Burkina Faso: L’économie informelle au coeur de la solidarité

Protéger la maternité dans l’informel

5h30… A Loumbila, petit village de la périphérie de Ouagadougou, Salissa se lève avec le soleil. Les enfants à habiller… le repas du matin à réchauffer… scènes de la vie quotidienne dans la brousse burkinabè.

(Salissa) « Chaque matin, je fais la toilette des enfants et puis je pars au jardin ».

Salissa est jardinière… jeune maman également. Son 2ème enfant a 4 semaines.
10 jours après l’accouchement, elle reprenait déjà le chemin du travail : 10 heures de jardinage quotidien. Une occupation obligatoire si elle veut nourrir sa famille.

(Salissa) « J’ai des douleurs aux hanches, mais je n’ai pas le choix »

Au Burkina Faso, 80 % de la population active travaille dans l’économie informelle. Comme toutes les autres mamans de ce secteur, Salissa n’a pas droit au repos d’accouchement. Un luxe réservé aux quelques rares femmes bénéficiant d’une sécurité sociale. Cette situation pourrait toutefois évoluer avec la syndicalisation du secteur.

(Helene Sawadogo) « Nous allons voir, au niveau du syndicat, ce que nous pourrons avoir comme aide pour elle. Elle a dit qu’elle a repris le travail pour avoir à manger. Nous allons voir comment la soutenir pour qu’elle puisse avoir du repos après leur accouchement ».

Hélène Sawadogo est la responsable du Syndicat National des Travailleurs des Fruits et Légumes et Assimilés. Le SYNATRAFLA existe depuis 2005. C’est le résultat concret d’un projet réalisé par les différentes centrales syndicales burkinabè. Financé par le Bureau International du Travail et Danida, la coopération danoise, ce projet a réussi le pari de créer en 6 ans 5 syndicats professionnels. Les jardiniers, les soudeurs, les coiffeuses, les couturières, les réparateurs d’engins à deux roues… tous disposent désormais d’une structure défendant leurs droits et représentant leurs intérêts. Comme l’explique Soumaila Linguani, coordinateur du PRASEI:

(Soumaila Linguani) « Ces 5 syndicats professionnels de l’économie informelle ont mis en place une structure nationale que l’on appelle le Conseil National de l’Economie Informelle. Ce Conseil regroupe d’une part les responsables des syndicats professionnels de l’économie informelle, d’autre part les représentants des centrales syndicales nationales et à côté de ceux-ci les représentants de l’Etat à travers le Ministère de l’Emploi et du Travail et le Patronat à travers le Conseil National du Patronat ».

Recruter de nouveaux adhérents … Le travail de sensibilisation est crucial. Sur l’ensemble du territoire burkinabè, plus de 500 animateurs et animatrices ont été formés à l’action syndicale. Leur rôle ? Expliquer aux travailleurs la raison d’être du syndicat et écouter, surtout, leurs revendications : moins de rafles policières, moins d’impôts et davantage de protection sociale

(Helene Sawadogo) « Ca demande beaucoup de force. Comme elles sont analphabètes, c’est difficile de leur faire comprendre, de les convaincre. Donc, il faut venir plusieurs fois. Il faut que tu répètes régulièrement et que tu leur montres leur intérêt. Si tu veux mobiliser quelqu’un, c’est autour de ces intérêts ».

Pour Hélène, chaque nouvelle adhésion est une victoire. Dans ce contexte de pauvreté, payer sa cotisation mensuelle de 1000 Francs CFA constitue un geste significatif : sortir de l’anonymat, retrouver sa dignité, avoir des droits.

Demain, en payant ses cotisations, Salissa pourra aussi accéder à la MUPRESSI, la mutuelle de prévoyance sociale créée dans le cadre de ce projet… L’assurance d’avoir accès au micro-crédit et de bénéficier, enfin, d’une véritable protection sociale. Pour son 3ème enfant, c’est sûr, Salissa devrait profiter pleinement de son repos d’accouchement.

(Pour la CSI,
tournage et réalisation : Pierre Martinot,
post-production vidéo/web : Benoit Collienne)

Plus d’information sur l’organisation syndicale de l’économie informelle au Burkina Faso et le combat pour une protection sociale adaptée, notamment pour la maternité, dans le nouveau Dossier de reportage (12 pages).