Rapport 2009 des violations des droits syndicaux - Amériques

Amériques : les attaques contre les syndicats en augmentation

Amériques : les attaques contre les syndicats en augmentation

Bruxelles, le 10 juin 2009 (CSI en ligne) : La situation des syndicalistes est tragique et ne s’améliore pas sur le continent américain, au contraire. Voilà en substance le constat établi par la section « Amériques » du rapport 2009 sur les violations des droits syndicaux dans le monde, publié aujourd’hui par la Confédération syndicale internationale (CSI). Une fois encore, cette partie du monde rafle le titre peu envié de continent le plus meurtrier pour les syndicalistes, notamment à cause de la Colombie où 49 travailleurs ont perdu la vie et plus de 200 ont été arrêtés en raison de leurs activités syndicales.

Assassinats, enlèvements, menaces de mort, attaques et violations de domiciles sont le quotidien de trop nombreux syndicalistes sur le continent américain. Les employeurs ont recours aux licenciements arbitraires et aux transferts de dirigeants syndicaux en représailles contre l’établissement de nouveaux syndicats. La crise économique et financière qui touche le monde de plein fouet a pu, aussi, servir d’alibi dans le cas de licenciement abusif de syndicalistes.

Le rapport de la CSI souligne que la Colombie est le pays le plus dangereux pour les syndicalistes. 60% des assassinats en raison d’activités syndicales recensés dans le monde ont lieu dans ce pays. A ces chiffres s’ajoutent vraisemblablement de nombreux cas qui n’ont pu être recensés. Les cas de violence ont augmenté de façon drastique (25% en 2008) alors que le gouvernement du président Alvaro Uribe accorde une importance particulière à la sécurité. Sur les 49 syndicalistes assassinés, 4 étaient des femmes et 16 des dirigeants syndicaux. La CSI déplore 10 assassinats de syndicalistes colombiens de plus que l’année précédente. Aux assassinats s’ajoutent les attentats, les disparitions et les menaces de mort. C’est surtout l’impunité dont jouissent les auteurs et les commanditaires de ces crimes qui est à mettre en exergue, tant les sentences et les condamnations, quand elles sont prononcées, sont inadéquates. En outre, les politiques et les lois en matière de travail continuent d’exclure plus de deux tiers des travailleurs de toute protection sociale et du travail, privant plus de 12 millions de travailleurs de leurs droits les plus fondamentaux.

Selon le rapport de la CSI, l’Amérique centrale n’a rien à envier non plus en matière de violations des droits syndicaux, particulièrement au Guatemala, où elles sont permanentes. Le Guatemala talonne la Colombie comme pays le plus dangereux pour les syndicalistes. Assassinats, actes d’intimidation, harcèlements, fusillades contre des domiciles ou incursions et attaques contre des sièges syndicaux ont eu lieu tout au long de l’année. Plus de 20 dirigeants syndicaux, de mouvements indigènes et paysans ont été assassinés, et l’impunité règne en maître. Le mouvement syndical fait l’objet d’une persécution qui rappelle les pratiques utilisées durant le conflit armé. L’année précédente, le Président Alvaro Colom s’était pourtant engagé lors de la Conférence internationale contre l’impunité à lutter contre celle-ci, véritable fléau en Amérique latine.

Au Honduras, pays normalement plus calme en termes d’assassinats, Rosa Altagracia Fuentes, secrétaire générale de la Confederación de Trabajadores de Honduras (Confédération des travailleurs du Honduras – CTH), a été brutalement assassinée, elle a reçu 16 balles dans le corps. Selon les informations de la CSI, la police gère des listes de dirigeants reconnus, notamment des indigènes, des journalistes, voire des personnalités de la communauté internationale, qui sont soumis à une surveillance permanente par les services du renseignement de l’État. Le rapport de la CSI met en exergue des cas similaires au Panama où un dirigent syndical du Sindicato Único Nacional de Trabajadores de la Industria de la Construcción y Similares (Syndicat unique national des travailleurs de l’industrie de la construction et de secteurs connexes – SUNTRACS) a été assassiné dans un contexte d’intenses et graves violations des droits des travailleurs.

L’organisation syndicale et la négociation collective sont mises à mal via une panoplie de pratiques douteuses. Il s’agit, entre autres, de la sous-traitance de main d’œuvre via une entreprise intermédiaire ou tout simplement du licenciement de dirigeants syndicaux afin de favoriser ni plus ni moins l’élimination du mouvement syndical. Il n’est pas rare que des employeurs offrent une rémunération contre la désaffiliation du syndicat. Au Nicaragua, ce sont les contrats déterminés de courte durée qui fleurissent et empêchent l’augmentation du nombre de membres des syndicats. En outre, les droits syndicaux sont inexistants dans les zones franches d’exportation (ZFE), véritables zones de non-droit.

Pour le rapport annuel de la CSI, si les employeurs bafouent sans complexe les droits des travailleurs dans un si grand nombre de cas, c’est certainement dû au manque de sanctions ou à la faiblesse de celles-ci. Alors que le Salvador a ratifié la Convention 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, elle n’est toujours pas appliquée. Tout comme au Costa Rica, où l’exercice des droits syndicaux est entravé de manière significative.

Le rapport de la CSI explique que, dans certains cas, le non respect de la législation peut être un outil efficace pour bafouer les droits syndicaux. Dans d’autres, c’est la législation qui est un outil pour ne pas respecter ces droits. Aux Etats-Unis, des dizaines de milliers de travailleurs sont licenciés chaque année sans tenir compte de celle-ci. En outre, le démantèlement des syndicats constitue une industrie dont le chiffre d’affaire est estimé à plusieurs milliard de dollars. Dans certaines provinces du Canada, la législation ne fournit aucune protection juridique en matière de syndicalisation de certaines catégories de travailleurs ou impose des restrictions au droit de grève.

Au Mexique, les « contrats de protection », faux accords collectifs créés par le patronat, négociés à l’insu des travailleurs et déposés auprès de la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage, bafouent les droits syndicaux en empêchant l’établissement de syndicat dans l’entreprise, toute négociation collective effective, ainsi que l’exercice du droit de grève. Même son de cloche au Pérou, où la tendance à la sous-traitance d’un grand nombre de services gouvernementaux s’est poursuivie, entraînant une diminution des postes de travail au sein des entreprises d’État et dans la fonction publique. Enfin, au Venezuela, le gouvernement continue ses ingérences dans les affaires des centrales syndicales.

Les Caraïbes ne dérogent pas à la règle. Alors que la loi reconnaît les droits syndicaux, on est loin d’une mise en œuvre systématique, particulièrement en ce qui concerne le droit de grève. À la Barbade, par exemple, alors que les organisations syndicales sont reconnues, il leur est pratiquement impossible de négocier une convention collective alors que les organisations syndicales implantées en Jamaïque se plaignent régulièrement des pratiques visant à les démanteler.

« Les violations des droits des syndicalistes connaissent une aggravation préoccupante sur le continent américain alors que celui-ci est mis à mal depuis de trop nombreuses années » a déclaré Guy Ryder, secrétaire général de la CSI. « Le mouvement syndical doit pouvoir exercer son rôle légitime de représentant de la classe ouvrière, particulièrement quand la planète doit faire face à une crise économique et financière mondiale. »

La CSI représente 170 millions de travailleuses et de travailleurs au travers de 312 organisations nationales de 157 pays. http://www.ituc-csi.org http://www.youtube.com/ITUCCSI

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