Gros Plan sur Daniela Alexieva (Bulgarie-CITUB)

« Donner une chance aux jeunes! »

Supporter les structures spécifiques aux jeunes et mieux les intégrer, c’est aussi aider la cause des femmes au sein du mouvement syndical, explique Daniela Alexieva, Présidente du Comité des Jeunes du CRPE(1), qui espère une coopération plus étroite entre le comité des femmes et le comité des jeunes de la CSI.

Dans la région européenne, quel est l’impact de la crise sur les travailleuses, et en particulier sur les jeunes travailleuses?

Les femmes et les jeunes sont les catégories les plus vulnérables touchées en premier par la crise. Les jeunes ont deux à trois fois plus de risques de se retrouver au chômage, et en particulier les jeunes femmes. Surtout celles qui travaillent dans l’économie informelle. Les femmes occupent souvent des emplois moins qualifiés, à moindre responsabilité, et moins payés. Ce sont ces emplois qui sont les premiers à passer à la trappe quand un employeur veut diminuer son personnel. C’est un paradoxe car si les femmes occupent souvent ces emplois plus précaires, ce sont pourtant aussi les femmes qui ont un meilleur niveau d’éducation dans la région européenne.

Quelles réponses les syndicats peuvent-ils apporter à cette crise?

Partout en Europe, avec la crise, le travail informel est en expansion. Les syndicats cherchent à les rendre plus visibles et à les aider à s’organiser. En Bulgarie par exemple avec mon organisation syndicale CITUB (2), on négocie avec les employeurs et avec le gouvernement pour augmenter la visibilité et la protection de ces emplois, dans l’intérêt des travailleurs comme des employeurs.

Les migrants sont aussi une catégorie de travailleurs affectés par la crise. Beaucoup de femmes bulgares partent travailler à l’étranger, très souvent pour occuper des emplois informels, par exemple dans les secteurs de la garde d’enfants ou du nettoyage à domicile qui ne sont pas protégés. A cause de la crise, beaucoup de migrants qui étaient partis dans des pays comme l’Espagne, l’Italie et la Grèce, reviennent maintenant en Bulgarie mais il n’y a pas d’emplois suffisants pour eux.

Réfléchir à ce que les syndicats peuvent faire face à la crise, ce n’est pas seulement se poser la question de savoir quoi faire maintenant, mais aussi que devra-t-on faire au lendemain de cette crise.

Depuis juillet 2009, vous êtes la présidente du Comité des Jeunes du CRPE, quelles sont les priorités pour la jeunesse dans votre région européenne?

C’est une priorité de renforcer le travail en réseau avec la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Confédération européenne des syndicats (CES). Nous devons aussi développer des campagnes et projets pour encourager la participation des jeunes dans les syndicats. La première étape, c’est d’approfondir l’analyse des besoins réels des Jeunes travailleurs et travailleuses en Europe car nous manquons d’informations. La seconde étape, c’est de développer des campagnes en faveur du travail décent et d’un meilleur futur en s’appuyant sur un travail qui englobe vraiment l’ensemble des jeunes à travers l’Europe.

L’échange des bonnes pratiques est fondamental. Par exemple, les syndicats de pays comme la Belgique ou l’Espagne ont une expérience très intéressante en termes d’organisation syndicale des jeunes. A l’inverse, il faut aussi tirer les leçons des mauvaises pratiques!

En Europe, le défi démographique est une question majeure. Sur base de la chute des taux de natalité et du vieillissement de la population dans la région européenne, nous devons approfondir la question de la solidarité des jeunes envers les personnes plus âgées.

En tant que jeune femme, avez-vous été soutenue ou au contraire freinée au sein de votre organisation syndicale?

