Résultats de la 3e Conférence sur le financement du développement, Addis-Abeba, 13-16 juillet 2015

Par Paola Simonetti, Coordinatrice du RSCD

La 3e Conférence sur le financement du développement (FdD3) s’est conclue avec l’adoption du Programme d’action d’Addis-Abeba (PAAA). Les syndicats ont été engagés depuis le début dans le processus de Financement du développement (FdD), qui aborde divers enjeux cruciaux pour l’agenda syndical pour le développement.

La délégation syndicale était dirigée par le secrétaire général adjoint de la CSI, Wellington Chibebe, et était composée de Maresa Le Roux (CGSLB, Belgique), Caroline Khamati Mugala (EATUC, Tanzanie), Hilma Mote, Kouglo Lawson Body et Joel Akhator Odigie de la CSI-Afrique, Marita González (CGT, Argentine), Giulia Massobrio (CSA), Rekson Silaban (KSBSI, Indonésie), Haridasan Parayarikkal (CSI-AP), Julius Cainglet (FFW, Philippines) et Paola Simonetti, Matt Simonds, Georgios Altintzis et Joan Lanfranco, du RSCD-CSI. Étaient également présentes à Addis-Abeba les fédérations syndicales internationales du groupement Global Unions. Pour l’ISP : La secrétaire générale Rosa Pavanelli et la directrice de campagnes Sandra Vermuyten, ainsi que le secrétaire général de l’organisation régionale interaméricaine, Jocelio Drummond. L’Internationale de l’éducation (IE) était représentée par Antonia Wulff.

© Julius Cainglet

 
La délégation syndicale a apporté d’importantes contributions durant le Forum des OSC, 10-12 juillet, dont la déclaration finale reflète les principales priorités syndicales, de même qu’au cours de la conférence officielle et, plus spécifiquement, au cours des nombreux événements parallèles et tables rondes qui ont abordé un large éventail de questions : Financement privé, commerce, taxation, problèmes systémiques et ressources intérieures, entre autres.

Grâce à notre engagement, les positions du mouvement syndical ont acquis de la visibilité auprès des institutions publiques de haut niveau et des acteurs de la société civile. En particulier, nos revendications concernant le travail décent, la protection sociale, le dialogue social et la responsabilité des entreprises ont été mises en exergue dans le cadre plus large des demandes de la société civile.

Un programme peu ambitieux

Malheureusement, le texte du PAAA déçoit fortement par l’absence d’engagements et de modalités d’application concrètes. Le « fil rouge » qui court tout au long du texte parait centré sur l’importance primaire de l’investissement direct étranger (IDE) et de ses modalités de soutien, au lieu de s’attaquer à la question de savoir « comment » promouvoir des approches d’industrialisation durables et des politiques d’emploi basées sur le travail décent et la création d’emploi.

La position non critique vis-à-vis des mécanismes de financement innovants tels que les « financements mixtes » et les « partenariats public-privé (PPP) » vient corroborer cette approche. Qui plus est, le PAAA fait abstraction de l’inégalité au sein des pays et entre ceux-ci, ce qui contraste nettement avec la reconnaissance accrue de l’étendue de ce problème, y compris l’insertion d’un objectif sur l’inégalité dans le Programme pour l’après-2015. Enfin, le Programme d’action d’Addis-Abeba (PAAA) accomplit très peu en termes d’engagements identifiables et concrets, notamment eu égard aux questions commerciales et systémiques.

À lire, la Réaction syndicale au document final de la FdD3. Versión en español. English version.

À lire également, la réponse de ISP.

À lire également, la réponse des OSC au PAAA FdD3.

