avec la banque, et qui a été signé par les ministres des Finances du BRICS à Durban le 26 mars, comme "significatif" dans la transformation du regroupement BRICS en une alliance solide et durable.

"Il offre une institutionnalisation pour le BRICS. Jusqu’à présent, c’est un regroupement lâche, mais cette nouvelle banque collera ensemble les membres".

"C’est une véritable institution qui appartient au BRICS et sera gérée par le BRICS. Il n’y a maintenant aucun doute que le BRICS existera dans 10 ans, dans 20 ans - il y a quelque chose de tangible", a-t-elle indiqué à IPS.

Le porte-parole du Congrès des syndicats sud-africains, Patrick Craven, a été prudent au sujet de la nouvelle banque.

"Il est trop tôt de l’évaluer", a-t-il dit à IPS. "Nous voulons beaucoup plus de détails sur la façon dont la banque fonctionnera et qui en aura la charge".

"Nous insisterons que son mandat soit très différent de celui de la Banque mondiale et du FMI - qui sont utilisées pour renforcer la domination de l’Amérique du nord et des économies d’Europe de l’ouest, et (qui) ont eu un effet très négatif sur les pays en développement, en imposant des contraintes sur les crédits".

"Une Banque de développement du BRICS doit promouvoir le développement et l’industrialisation ainsi que la création d’emplois".

Sandile Zungu, un entrepreneur, est l’un des cinq délégués sud-africains qui siègent au nouveau Conseil des entreprises du BRICS, qui a été également lancé lors du sommet de Durban.

"Souvent, les projets d’infrastructure en Afrique du Sud et dans le reste de l’Afrique ont le potentiel de profiter à un ou plusieurs pays du BRICS", a-t-il affirmé à IPS dans une interview téléphonique depuis Durban.

"Avec la nouvelle Banque de développement du BRICS, ces projets auront une meilleure chance d’obtenir de financement qu’ils l’auraient fait auprès de la Banque mondiale. Il y aura un pool de financements plus grand".

Dube a dit qu’elle tenait à être informée sur le site de la nouvelle Banque de développement du BRICS, puisque cela n’avait pas été annoncé au moment où elle avait parlé à IPS depuis le sommet le 27 mars. L’Afrique du Sud a tenu à l’accueillir, mais la Chine est également un candidat sérieux.

Cependant, Zungu a affirmé qu’il croit que l’Afrique du Sud est le candidat le plus sérieux parmi les pays du BRICS pour accueillir la nouvelle institution.

"On peut dire que de tous les pays du BRICS, l’Afrique du Sud dispose du meilleur système de services financiers, et la Banque mondiale estime que nous avons le meilleur".

"Nous sommes également plus proches de la région ayant le plus grand besoin de développement dans les infrastructures".

Dube était également intéressée à voir beaucoup plus de détails sur d’autres questions concernant la nouvelle banque. "S’ils la structurent correctement, elle pourrait faire une réelle différence", a-t-elle estimé. "Mais le démon sera dans les détails".

Elle a indiqué qu’il serait important de voir la structure de financement de la nouvelle banque.

"Nous avons appris que chaque pays du BRICS versera 10 milliards de dollars", a-t-elle déclaré. "Mais cela sera-t-il suffisant? D’autres fonds seront-ils réunis sur le marché ouvert? Je veux aussi voir plus de détails sur la structure décisionnelle de la Banque de développement du BRICS".

"Nous avons également besoin de savoir les régions dans lesquelles elle opèrera – sera-t-elle pour tous les pays en développement, ou pour les membres du BRICS uniquement?"

Article par John Fraser, IPS Afrique (Inter Press Service)