Gros plan sur Miguel Zayas Martínez (CNT – Paraguay)

« Nous coopérons avec nos partenaires brésiliens pour mieux défendre les migrant(e)s »

Dans le cadre de la politique globale de la CSI en faveur des droits des migrants, un nouveau projet de coopération syndicale bilatérale réunit les affiliés de la CSI au Brésil (UGT, CUT et Força Sindical) et au Paraguay (CUT-A, CNT) en faveur d’une vie et un emploi décent pour les migrant(e)s. Miguel Zayas Martínez, secrétaire général de la CNT, expose les premières activités concrètes menées dans le cadre de ce projet ainsi que les pistes d’action syndicale dégagées pour les mois à venir.

Quels sont les grands axes de travail de ce projet syndical bilatéral « Vie et travail décent pour les travailleurs et travailleuses migrants au Paraguay et au Brésil » ?

Avec le soutien de la CSI et d’autres partenaires comme LO-TCO (Suède), ce projet nous permet vraiment de promouvoir l’emploi digne et décent pour les travailleurs et travailleuses migrants de plus en plus nombreux dans nos pays respectifs, et dans l’Amérique latine dans son ensemble. Chaque centrale se dote dans son programme de travail d’un volet sur les migrants bien défini comme étant prioritaire pour nos organisations syndicales nationales et dans la région.
La migration est en constante augmentation dans nos pays, et un pourcentage élevé des migrants sont des femmes qui, en quittant leur lieu d’origine, s’exposent à de multiples violations de leurs droits. C’est pourquoi le défi à relever par les centrales syndicales est important : il faut sensibiliser, faire en sorte que les camarades migrant(e)s connaissent leurs droits grâce à un renforcement des capacités et à un suivi plus rapproché. L’on sait que les migrant(e)s ne connaissent presque jamais la législation du travail du pays d’accueil, et ne savent pas non plus vers qui se tourner en cas de problèmes. Les centrales syndicales partenaires dans ce projet veulent répondre à cette situation.
Nous sommes conscients qu’il convient de traiter cette réalité en agissant sur plusieurs fronts à la fois, à l’échelon des groupes professionnels, des gouvernements, des entreprises, etc. On ne peut obtenir aucune avancée, dans aucun domaine, sans une coopération et des alliances stratégiques entre partenaires sociaux, société civile et instances gouvernementales. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut tenter d’atteindre les objectifs que nous, travailleurs, poursuivons en faveur des plus vulnérables. L’éducation, la sensibilisation et la syndicalisation des travailleurs concernés sont essentielles.

Dans quelle mesure avez-vous pu atteindre les groupes ciblés ?

Grâce à l’engagement solidaire mis en pratique à l’échelon national entre la CUT-A et la CNT Paraguay, comme avec nos collègues brésiliens de l’UGT, CUT et Força Sindical, nous avons pu mettre nos forces en commun pour mieux détecter les camarades migrants, hommes ou femmes, travaillant dans différentes régions. Nous travaillons maintenant à les aider à s’organiser, en particulier dans la zone frontalière entre nos deux pays.

Par exemple, dans la région de Ciudad del Este(Paraguay), des travailleurs migrants, essentiellement des travailleuses migrantes, traversent tous les jours la frontière illégalement, en grand nombre, pour travailler dans cette ville, et le soir ils retournent de l’autre côté de la frontière pour se rendre dans la « ville-dortoir » de Foz do Iguaçu au Brésil. L’on a essayé à plusieurs reprises de constituer une organisation avec ces travailleurs/euses pour qu’ils puissent se doter d’un outil de défense de leurs droits. Grâce à la mise en œuvre de ce projet, nous avons eu l’occasion de beaucoup apprendre au sujet des expériences vécues tant par les camarades dirigeants des centrales syndicales que par les migrant(e)s eux-mêmes, notamment l’expérience des camarades faisant partie de l’association des migrants paraguayens au Brésil, qui s’appelle Japayke.

Quels sont les obstacles principaux?

La première difficulté que nous devons surmonter, relative à la direction du projet, est la nécessité d’améliorer les flux de communication et d’information.
Le faible intérêt des autorités nationales quant à l’élaboration de propositions visant à formuler une politique pour ce secteur est un autre obstacle. Au Paraguay, le lancement de notre projet a clairement eu une incidence sur l’attention que portent les institutions publiques du Paraguay à cette question, nous devons poursuivre sur cette voie.

