Gros Plan sur Hanan Gusab Isamail Siaqal (Jordanie- GFJTU)

« Les travailleuses demandent plus de respect »

« Les travailleuses demandent plus de respect »

Horaires de travail trop longs, bas salaires, difficultés de transport, droit à la maternité….
Hanan Gusab Isamail Siaqal, membre du comité des femmes du syndicat d’Irbid, expose les difficultés des travailleuses jordaniennes et immigrées dans les usines textiles des zones franches.

Comment avez-vous commencé à vous intéresser au syndicat ?

J’ai travaillé 5 ans dans des usines textile des zones franches d’exportation (QIZ)(1), mais parce que j’ai participé à un séminaire syndical, j’ai commencé à avoir des problèmes. Alors que je travaillais jusqu’à 22H, mon manager m’a dit que je ne travaillais pas assez. On s’est disputé et il m’a viré ; Depuis quatre mois, j’ai retrouvé du travail à l’usine Rubina. Au début, je travaillais comme simple ouvrière, puis je suis devenue contremaitre pour une ligne de production.

Comment réagit votre entourage face à votre engagement syndical ?

Mon mari me soutient. J’ai d’abord du le convaincre de la nécessité que je travaille, puis lui faire accepter mon engagement syndical. Il travaille aussi dans le textile, il comprend les problèmes. Il a pu participer lui-même à certaines activités, il a été touché par tous les problèmes humains qui se posent, il est de plus en plus intéressé. Je n’ai pas encore d’enfants, alors c’est plus facile d’avoir du temps.
Mais je suis très chanceuse, c’est une exception. Car dans la culture jordanienne, c’est très difficile pour un mari d’accepter de laisser sa femme participer à des activités, par exemple me laisser partir à un séminaire syndical en Inde ! En général, le mari, la famille du mari, les voisins, tout le monde surveille la femme en permanence. C’est le cas à Amman, mais dans les petites villes et les villages, c’est encore pire.

Quels sont les problèmes principaux des travailleuses des usines textile ?

Les femmes ont beaucoup de problèmes. C’est très difficile de devoir assumer les responsabilités familiales tout en devant contribuer aux revenus du ménage du fait de la hausse du coût de la vie en Jordanie. Les plaintes les plus fréquentes concernent les heures supplémentaires. Beaucoup d’employeurs font pression sur les travailleuses pour toujours les faire travailler plus.

Les travailleuses de ces usines peuvent-elles exercer leur droit à la maternité ?

C’est une majorité de jeunes femmes, la plupart entre 20 et 35 ans. Si la femme est mariée, elle aura plus de difficultés à trouver un emploi. Même le fait d’être simplement fiancée est un obstacle à l’embauche. Et si elle tombe enceinte, souvent elle perd son emploi et ne peut bénéficier du congé de maternité légal de 12 semaines.

Pour la garde des enfants, les mères se cotisent, à hauteur de 10 à 15 JD (10 à 15 €) par mois pour mettre leur enfant dans une garderie mais il n’y a pas assez de places. Souvent c’est les familles, les mères, les sœurs, qui doivent prendre le relais. Le syndicat demande que ce soit les employeurs qui prennent en charge les crèches.

La question des transports est aussi problématique ?

La plupart des jeunes femmes jordaniennes des usines textile habitent dans des villages, situés loin des usines. Les employeurs n’organisent pas de transport pour elles. Et après 18H, il n’y a plus de bus public.

Quelles sont les relations entre travailleuses jordaniennes et travailleuses migrantes ?

On a une bonne relation d’entraide. Au début, les migrantes se méfiaient de moi, puis elles ont bien vu que j’essayais de les aider alors elles ont changé d’avis. J’ai commencé dans cette entreprise comme simple ouvrière, je connais leur réalité, je peux anticiper les problèmes des travailleurs et travailleuses. Ca n’a pas été facile pour les travailleurs bengali d’accepter d’être dirigés par une arabe. Le problème peut se poser à l’inverse. Maintenant ils ont compris qu’on est du même côté !

Les différences de langue sont elles un obstacle important ?

Ca peut être un problème au début, c’est vrai. Mais ceux et celles qui sont ici depuis 4 ou 5 ans parlent arabe comme moi.

Votre engagement syndical vous a-t-il déjà permis d’avoir des échanges internationaux ?

J’ai participé à deux séminaires régionaux pour les femmes, un sur la négociation collective, et l’autre sur la protection de la maternité. On a échangé nos expériences et on reste en contact, c’est très enrichissant.

Quelles sont les demandes principales que les travailleuses adressent au syndicat ?

Les travailleuses demandent aux syndicats des formations sur leurs droits et aussi sur les problèmes spécifiques des femmes. En général, elles demandent surtout à être respectées, car certains contremaîtres ne les respectent pas, ils leur parlent de façon grossière. Certaines sont victimes de harcèlement sexuel. Dans les zones (QIZ), on a deux cliniques qui sont très utiles aux travailleuses. Mais on aurait besoin d’une clinique supplémentaire pour couvrir notamment la zone de Sahab.

Propos recueillis par Natacha David


(1)QIZ : qualified industrialized zones.

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