La qualité des emplois et la négociation collective doivent être au cœur des préoccupations du FMI et de la Banque mondiale

photo: Stefani Reynolds AFP

Les réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale se sont déroulées dans le contexte très sombre de la guerre et de la pandémie.

Face au délitement du monde du travail et de la coopération multilatérale, les syndicats appellent les Institutions financières internationales (IFI) à adopter une approche globale de la reconstruction, avec des politiques qui promeuvent la négociation collective, des syndicats forts et des emplois de qualité qui contribuent au développement d’une économie mondiale saine, solidaire et durable.

Le FMI a revu à la baisse ses prévisions pour la croissance économique mondiale et prévoit que, jusqu’en 2024, les niveaux d’emplois dans le monde resteront inférieurs à ceux enregistrés avant la pandémie.

La pandémie a précipité des millions de personnes dans la pauvreté et a conduit à des pertes d’emplois massives, ainsi qu’à des situations de famine – le pire restant à venir, à l’heure où l’invasion russe de l’Ukraine se répercute sur les marchés mondiaux de l’alimentation et de l’énergie.

Gangrené par des années de politiques inefficaces, le multilatéralisme s’est trouvé affaibli face à la pandémie de COVID-19 et a donné lieu à une accentuation des inégalités au sein des pays et entre eux, laissant des millions de travailleurs livrés à eux-mêmes. Aujourd’hui, l’agression russe a affaibli davantage encore un ordre économique multilatéral déjà fragilisé, incapable de faire preuve de solidarité et de coordination à l’échelle nécessaire, aucun consensus n’ayant pu être dégagé lors des réunions essentielles qui ont eu lieu cette semaine.

Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI, a déclaré : « Plusieurs initiatives positives sont à retenir de la part des IFI, notamment l’aide à l’Ukraine et aux pays voisins, la lutte contre la faim et la COVID-19 et l’allocation historique des droits de tirage spéciaux du FMI ».

« Le nouveau Fonds du FMI pour la résilience et la durabilité redirigera ces droits de tirage spéciaux vers les pays émergents et en développement, afin de les aider à faire face aux crises climatiques et sanitaires futures. Pour y arriver, toutes les opérations des IFI doivent être alignées directement sur l’Objectif de développement durable 8, notamment en ce qui concerne le plein emploi, le dialogue social et les droits du travail – autant de leviers qui permettent de promouvoir la paix et la prospérité à partir de la base. »

Réduire les inégalités

Dans une déclaration dédiée aux réunions de printemps, le groupement Global Unions dénonce une tentative de redonner vie au tristement célèbre indicateur « travail » de l’indice Doing Business désormais rebaptisé Rapport Business Enabling Environment. La communauté syndicale internationale appelle les IFI à s’appuyer sur les études montrant que les syndicats, la négociation collective et une réglementation du travail équilibrée contribuent à réduire les inégalités.

Les réunions précédentes des IFI ont mis en garde contre les dangers d’une reprise polarisée, où les pays émergents et en développement se trouveraient dans l’incapacité d’assurer leur relance fiscale. Aujourd’hui, les pressions inflationnistes dues aux perturbations dans les chaînes d’approvisionnement engendrées par la COVID-19 et la guerre en Ukraine pourraient amener les banques centrales à relever trop vite leurs taux d’intérêt et les gouvernements à suspendre leur aide budgétaire malgré les nouvelles situations de crise que traversent actuellement les travailleurs et leurs familles.

De nouvelles mesures d’austérité et des politiques monétaires trop restrictives élimineraient toute possibilité de reprise de l’économie et de l’emploi, et placeraient les pays en développement endettés dans une situation insoutenable. On observerait alors une augmentation des montants du service de la dette, qui réduirait d’autant la protection sociale, la relance fiscale, la réponse à la crise et l’investissement public destiné à créer des emplois et à les protéger.

En l’absence d’un mécanisme international contraignant pour renégocier la dette souveraine et d’un instrument international tel que le Fonds mondial pour la protection sociale, les pays en développement n’auront que peu d’options.

Solutions pour la reconstruction

Le premier élément constitutif du Groupe de la Banque mondiale a été créé en 1944, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La mission de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement consistait à « encourager les investissements internationaux pour le développement des ressources productives des membres afin d’accroître leur productivité et d’améliorer les conditions de vie et de travail au sein de leurs territoires ».

« Aujourd’hui, les solutions sont prêtes pour assurer la reconstruction et le développement, et offrir aux travailleurs de meilleures conditions de vie. Les IFI doivent prendre des mesures audacieuses pour promouvoir et respecter la négociation collective, garantir de meilleurs salaires et mettre en place une politique industrielle durable. »

Le dialogue social doit présider à l’élaboration des programmes et stratégies de prêts, notamment en ce qui concerne la transition juste et l’emploi. Cela profitera à la paix, à la croissance économique durable et à la stabilité, et permettra de lutter contre la recrudescence dramatique des inégalités et de la pauvreté et la diminution de la part de revenus des travailleurs.

En conclusion, Sharan Burrow souligne : « Les initiatives visant à encourager la libéralisation du marché du travail, telles que proposées dans le rapport Business Enabling Environment de la Banque mondiale, vont dans la mauvaise direction. Il est urgent de réformer et de reconstruire le multilatéralisme et de créer un nouveau contrat social ensemble. »