Guinée – la CSI appelle à la vigilance et envoie une mission syndicale internationale

La Confédération syndicale internationale (CSI) a salué ce Dimanche l’accord intervenu hier soir entre gouvernement et syndicats guinéens, qui a permis la suspension de la grève générale entamée le 10 janvier.


Bruxelles, 28 janvier 2007 : La Confédération syndicale internationale (CSI) a salué ce Dimanche l’accord intervenu hier soir entre gouvernement et syndicats guinéens, qui a permis la suspension de la grève générale entamée le 10 janvier. La CSI appelle maintenant à la vigilance quant à l’application de l’accord et confirme qu’elle mènera dès cette semaine une mission syndicale internationale de haut niveau en Guinée. Les premiers membres de cette mission, qui se poursuivra jusqu’au 2 février, arriveront ce soir à Conakry.

Outre le principe, acquis dès Vendredi, de la désignation d’un premier Ministre Chef du Gouvernement – revendication essentielle des syndicats - l’accord signé la nuit passée comporte de nombreux volets économiques et sociaux. Parmi ceux-ci, la baisse des prix du riz et du carburant, le blocage pendant un an de l’exportation des produits de première nécessité, le relèvement des pensions de retraite et le statut des enseignants. Un accord a été trouvé aussi sur le « strict respect du principe de la séparation des pouvoirs », l’indépendance de la Banque centrale (BCRG) et la poursuite de l’action judiciaire « contre tous les prédateurs de l’économie nationale ». Cette clause mentionne spécifiquement l’ancien « patron des patrons », Mamadou Sylla et Fodé Soumah, ancien ministre et vice-gouverneur de la BCRG. Leur libération de prison par le Président Lansana Conté en personne en décembre 2006 avait mis le feu aux poudres.

Par ailleurs, l’accord appelle aussi à la libération de toutes les personnes encore détenues suite à la grève générale et aux manifestations. De source syndicale, 13 personnes étaient toujours détenues hier soir à Conakry et de nombreuses autres pourraient encore l’être en province. Le document signé hier par le gouvernement, les partenaires sociaux et le Président de l’Assemblé nationale, agissant en tant que médiateur, prévoit aussi l’absence de toute répression envers les grévistes et la mise en place d’une commission d’enquête pour « retrouver et sanctionner les auteurs d’’exactions ».

Tout en recommandant la vigilance sur la mise en œuvre de cet accord, Guy Ryder, Secrétaire général de la CISL, s’est réjoui d’un processus qu’il a qualifié de « succès historique pour les syndicats guinéens, une véritable première dont le prestige rejaillit sur l’ensemble du mouvement syndical africain et mondial ». « L’accord conclu devra être rigoureusement mis en œuvre et respecté, vu le prix effroyable payé par les travailleurs et travailleuses de Guinée pour l’obtenir » a ajouté Guy Ryder. D’après un bilan constamment revu à la hausse, la répression de la grève générale et des manifestations qui l’ont accompagnée s’élève désormais à 59 morts, dont 49 personnes tuées lors de la seule journée du Lundi, 22 janvier, sans compter les nombreux blessés.

L’évaluation de cette répression, de ses conséquences et des besoins d’assistance qui en découlent sera une des tâches essentielles de la mission syndicale de haut niveau qui séjournera à Conakry du 30 janvier au 1er février. Conduite par le Secrétaire général de la CSI et comprenant les principaux dirigeants du mouvement syndical pour la région Afrique, elle bénéficiera aussi d’un appui technique de haut niveau du Bureau international du Travail (BIT, organe exécutif de l’OIT, agence spécialisée des Nations unies basée à Genève). (Voir ci-dessous la liste complète des membres de la mission).

Parmi les autres objectifs de la mission, qui espère rencontrer les dirigeants de l’Etat au plus haut niveau, les dirigeants des institutions sociales et économiques et des droits de l’homme et les chefs religieux ayant participé à la résolution de la crise, figurent également un témoignage de solidarité et un soutien politique aux syndicats guinéens affiliés à la CSI.

Ces derniers jours, la solidarité syndicale internationale envers la Guinée s’est manifestée dans de nombreux pays. Ainsi, les organisations affiliées de la CSI ont envoyé des messages de soutien depuis le Bénin, le Togo, le Burkina Faso, les Pays-Bas et la France, notamment. A Addis-Abeba, en marge de la réunion du Conseil des Ministres de l’Union Africaine (UA), un haut responsable de la CSI a remis le Vendredi 26 Janvier à Alpha Conaré, Président de la Commission de l’UA et à l’Ambassadeur Said Djinnit, Commissaire de l’UA pour la Paix et la Sécurité, la Déclaration syndicale sur la Guinée – signée à Nairobi Mardi passé lors du Forum social mondial (voir communiqué CSI du 23/01/2007 Guinée : Pression syndicale internationale sur les autorités).

A Genève, la veille, Juan Somavia, Directeur-général du BIT, avait adressé au Président guinéen Lansana Conté une lettre extrêmement ferme, dans laquelle il exprimait sa « très vive préoccupation » à propos des évènements du 22 janvier, qu’il estimait d’une « exceptionnelle gravité ». Depuis Bruxelles, le même jour, la CSI était intervenue auprès du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de l’Union européenne (UE) en leur demandant de se préparer à imposer de sévères mesures vis-à-vis de la Guinée au cas où les négociations engagées entre les syndicats et le gouvernement se révéleraient infructueuses. Dans une lettre au Commissaire au développement et à l’aide humanitaire de l’UE, Guy Ryder appelait Mr Louis Michel à envisager, au cas où ces négociations achopperaient, une suspension de l’aide à la Guinée et un gel des avoirs personnels dans l’UE ainsi qu’un interdiction de visa pour le Président Conté, ses proches et partenaires ou partisans au sein du secteur privé et les plus hauts dirigeants de son gouvernement. Rappelons que l’UE avait en décembre dernier décidé, devant ce qu’elle considérait comme de notables progrès en matière de démocratisation et de réformes, de reprendre son aide suspendue depuis 2004. Selon des spécialistes de la Guinée, l’UE s’apprêterait ainsi à débloquer 117 millions d’euros dans les prochains mois au titre du 9ème Fond européen de développement.

Outre Guy Ryder, Secrétaire général de la CSI, la mission de la CSI en Guinée comprendra Mody Guiro et Andrew Kailembo, respectivement Président et Secrétaire général de l’Organisation régionale africaine de la CISL (ORAF), Adrien Akouété, Secrétaire général de l’Organisation démocratique syndicale des Travailleurs africains (ODSTA-CMT) et Laurent Ouédraogo, Vice-président de l’ODSTA. Elle sera appuyée par Johanna Walgrave, Directrice Exécutive a.i (Dialogue Social) au BIT et Ibrahim Zakari, Spécialiste des activités pour les travailleurs du BIT (Genève), ainsi que Janek Kuczkiewicz, Directeur des Droits de l’Homme et Droits syndicaux à la CSI et Oumar Dicko (ORAF).

Créée le 1er novembre 2006, la CSI représente 168 millions de travailleurs au sein de 304 organisations affiliées nationales dans 153 pays. site web www.ituc-csi.org

Pour plus d’informations, veuillez contacter le Service Presse de la CSI au +32.2.224.02.10 ou Janek Kuczkiewicz au +32 477 580 486.