Banque mondiale : Son propre Groupe d’évaluation critique vertement son rapport « Doing Business »

À la suite de la parution, jeudi passé, d’un rapport du Groupe d’évaluation indépendante (GEI) de la Banque mondiale fortement critique envers la dernière édition de la publication annuelle phare de l’institution financière, « Doing Business » (La pratique des affaires), la CSI a instamment demandé à la Banque de définitivement retirer le thème des normes du travail du mandat du projet « Doing Business ».

Bruxelles, le 16 juin 2008 : À la suite de la parution, jeudi passé, d’un rapport du Groupe d’évaluation indépendante (GEI) de la Banque mondiale fortement critique envers la dernière édition de la publication annuelle phare de l’institution financière, « Doing Business » (La pratique des affaires), la CSI a instamment demandé à la Banque de définitivement retirer le thème des normes du travail du mandat du projet « Doing Business ».

« Au vu des dommages que cause ce rapport aux protections des travailleurs partout dans le monde, la Banque mondiale devrait officiellement interdire à son personnel de se servir de « Doing Business » au moment de formuler des recommandations politiques relatives aux réformes du marché du travail dans des pays clients ou de déterminer l’accès aux fonds de la Banque », a déclaré Guy Ryder, Secrétaire général de la CSI.

Le rapport du GEI sur « Doing Business » n’a pas pu établir de liens entre le niveau de l’emploi de différents pays et le fameux indicateur Embauche des travailleurs, qui attribue la meilleure note aux pays qui ont le moins de règlements en matière de travail. D’autre part, le Groupe d’évaluation indépendante (GEI) note qu’un « nombre surprenant de petits États insulaires », qui ne disposent quasiment d’aucune réglementation du travail et dont certains ne sont même pas membres de l’Organisation internationale du Travail (OIT), sont en tête du classement établi par « Doing Business » en matière de législation du travail. Le GEI relève également que l’indicateur « Doing Business » Paiements des taxes et impôts, qui pénalise les pays qui prévoient une participation obligatoire des employeurs aux cotisations pour les retraites, les assurances accident, les indemnités de maternité, etc. semble attribuer de meilleures notes aux paradis fiscaux réputés.

Le personnel de la Banque mondiale se sert de ces indicateurs depuis la première parution de « Doing Business », en octobre 2003, qui conseillait aux pays en développement de se débarrasser de toute une série de réglementations, y compris celles qui assurent la protection de la main-d’œuvre, soi-disant pour rendre leurs économies plus accueillantes pour les affaires. Toutefois, le GEI n’a pu établir aucune relation entre l’indicateur général « Doing business » ou l’indicateur Embauche des travailleurs et une véritable amélioration des résultats économiques, comme une plus forte croissance, une augmentation des investissements ou des taux d’emploi.

En récompensant les pays avec le plus faible niveau de réglementation, « Doing Business » accorde souvent ses meilleures notes à des pays réputés pour leurs violations des droits des travailleurs, comme le Bélarus, la Géorgie et l’Arabie saoudite qui ont tous fortement restreint, voire interdit, les activités syndicales.

Outre sa demande d’arrêter immédiatement de se servir de l’indicateur « Doing Business » sur le travail dans ses analyses et ses documents de politique, la CSI a exhorté la Banque mondiale à lancer une enquête sur les raisons qui ont poussé ses services à recourir si fréquemment à cet indicateur en dépit d’avertissements répétés à propos de l’irrégularité de sa méthodologie qui pousse à récompenser des pays qui violent les droits des travailleurs.

Guy Ryder a envoyé un premier courrier au Président de la Banque mondiale en octobre 2003, quelques jours après la première parution de « Doing Business », le mettant en garde contre une éventuelle utilisation abusive de cette publication. La CSI a réitéré ses avertissements dans neuf autres déclarations envoyées aux présidents de la Banque mondiale de 2004 à 2008 et dans trois analyses détaillées, publiées en 2005, 2006 et 2007, qui révèlent de profondes irrégularités au niveau de la méthodologie de « Doing Business » et qui montrent que la publication a été utilisée dans des dizaines de documents de politique de la Banque et du Fonds monétaire international qui contiennent des recommandations à l’intention de pays précis, les incitant à déréglementer leur marché du travail. Dès 2007, l’OIT a publié des analyses similaires qui mettent en lumière les failles méthodologiques de la publication.

La Banque mondiale a choisi d’ignorer ces mises en garde et a préféré intégrer les indicateurs « Doing Business » à sa stratégie générale relative au marché du travail, formulée par le Réseau du développement humain, et à son indice d’évaluation des politiques et institutions nationales. Ce dernier permet à la Banque mondiale de déterminer le niveau général d’éligibilité des pays en développement pour accéder à l’aide de la Banque.

Le rapport complet sur « Doing Business » est accessible en ligne en anglais (122 pages) ou en français (130 pages) sur le site web du GEI

Vous pouvez également consulter la critique de la CSI la plus récente du rapport « Doing Business » ici (EN)


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