Les dernières questions controversées qui ont été sujettes à des négociations « in extremis » étaient les suivantes :

  • Premièrement, le principe des « responsabilités communes mais différenciées » (RCD) toujours soutenu par le G77 et désormais uniquement inclus en référence au changement climatique (§ 59). Dans tous les cas, les RCD sont déjà inclues dans le projet définitif de la déclaration finale sur les ODD ;
  • Deuxièmement, la demande d’une instance fiscale internationale, soutenue par l’Inde et le Brésil. Celle-ci constituait la principale demande de la communauté des OSC, qui a consacré le plus clair de ses efforts à faire pression sur les gouvernements du G77 (qui ont même fini par se diviser sur cette question), afin qu’ils ne renoncent pas et maintiennent cette demande comme le fil rouge d’un accord éventuel. Enfin, le compromis du PAAA prévoit que les membres du « Comité d’experts sur la coopération internationale en matière fiscale » seront nommés par les gouvernements, qu’ils « agiront en leur qualité d’experts » et refléteront « le principe d’une répartition géographique équitable afin que différents systèmes fiscaux soient représentés» (§ 29) ;
  • Troisièmement, la demande d’un « processus de suivi » du Programme d’action, qui a, encore une fois, été soutenu par les pays en développement principalement. Celle-ci a finalement été retenue. Le PAAA appelle à la tenue d’un Forum ECOSOC annuel sur le financement du développement qui durera « au maximum » cinq jours et aura pour but de générer « des conclusions et des recommandations arrêtées », lesquelles serviront à leur tour à alimenter le Forum politique de haut niveau.

Toutefois, l’espace de ce forum devra désormais être partagé par le programme FDD avec les moyens de mise en œuvre pour le programme de l’après-2015. À noter aussi que « les délibérations du Forum pour la coopération en matière de développement seront prises en considération, conformément à son mandat » (§ 132).

Quels sont les gains ?

Nonobstant la faiblesse globale des résultats du PAAA, nous relèverons certains points spécifiques qui revêtent une importance cruciale pour les syndicats. Ceux-ci sont :

  • • La question de « la protection sociale et la prestation de services publics essentiels pour tous», identifiée comme l’une des sept questions transversales-clés pertinentes à la fois au programme de développement durable de l’après-2015 et au FdD, et où des synergies peuvent être explorées. Le PAAA prévoit un engagement envers des « systèmes et des mesures de protection sociale pour tous, viables sur le plan budgétaire et adaptés aux contextes nationaux, y compris des socles de protection sociale » et prône un soutien international fort, notamment à travers l’exploration de « modalités cohérentes de financement qui permettent de mobiliser des ressources additionnelles, en nous appuyant sur l’expérience des pays » (§12) ;
  • • « Assurer un plein emploi productif et un travail décent pour tous », y compris la promotion des micro-entreprises et des petites et moyennes entreprises, figurent également au nombre des sept questions transversales. Il convient de relever comme un engagement très positif, celui d’élaborer et mettre en œuvre, avant la fin de 2020, une stratégie globale en faveur de l’emploi des jeunes et, d’autre part, de mettre en application le Pacte mondial pour l’emploi de l’Organisation internationale du Travail » (§16) ;
  • • Bien qu’il soit regrettable que les liens importants entre le travail décent, les systèmes de protection sociale et la mobilisation des ressources nationales n’aient pas été reconnus (y compris la référence à la Convention 102 et à la Recommandation 202 de l’OIT), le fait que ceux-ci aient été inclus parmi les 7 questions transversales peut déjà être considéré comme un accomplissement. La formulation est clairement plus forte que dans les déclarations antérieures (Monterrey et Doha) et s’accorde avec la cible 1.3 des ODD.

Enfin, si le §37 fait directement référence aux normes du travail de l’OIT lorsqu’il est fait allusion à un « secteur des entreprises dynamiques et fonctionnelles », malheureusement, il est aussi signalé dans le même paragraphe que les pays décideront « du juste équilibre à trouver entre les directives volontaires et les règles obligatoires ». Il commence donc par énoncer quelque chose de positif mais se contredit ensuite du point de vue des engagements obligatoires.
Lectures complémentaires

Lectures complémentaires

Galeries photo :

Mises à jour du RSCD sur la FdD3 d’Addis-Abeba :

Blog du TUC "World conference on funding development: much ado about little"

Déclarations des OSC :