Les entreprises doivent veiller au respect des droits humains

Un traité international contraignant devrait prendre forme en 2017 afin que les entreprises transnationales, et d’autres entreprises, respectent les droits humains. Logiquement, un degré de priorité plus élevé sera donné à ce traité par rapport à d’autres accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux, car il présente les conditions minimales dans lesquelles ces accords devraient être mis en œuvre.

Par Santiago González Vallejo, Sotermun-Unión Sindical Obrera

Compte tenu du pouvoir contractuel des entreprises transnationales et du contrôle qu’elles exercent sur les chaînes de valeur, ce traité visant à réglementer et à sanctionner le comportement des multinationales est plus indispensable que jamais. Il existe une asymétrie entre la puissance économique des entreprises et la fragilité des États, dont les dirigeants sont pris en otage par le pouvoir des multinationales. C’est d’autant plus flagrant lorsqu’on observe d’un côté la prééminence des traités d’investissement et de libre-échange, avec leurs mécanismes de règlement des différends sur les investissements et, de l’autre côté, la capacité contractuelle des citoyens ou des États eux-mêmes. En outre, le secteur privé assume de façon très limitée les graves problèmes que génèrent les externalités sur l’environnement, la dégradation sociale et la détérioration du travail à la fin de la chaîne de production, dont personne n’endosse la responsabilité. Il est nécessaire de rééquilibrer les relations entre les uns et les autres.

Picture: Ecuadorian Chancellery

Les étapes de la mise en place de ce traité, en termes de calendriers diplomatiques, ont été rapides. En effet, le débat a été lancé au niveau international en 2013 et c’est en 2014 que la résolution A/HRC/26/9 a été approuvée à l’initiative de l’Équateur et de l’Afrique du Sud au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Cette résolution établissait la création d’un groupe de travail intergouvernemental chargé d’élaborer un instrument juridiquement contraignant pour les entreprises transnationales.

La démarche équatorienne à l’égard d’un traité concernant les transnationales était soutenue par une série de pays qui n’avaient pas ou peu de multinationales et l’idée a fait son chemin depuis 2014. La résolution approuvée prévoyait la mise en place d’un groupe de travail, qui s’est réuni en 2015 et en octobre 2016, et a rencontré des groupes d’intérêt, des ONG telles que Transnational Institute, présidée par Susan George, la Confédération syndicale internationale, des entrepreneurs et diverses agences des Nations Unies, notamment l’Organisation internationale du travail.
L’Union européenne, aux côtés de 80 États, a finalement pris part à la discussion malgré son refus initial, voyant que les autres États en acceptaient sans problème particulier les aspects faciles à comprendre et à assumer, et qu’ils signalaient que leur opposition initiale résultait des pressions exercées par le lobby patronal. En plus des entreprises transnationales, le terme « autres entreprises » est mentionné dans le texte du traité afin d’englober les entreprises locales et d’autres entreprises, indépendamment du niveau de propriété des actionnaires. En attendant l’entrée en vigueur de ce traité, ce sont les Principes directeurs (des Nations Unies) relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (2011) qui s’appliquent ; ces principes ont été mis au point par John Ruggie dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises.

En Espagne, courant 2013, une tentative de trouver un consensus a eu lieu avec l’élaboration d’un Plan sur les droits humains et les entreprises, surtout dans le domaine de la coopération, qui traitait également du comportement des investissements des entreprises espagnoles à l’étranger. Toutefois, ce consensus n’a pas abouti, en raison des différences considérables entre le monde de l’entreprise et les autres parties, laissant au final un projet sans substance que le gouvernement n’a jamais approuvé depuis. En définitive, comme l’Union européenne, le gouvernement espagnol traîne les pieds dans ce domaine et c’est pourquoi il est important que les autres parties, les syndicats, le secteur de l’entreprise et les autres organisations influencent la discussion de manière positive et apportent leur contribution à la mise au point de cet instrument.

Alfred de Zayas, expert américain indépendant pour l’ONU, affirme simplement, dans son rapport sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, que l’autoréglementation ne fonctionne jamais, que les principes volontaires permettant de guider les entreprises nationales ont une limite et que, par conséquent, des normes contraignantes sont nécessaires, assorties de contrôles nationaux et internationaux.

Si ce traité contraignant voit le jour et qu’il ne se retrouve pas dilué dans un consensus stérile, son existence même aura des effets préventifs sur les violations des normes, dans la mesure où le traité comportera des dispositions prévoyant le contrôle, l’enquête sur les comportements ainsi que la réparation et l’indemnisation effectives des personnes qui seraient victimes de mauvaises pratiques des entreprises. En outre, l’autorité ou le mécanisme prévu qui établira l’existence d’une violation des droits humains devra avoir une capacité extraterritoriale pour pouvoir juger de telles conduites, indépendamment du lieu où se sont produits les faits ou du siège de l’entreprise transnationale. Le traité offrira un accès à la justice, définira les règles du commerce international et permettra de réglementer la mondialisation.

María Fernanda Espinoza Garcés, ambassadrice permanente de l’Équateur à l’ONU à Genève, présidente-rapporteuse du groupe de travail sur le traité international contraignant concernant les entreprises transnationales.