Au niveau de mon syndicat national, je me suis sentie soutenue pour avancer. Mais en général, au niveau européen, le soutien est là au niveau des discours mais quand il s’agit de le concrétiser, on ne donne pas de moyens suffisants aux jeunes. Tant au niveau national en Bulgarie qu’au niveau européen, je n’ai pas ressenti de différence liée au fait que je sois une femme. Mais j’ai entendu en Europe des récits de jeunes femmes brillantes dans les syndicats dont l’ascension a suscité des jalousies qui leur ont valu d’être écartées.

Qu’attendez-vous des directions syndicales pour mieux soutenir les jeunes?

Il faut augmenter la participation des jeunes dans les organes de décision des syndicats, mais aussi au niveau des négociations collectives. Nombreux sont les jeunes qui ont un bon niveau d’éducation et la volonté de s’engager, il faut leur donner une chance ! Il faut arrêter de dire que les jeunes sont le futur sans concrètement leur donner un espace. IL faut établir des comités de jeunes dans les organisations syndicales qui n’en sont pas encore dotées. Ici à cette Conférence des femmes de la CSI, les jeunes femmes ne sont pas très nombreuses.

Avec 5 hommes et 4 femmes, le comité des jeunes du CEP affiche presque la parité en faveur des femmes au niveau éxécutif du comité. Les structures syndicales spécifiques aux jeunes sont-elles donc en avance sur le reste des structures syndicales en termes d’égalité des genres?

C’est vrai que les comités des jeunes sont souvent plus proches de la parité de genre que les autres structures, c’est une des raisons pour laquelle aider les structures pour les jeunes, c’est en même temps faire avancer la cause des femmes dans le mouvement syndical.

La parité dans l’accès aux formations de leadership est très importante. Par exemple, l’Institut Syndical Européen impose la parité parmi les participants à ses formations au leadership, c’est fondamental pour aider les jeunes femmes à obtenir des postes à responsabilités dans les syndicats.

Qu’attendez-vous de cette première Conférence mondiale des femmes de la CSI?

En réunissant 465 femmes du monde entier, cette Conférence est une excellente opportunité d’écouter diverses expériences et d’échanger des bonnes pratiques. Par exemple, en Afrique, les syndicats ont une plus longue expérience de l’organisation de l’informel, ça va être intéressant d’en apprendre plus.

Pour moi, il est essentiel de renforcer la coopération entre le comité des femmes de la CSI et le comité des jeunes. Tout seul, on ne peut rien faire ! C’est essentiel pour avancer sur l’organisation des jeunes femmes de l’économie informelle et des populations migrantes. Il faut travailler ensemble, de même qu’il faut établir des collaborations avec les ONG qui nous sont proches.

Mais comment concrètement parvenir à organiser davantage de jeunes travailleuses?

Il faut aller directement à leur rencontre, de jeune travailleuse à jeune travailleuse. Comment les aider à être mieux protégées ? C’est leur première demande, elles veulent connaître leurs droits, par exemple pour la maternité. Le lieu de travail, les rencontres d’étudiants, les agences d’emploi, mais aussi les nouveaux outils de communication comme les blogs ou Facebook… il faut utiliser tous les moyens d’entrer en contact!

Propos recueillis par Natacha David


(1)Conseil régional paneuropéen (CRPE)

(2) Confédération des syndicats indépendants en Bulgarie (CITUB).

(3) Sur le thème "Un travail décent, une vie décente pour les femmes", la première Conférence mondiale des Femmes de la CSI réunit du 19 au 21 octobre à Bruxelles plus de 460 déléguées venues de plus de 100 pays. Elles analyseront l’incidence de la crise mondiale de l’emploi sur les femmes et traceront les grandes lignes de l’action syndicale internationale visant à renforcer la sécurité d’emploi des femmes, à revoir leurs salaires et à améliorer leurs conditions. Plus d’information sur le site de la CSI (photos et interviews).

- Voir aussi le site internet du projet « Decisions for Life » (Décisions pour la vie) , qui couvre 14 pays en développement et en transition et huit secteurs d’activités.

- Photos de la Conférence