Dans le cadre de son élaboration, la CSI avait déjà contesté la méthodologie proposée de l’indice B-Ready, dans la mesure où elle promeut notamment un nivellement par le bas en matière de droits et de conditions de travail, ainsi que de protection sociale.
« Alors que les travailleurs et les travailleuses du monde entier subissent des représailles brutales pour avoir exercé leur droit de constituer un syndicat et d’améliorer leurs conditions de travail, il est très regrettable que la Banque mondiale classe les pays de manière à favoriser la concurrence, affaiblissant ainsi les normes du travail. Il n’y a aucun raccourci possible vers la consultation démocratique et le dialogue social sur les pratiques du marché du travail. Les réformes fondées sur une analyse aussi déséquilibrée seront, au mieux, erronées et, au pire, dangereuses », a déclaré Luc Triangle, secrétaire général de la CSI.
« Les politiques du travail ne sont pas de simples intrants, tels que les licences commerciales ou les raccordements aux services publics, et ne peuvent dès lors être classées de la même manière. Les syndicats du monde entier soutiennent que le travail n’est pas un thème approprié à prendre en compte dans l’indice B-Ready et devrait dès lors être supprimé ».
En outre, la CSI juge décevant le processus d’élaboration de l’indice. Malgré les demandes répétées des syndicats de collaborer avec la Banque en la matière ainsi que dans le cadre d’autres initiatives ayant des répercussions majeures pour les travailleurs, la Banque a poursuivi l’élaboration de l’indice en intégrant le thème du travail inapproprié, tout en ignorant les préoccupations des représentants démocratiques des travailleurs.
Parmi les principales lacunes de l’indice B-Ready, il convient de noter:
- une évaluation superficielle des droits et des libertés fondamentales des travailleurs: l’indice est basé sur des évaluations formelles des législations du travail, sans prendre en compte leur mise en œuvre pratique ou leur application. Cela permet à des pays affichant de mauvais résultats en termes de droits des travailleurs d’obtenir une note élevée, ce qui crée un écart important entre les notes du B-Ready et les conditions de travail réelles mesurées par des indices tels que l’Indice CSI des droits dans le monde. Les Philippines, qui font partie des dix pires pays au monde pour les travailleurs selon l’Indice de la CSI, figurent parmi les dix premiers pays selon la note en termes de travail attribuée dans l’indice B-Ready. Parmi les autres pays qui obtiennent les meilleurs résultats figurent l’Indonésie, la Hongrie, la Géorgie et le Viet Nam, qui sont tous des pays affichant un mauvais bilan en matière de droits des travailleurs. L’indice n’évalue pas correctement si les droits fondamentaux sont réellement appliqués ou sont exercés par les travailleurs, ce qui porte préjudice à sa crédibilité et encourage des réformes creuses;
- un affaiblissement de la protection sociale: en pénalisant les systèmes de protection sociale basés sur les cotisations, l’indice B-Ready favorise le passage irréaliste et potentiellement néfaste à des régimes financés par l’impôt. Cette approche ne tient pas compte des modèles mixtes utilisés avec succès dans de nombreux pays et pourrait creuser les écarts en matière de protection sociale, en particulier dans les pays à faible revenu;
- l’érosion du dialogue social et la promotion d’une flexibilité néfaste: selon l’indice, l’approche normative de la réglementation du travail, notamment la promotion d’un nombre illimité de contrats à durée déterminée et des salaires insuffisants, fragilise le rôle crucial de la négociation collective et des négociations tripartites dans l’élaboration de politiques du travail équitables. L’accent mis sur la réduction des « charges réglementaires » qui pèsent sur les entreprises débouche souvent sur des politiques visant à augmenter le travail précaire, à affaiblir la sécurité de l’emploi et à entraver la capacité des travailleurs et des travailleuses à s’organiser et à négocier collectivement. Cette approche risque de créer un nivellement par le bas en matière de normes du travail, ce qui va à l’encontre de l’objectif d’un développement inclusif.
L’indice B-Ready vient remplacer celui de l’ancien rapport discrédité Doing Business, qui a été abandonné en 2020 à la suite de lacunes graves concernant la méthodologie et les données et des nombreuses critiques exprimées par des milieux universitaires, des syndicats et des organisations de la société civile.