Busan: incorporation du concept du travail décent dans les textes officiels sur la coopération au développement

À l’issue du 4e Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, qui s’est tenu à Busan (Corée du Sud), du 29 novembre au 1er décembre, et auquel a participé l’USO-Sotermun, nous pouvons désormais examiner les avancées, les nouveaux défis ainsi que les autres éléments abordés ou omis dans le texte de la déclaration finale.

Article de Santiago GONZÁLEZ, Area Internacional - USO

La Conférence de Busan s’appuie sur la poursuite du travail d’institutionnalisation à l’échelle mondiale de l’efficacité de l’aide au développement. Cette Conférence fait suite à la Déclaration de Paris et au Programme d’action d’Accra qui établissent les principes sur lesquels doit se baser l’aide au développement afin de renforcer son efficacité et de garantir la gouvernance nécessaire pour obtenir de bons résultats en la matière. L’OCDE, le club des pays riches et donateurs, joue clairement un rôle de premier plan, progressivement amoindri par l’incorporation de nouveaux acteurs, pays non membres de cette organisation mais qui en font partie en tant que donateurs, notamment les pays émergents et d’autres agents du développement, dont la société civile. Les organisations de la société civile (OSC), regroupées au sein de la plateforme BetterAid, dont font également partie les syndicats, sont reconnues comme protagonistes et acteurs du développement depuis Accra et ont été représentées dans les discussions et la rédaction de cette dernière Déclaration de Busan, conjointement avec les gouvernements et d’autres agences.

Parmi les éléments clefs dans la Déclaration de Busan, qui comporte 35 paragraphes, figurent la reconnaissance du « secteur privé » (qui doit s’entendre au sens large) dans le développement et sa capacité de gestion du développement, ainsi que la politique de développement à deux vitesses, compte tenu d’un paragraphe qui souligne l’approche volontaire de l’application des principes jusqu’ici approuvés dans le cadre de la coopération Sud-Sud, acceptant l’approche de la Chine. Elle appelle au respect des Objectifs du millénaire mais ne mentionne pas, même pas pour des raisons esthétiques, le respect de l’engagement pris par les pays riches de consacrer 0,7% de leur revenu national à l’aide au développement.

En ce qui concerne l’inclusion du secteur privé, il existe le risque que la croissance et le développement soient confondus ou que les intérêts d’un certain secteur privé deviennent prioritaires par rapport aux intérêts établis par l’État ou la société civile. Ce thème d’incorporation du secteur privé dans le système de l’aide au développement a été fermement promu par les États, pour de nombreuses raisons pratiques et idéologiques. L’Espagne, entre autres, a souscrit une déclaration parallèle soutenant cette question tout en reconnaissant la nécessité de pallier la réduction de l’aide officielle au développement. Il été souligné que l’aide des États serait un catalyseur pour attirer les investissements privés.

Le dernier paragraphe se référant au secteur privé ainsi qu’un autre paragraphe relatif à la corruption n’ont pas été accueillis favorablement par la société civile ni les syndicats. Il a fait l’objet d’une discussion intergouvernementale sans possibilité d’intervention par les autres représentants. Il n’est fait aucune référence explicite au respect des normes de l’OIT ni au rôle des syndicats. L’OIT n’est même pas mentionnée dans un paragraphe faisant référence aux organismes de consultation et fournissant des statistiques, contrairement à la sempiternelle OCDE (tout comme le PNUD). Le paragraphe relatif à la corruption ne mentionne pas non plus les paradis fiscaux, mais fait référence à la lutte contre la fraude fiscale ou à la transparence des aides.

Parmi les points positifs, il convient de souligner l’incorporation du concept du « travail décent », qui n’est pas insignifiante. C’est une avancée significative dans la mesure où, bien que ses caractéristiques (liberté syndicale, dialogue social, négociation collective, prévoyance sociale, etc.) n’y soient pas mentionnées, sa simple intégration dans la déclaration et sa définition concrète, rédigée au sein de l’OIT et approuvée par les États, constitueront un indicateur de développement et permettront d’exiger son respect à l’ensemble des acteurs du développement.

En ce qui concerne l’approche volontaire du respect des principes de l’efficacité de l’aide, dans le cadre de la coopération Sud-Sud, elle pourrait avoir pour conséquence de permettre l’obtention d’appels d’offres ou d’aide liée ou la mise en œuvre de projets sans tenir compte de l’économie ni des PME locales, ni bien sûr le travail décent. La concession faite à la Chine (et au reste des pays) par les pays de l’OCDE, sans aucune position de premier plan de l’Europe, mine la capacité des pays et des sociétés bénéficiant de l’aide à la rendre plus équitable et conforme à leurs priorités ou à la responsabilisation.

Enfin, la Conférence de Busan a approfondi la discussion au-delà de Busan, en se penchant sur les dénommés Building Blocks (éléments constitutifs) qui constituent les piliers de futures politiques spécifiques (coopération Sud-Sud, situations de conflit et de fragilité, changement climatique, transparence, politiques et institutions efficaces, gestion de la diversité et réduction de la fragmentation, résultats et responsabilisation et secteur privé) et des indicateurs qui évaluent la réalité des politiques de développement. Les progrès accomplis dans tous ces domaines seront examinés en juin 2012.

Selon le secrétaire général adjoint de la CSI, Wellington Chibebe, qui a pris la parole lors de la séance du Forum sur les approches fondées sur les droits, « notre travail ne s’arrête pas là. Busan établit une bonne base mais le chemin à parcourir est encore long avant que les droits du travail et le travail décent ne soient efficacement garantis ». Le Réseau syndical de coopération au développement se réunira du 12 au 14 décembre à Florence, en vue d’évaluer les résultats de Busan et d’établir ses critères en ce qui concerne les politiques et les indicateurs spécifiques.

Enfin, il convient de souligner que l’un des discours d’ouverture de cette conférence a été prononcé par Paul Kagame, président du Rwanda. Son discours a été accueilli favorablement, étant donné que de bonnes pratiques de transparence sont mises en œuvre dans ce pays et qu’il avait été désigné représentant de l’Afrique. Toutefois, tout cela ne justifie pas sa position à la Conférence, en particulier compte tenu de son accusation de génocide et du mandat d’arrêt émis, du moins, par la justice espagnole.