Communiqué de presse: Amériques: impunité et climat de terreur pour les syndicalistes

Le constat établi par le rapport 2011 de la CSI des violations des droits syndicaux dans les Amériques est sans appel. La situation des syndicalistes est loin de s’améliorer et l’impunité est toujours d’actualité pour les responsables des violations des droits syndicaux. Le continent américain est toujours le plus dangereux pour les syndicalistes, notamment en Colombie où 49 d’entre eux ont perdu la vie en 2010.

Les pratiques antisyndicales se normalisent, notamment en raison de la faible protection des droits syndicaux par les gouvernements et les tribunaux. Les attitudes visant à contourner les droits syndicaux se développent: solidarisme (établissements d’associations dépendantes de la direction) au Salvador, en Équateur ou au Costa Rica; contrats de protection (faux accords collectifs créés par le patronat) au Mexique; ou encore le recours à la main-d’œuvre temporaire en Colombie ou au Honduras.

Les tactiques utilisées par les employeurs pour réprimer les activités syndicales, telles que la création de syndicats, la négociation collective ou le recours à la grève, sont multiples: licenciements arbitraires, discrimination et campagnes antisyndicales. Au Venezuela, de nombreux travailleurs ont perdu leur emploi pour avoir participé à des activités syndicales. La négociation collective, en raison de l’absence de mesures législatives contraignantes, est quasiment inexistante dans de nombreux pays.

Depuis des années, le continent américain est réputé pour sa dangerosité en qui concerne l’exercice des droits syndicaux. Si les assassinats y sont légion, principalement en Colombie, au Guatemala (10), au Panama (6), au Brésil (3) et au Honduras (3), il y a eu également un nombre impressionnant d’enlèvements (plus d’une centaine), de menaces de mort, d’attaques et de violations de domicile. Plus d’un millier de travailleurs ont été agressés lors de manifestations et environ 300 licenciés. En Colombie, 20 cas d’attentats ou de tentatives de meurtre ont été recensés, en particulier contre des adhérents des syndicats du secteur minier. Même si la crise économique et financière a eu, en Amérique latine, de profondes répercussions sur l’économie, le rapport dénonce l’attitude de nombreux gouvernements qui utilisent le prétexte de la crise pour saper les droits syndicaux et les droits des travailleurs.

Plus de 55% des assassinats en raison de l’exercice d’activités syndicales dans le monde ont lieu en Colombie, le pays le plus dangereux au monde pour les syndicalistes. Malgré le vote de nouvelles lois visant à renforcer la protection contre la discrimination antisyndicale et l’ingérence dans les affaires syndicales, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire. L’impunité dont jouissent les auteurs et les commanditaires de ces violations rend les persécutions systématiques et empêche l’éradication du climat antisyndical.

L’Amérique centrale n’est pas en reste: au Panama, plus de 700 personnes ont été blessées, une centaine arrêtées et 6 tuées lors de la répression brutale des manifestations contre la loi Chorizo.

Le Guatemala est en passe de rattraper la Colombie en termes de dangerosité. Outre la culture antisyndicale développée par les employeurs et tolérée par les autorités, on peut parler pratiquement de chasse à l’homme pour les syndicalistes. Assassinats, menaces de mort et détentions sont devenus monnaie courante. Les organisations syndicales sont systématiquement victimes de campagnes de dénigrement et d’exclusion des espaces du dialogue social. Au Honduras, les tensions n’ont jamais été aussi vives depuis le coup d’État de 2009. La violence et le climat antisyndical se sont installés. Les menaces et les attentats contre des membres du Front de résistance, dont des dirigeants d’organisations syndicales et de mouvements populaires, ont été fréquents et trois syndicalistes ont été assassinés.

Au Bélize, au Costa Rica, au Honduras ou au Salvador, il est rare que les droits syndicaux soient respectés ou même octroyés au sein des zones franches d’exportation et les gouvernements de ces pays ne font rien pour garantir leur application. La sous-traitance et l’externalisation à des sociétés tierces demeurent une entrave majeure à la syndicalisation et à la négociation collective.

Au rayon des notes positives, malgré la position antisyndicale de la compagnie DHL dans la région, le Sindicato de Empleados de Líneas Aéras de Panamá (SIELAS) a réussi à négocier une convention collective au nom du personnel.
Le rapport 2011 de la CSI insiste sur le fait que la tendance en Amérique est clairement à l’opposition à la syndicalisation. Aux États-Unis, il est légal pour les employeurs de faire des campagnes de dissuasion et d’intimidation qui empêchent les travailleurs d’exercer pleinement leurs droits syndicaux. Fin 2010, la loi sur le libre choix de l’employé (Free Choice Act) a été quasiment enterrée avec la victoire des républicains au sein de la Chambre des représentants. Au Canada, les syndicats ont introduit des plaintes à l’OIT suite au refus des gouvernements fédéral et provinciaux de modifier leur législation pour y inclure la notion de négociation collective. Tant aux États-Unis qu’au Canada, le recours aux briseurs de grève reste une pratique largement étendue.

« Le continent américain est le plus dangereux au monde pour les syndicalistes. Il est temps que ça change. La démocratie passe par le respect des droits syndicaux. Le syndicalisme est un contre-pouvoir légitime et nécessaire pour l’exercice de celle-ci » a déclaré Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI.

Lire le rapport complet