Rapport annuel des violations des droits syndicaux

L’année 2011 s’est révélée difficile et souvent dangereuse pour les travailleurs/euses du monde entier. En effet, celles et ceux qui ont osé défendre leurs droits syndicaux ont été licenciés, arrêtés ou emprisonnés, voire ont eu un destin fatal. Tel est en substance le tableau dressé par le rapport annuel des violations des droits syndicaux que la Confédération syndicale internationale (CSI) publie aujourd’hui. Cette année, le rapport couvre 143 pays.

La Colombie est une fois de plus le pays le plus dangereux du monde pour les syndicalistes. Sur les 76 personnes assassinées dans le monde pour leurs activités syndicales, sans tenir compte des travailleurs/euses qui ont perdu la vie lors du printemps arabe, 29 l’ont été en Colombie. Du reste, au Guatemala aussi, les militant(e)s syndicaux paient un lourd tribut puisqu’on y dénombre 10 assassinats commis en toute impunité. Huit autres syndicalistes ont été tués en Asie.

Les tendances mondiales mises en exergue dans le rapport vont du non-respect de la législation du travail par les gouvernements, au manque de fonds pour l’inspection du travail et pour la protection des salarié(e)s, en passant par l’absence de droits pour les travailleurs/euses migrants partout dans le monde, et surtout dans les États du Golfe, et les abus dont ils sont victimes, ainsi que l’exploitation de la main-d’œuvre, principalement féminine, dans les différentes zones franches industrielles de la planète. Les 100 millions de travailleurs/euses domestiques figurent parmi les plus vulnérables.
L’année 2011 a bien évidemment été marquée par le printemps arabe et les révolutions qui l’ont accompagné en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans les pays du Golfe. Dans ces régions, la répression des droits syndicaux a été particulièrement forte. Lors de ces révolutions, les organisations syndicales ont joué un rôle prépondérant, particulièrement en Tunisie, en Égypte et au Bahreïn, et elles en ont payé le prix fort. Des centaines de militant(e)s ont en effet été tués lors d’affrontements et des milliers d’autres ont été arrêtés. Aujourd’hui, la route vers la démocratie est moins périlleuse, comme le montrent la participation massive aux élections égyptiennes de novembre et les mouvements de protestation en cours en Syrie et au Bahreïn. La création d’un mouvement syndical indépendant est en bonne voie même s’il n’existe toujours pas de liberté syndicale dans certaines nations, comme en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, en Érythrée ou au Soudan.

Selon le rapport de la CSI, l’incidence de la crise économique mondiale se fait toujours injustement ressentir pour les travailleurs/euses, la majorité des gouvernements continuant de préférer des mesures d’austérité à la stimulation de la croissance et de l’emploi. Les conséquences sont dévastatrices, notamment pour les jeunes. En 2011, le chômage touchait 205 millions de personnes. En Espagne, 40 % des jeunes cherchent un emploi alors que le taux de chômage de la Grèce atteint 21 %.

Les mesures prises pour maximiser la rentabilité et la flexibilité aux dépens de la main-d’œuvre ont été un échec. L’une de leurs conséquences est l’augmentation des formes précaires de travail qui font qu’il est extrêmement difficile pour les organisations syndicales de défendre les droits des travailleurs/euses, par exemple en Afrique du Sud, au Bangladesh, au Cambodge et au Pakistan.

« La situation de centaines de milliers de travailleurs et de travailleuses est plus que préoccupante, a affirmé Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI. La plupart d’entre eux ne bénéficient pas des droits fondamentaux de négociation collective et de liberté syndicale, et ont un emploi précaire. Leur vie s’en trouve bouleversée puisqu’ils doivent travailler de longues heures dans des conditions dangereuses et insalubres pour des salaires si bas qu’ils ne peuvent subvenir ni à leurs besoins ni à ceux de leur famille. Cette situation explique en partie la récession mondiale. »

Le rapport de la CSI explique la façon dont les mouvements de grève sont violemment réprimés dans bon nombre de pays, notamment en licenciant massivement, en procédant à des arrestations et à des détentions, par exemple en Géorgie, au Kenya, en Afrique du Sud et au Botswana où 2.800 travailleurs/euses ont été renvoyés après une grève dans le secteur public. Mais, la liberté syndicale n’est pas seulement en danger dans les pays en voie de développement, dans de nombreux pays industrialisés aussi, les droits syndicaux sont menacés, notamment au Canada dont le gouvernement conservateur a régulièrement tenté d’affaiblir le droit de négociation collective et la liberté syndicale.

La syndicalisation des travailleurs/euses dans les zones franches industrielles demeure très difficile, selon le rapport de la CSI. Des restrictions légales y subsistent et les syndicats sont interdits dans la plupart d’entre elles.

Enfin, les travailleurs/euses migrants constituent toujours un groupe très vulnérable, notamment dans les États du Golfe où ils représentent la majorité de la main-d’œuvre du Koweït, du Qatar et des Émirats arabes unis, mais ne disposent que de peu de droits, voire d’aucun. Parmi ces migrant(e)s, on ne dénombre pas moins de 100 millions de travailleurs/euses domestiques, pour la plupart des femmes ne connaissant pas suffisamment leurs droits et n’ayant aucun moyen de les faire respecter. C’est pour cette raison que la CSI a salué l’adoption de la Convention no 189 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleurs/euses domestiques qui leur accorde le droit de former des syndicats et de bénéficier de conditions de travail décentes. La Confédération syndicale internationale s’active énergiquement, au travers de sa campagne « 12 ratifications en 2012 », pour que douze pays ratifient la convention d’ici la fin de 2012.

Lire le rapport complet à l’adresse suivante :
http://survey.ituc-csi.org


Information par région :

Amériques :
L’impunité, qui est définie dans le dictionnaire comme une « absence de punition », est le facteur principal expliquant que les crimes contre les syndicalistes continuent à proliférer dans nombre de pays des Amériques et que les niveaux d’injustice sociale restent élevés.

Afrique :
Les peuples d’Afrique du Nord l’ont montré, les populations africaines savent bien qu’aucun pouvoir aussi totalitaire soit-il n’est éternel. Pas plus au Soudan, en Érythrée, en Guinée équatoriale, trois pays où les despotes ne tolèrent aucune force syndicale ou d’opposition…

Europe :
Les pressions exercées sur les systèmes de relations de travail continuent de provoquer des pertes spectaculaires au niveau des droits syndicaux et des travailleurs/euses.

Asie-Pacifique :
Dans toute la région Asie-Pacifique, les travailleurs/euses sont confrontés à des niveaux alarmants de « travail précaire », selon le terme utilisé pour décrire un emploi non permanent, indirect, informel et/ou généralement incertain.

Moyen-Orient :
Le printemps arabe en 2011 a véritablement changé la face du monde bien au-delà des confins des pays arabes ! Nul doute que la fin de l’autoritarisme politique en Tunisie et en Égypte et la reconnaissance par les deux gouvernements de transition des libertés d’association et d’expression - de droit comme de fait - a ouvert la voie, pour la première fois en 2011, à un espace beaucoup plus large pour les libertés syndicales.