Une autre difficulté qui nous freine vient des entreprises, du fait qu’elles ne comprennent pas et ne respectent ni la législation du travail, ni les Conventions des organismes internationaux tels que l’OIT. Ces outils juridiques sont pourtant fondamentaux.

Par ailleurs, nous avons remarqué la difficulté et parfois le manque de motivation des migrant(e)s à se constituer en organisations. Ils ont leurs raisons, notamment le fait d’être sans papiers dans le pays d’accueil. Nous travaillons pour leur faire comprendre que se regrouper et adhérer aux centrales syndicales permettra de mieux défendre leurs revendications au travail ainsi que leurs droits humains. Nous voyons avec un grand espoir la possibilité d’un appui renforcé afin de parvenir à une meilleure coordination au sein des migrants eux-mêmes, ainsi que la possibilité de constituer finalement une organisation dans ce secteur ce qui nous permettra d’œuvrer à la garantie des droits humains de nos camarades migrant(e)s.

Quels ont été les premières étapes marquantes de votre travail commun ?

En mai, nous nous sommes réunis à Asunción (Paraguay) pour signer notre accord de coopération syndicale bilatérale, stipulant les activités qui devront être réalisées dans les deux pays pour faire démarrer officiellement le programme de travail.

Dans le cadre de ces activités, le premier événement a eu lieu dans la ville de Sao Paolo au Brésil, les 23 et 24 juillet 2010 (2). Les camarades Miguel Zayas Martínez, secrétaire général de la CNT, et Víctor Ferreira, secrétaire général de la CUT-A, ont pris part à cette activité, à l’occasion de laquelle l’on a pu recueillir une expérience précieuse de ressortissants paraguayens au Brésil, regroupés au sein d’une association appelée Japayke.

La deuxième activité a été un séminaire-atelier, qui s’est tenu dans la ville d’Asunción au Paraguay les 13 et 14 août 2010, avec la participation de leaders syndicaux des centrales paraguayennes et brésiliennes, des représentants de la CSA, du BIT, ainsi que des représentants des ministères en charge de l’Emploi et des questions relatives aux migrant(e)s. Cet événement s’inscrivait dans le cadre du IVe Forum social des Amériques. Ce fut l’occasion d’écouter des témoignages concrets. Comme celui de Sonia Martins, avocate, qui a présenté son propre témoignage en tant que migrante brésilienne au Paraguay. Elle a décrit les difficultés rencontrées dans les domaines économique et du travail. Elle a abordé également son activité de militante au niveau national, pour le Syndicat national du commerce affilié à la CNT, qui l’a aidée et a contribué à faire entendre des revendications syndicales et sociales. Ses propres études universitaires ont également eu une incidence positive puisqu’aujourd’hui elle propose ses services professionnels aux travailleurs, en particulier aux migrants. Le débat de conclusion entre tous les participants syndicaux a permis de dégager les actions concrètes à mener d’ici la fin de cette année.

Quelles sont ces activités que vous allez mener ?

Nous avons décidé d’organiser des séminaires au niveau frontalier permettant d’avoir des échanges avec les travailleurs migrants, de mettre en place des mécanismes de recherche faisant intervenir des migrants brésiliens et paraguayens, de réaliser des enquêtes et des recensements auprès des travailleurs/euses migrant(e)s, de mener une campagne sur le 20e anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les travailleurs migrants et leurs familles, de faire le suivi de la campagne sur l’amnistie au Brésil et du projet de loi d’amnistie au Paraguay. Très important est aussi notre volonté de créer un Centre d’appui aux migrants dans les centrales syndicales afin que ces derniers disposent d’un lieu où obtenir des informations et un accompagnement dans la recherche d’une solution à leur problème.

Propos recueillis par Natacha David.

(1)Cet accord syndical bilatéral entre les centrales syndicales du Paraguay et Brésil s’ajoute aux accords de coopération déjà soutenus par la CSI (avec également le soutien de LO-TCO-Suède et du TUC-Royaume Uni) entre le Costa-Rica et le Nicaragua, entre la Mauritanie et le Sénégal, entre l’Inde et le Bahreïn, ainsi qu’entre l’Indonésie et la Malaisie.

(2)Voir l’interview vidéo Maria Susi Clea (Asis/Força Sindical- Brésil)

Intervenant lors de l’atelier qui s’est tenu à Sao Paolo en juillet dernier, Maria Susi Clea décrit l’importance pour le secteur textile au Brésil des migrant(e)s du Paraguay et la précarité extrême qui les frappe. Elle leur lance un message de solidarité, leur disant comment le syndicat peut les aider, et en particulier le syndicat très actif des couturières.