L’Afrique frappée par la répression antisyndicale

En 2007, en Afrique, la répression antisyndicale a une nouvelle fois frappé des dizaines de milliers d’hommes et de femmes qui ne revendiquaient rien d’autre qu’un travail décent et un avenir pour leurs enfants.

Bruxelles, le 20 novembre 2008 : en 2007, en Afrique, la répression antisyndicale a une nouvelle fois frappé des dizaines de milliers d’hommes et de femmes qui ne revendiquaient rien d’autre qu’un travail décent et un avenir pour leurs enfants. Le dernier rapport annuel de la CSI sur les violations des droits syndicaux est à cet égard une nouvelle fois accablant. Le caractère antidémocratique de nombreux régimes politiques, l’absence d’Etat de droit ainsi que des législations du travail défaillantes ont permis à nombre de dirigeants et d’employeurs d’exercer une pression intolérable sur les syndicats et leurs membres. En Guinée, la répression orchestrée par le président Lansana Conté et son entourage a été d’une brutalité inouïe. Durant la grande mobilisation sociale de janvier-février qui s’appuyait sur un socle de revendications légitimes, les violences policières ont fait 129 morts et 1.700 blessés. Des dizaines de responsables syndicaux ont été battus et arrêtés, des femmes ont été violées, la Bourse du travail a été saccagée. Rabiatou Diallo et Ibrahima Fofana, les deux principaux dirigeants de l’Intersyndicale, le groupement à l’origine de la grève, ont échappé à la mort de justesse.

Au Zimbabwe aussi, même si c’était malheureusement plus attendu, le despotisme d’un seul homme a entraîné un nouveau cycle de violences et de violations des droits syndicaux. Le président Robert Mugabe a continué à se montrer intraitable envers les syndicats. Dans un pays en perdition, tous les efforts de conciliation des syndicats ont été battus en brèche. Ces échecs ont contraint les syndicats à mener de nombreuses actions de protestation toutes pacifiques. Malgré le caractère pacifique de ces mobilisations, des centaines de grévistes ont été suspendus, des dizaines d’autres ont été licenciés, battus et arrêtés. La moindre velléité de mobilisation suffisait à déclencher une répression implacable, comme en janvier, lorsque 22 femmes de mineurs ont été arrêtées parce qu’elles avaient tenté d’organiser une manifestation pour obtenir des hausses de salaire pour leurs maris. Un dirigeant d’un syndicat d’enseignants a fait l’objet de menaces de mort, un autre est décédé quelques semaines après avoir été arrêté et torturé. La violence n’est pas l’apanage de ces deux seuls pays. Ainsi, au Mozambique, un gréviste a été abattu par des gardes de sécurité dans une plantation de cannes à sucre. 

Dans un contexte de détérioration constante du climat social liée à la hausse du prix des denrées et services de première nécessité, les grèves et autres actions de protestation des travailleurs et travailleuses africains ne leur ont que trop rarement permis d’engranger des résultats positifs. Au contraire, dans de nombreux pays, les employeurs et (ou) les autorités ont systématiquement réprimé ceux et celles qui tentaient de revendiquer de meilleures conditions. Les failles des législations du travail ont souvent servi de prétexte aux gouvernements pour interdire des actions de protestation pourtant légitimes. En particulier, l’interprétation abusive des services essentiels a servi à justifier le refus de nombreuses grèves ou manifestations, et à les réprimer quand elles se tenaient quand même. Cela a notamment été le cas en Afrique du Sud où les autorités ont eu recours à la répression policière. En Egypte, des centaines de grèves et de sit-in « illégaux » ont eu lieu. Au Tchad, le gouvernement a durci la loi sur le droit de grève pour juguler une grève générale dans le secteur public. Au Maroc, de nombreuses arrestations et condamnations ont eu lieu lors du 1er mai « pour atteinte aux valeurs sacrées ».

En défiant les autorités pour défendre leur cause, beaucoup de travailleurs se sont exposés à des violences policières et à des sanctions injustes. Cela a notamment été le cas au Burkina Faso, au Cameroun, en République démocratique du Congo, en Guinée-Bissau, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie, en Namibie, en Ouganda et en Tunisie. Elles ont pris parfois une ampleur massive : des centaines de licenciements lors de la plus importante grève de l’histoire post-apartheid en Afrique du Sud, 1.000 mineurs renvoyés par le groupe canadien Barrick en Tanzanie et jusqu’à 34.000 grévistes saqués le même jour par un gouverneur au Nigeria.

Dans le secteur de la presse, le rapport de la CSI note une recrudescence d’actes antisyndicaux. Au Nigeria et au Cameroun, des employeurs ont choisi de couper court aux revendications de leurs travailleurs en procédant à de nombreux licenciements. Au Kenya, des journalistes ont été licenciés pour leur appartenance à un syndicat. En République démocratique du Congo, l’acharnement contre les militants syndicaux a été particulièrement virulent tant dans la presse privée que publique. La vie d’un responsable syndical d’un organe de presse privé a été en danger et trois journalistes de la radiotélévision publique ont été arrêtés et ont subi des mauvais traitements. En Tunisie où les activités syndicales des journalistes sont largement entravées, un progrès a toutefois été enregistré en fin d’année avec la création d’un nouveau syndicat qui offre certaines garanties d’indépendance.

Enfin, le rapport annuel de la CSI souligne que, dans de trop nombreux pays, les libertés syndicales demeurent étroitement contrôlées par les autorités voire totalement inexistantes. Les syndicats indépendants y sont sévèrement réprimés, tenus en marge ou interdits. C’est le cas du Swaziland, de la Guinée équatoriale, du Soudan, de l’Erythrée, de l’Ethiopie et de Djibouti.


La CSI représente 168 millions de travailleuses et de travailleurs au travers de 311 organisations nationales de 155 pays et territoires.

www.youtube.com/ITUCCSI

Pour de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse de la CSI aux numéros suivants : +32 2 224 0204 ou au +32 476 621 018.