Doing Business 2009 : La Banque mondiale gratifie des pays qui n’ont pas ratifié les conventions de l’OIT

L’édition 2009 de Doing Business (Pratique des affaires), publication à plus fort tirage de la Banque mondiale, qui a paru aujourd’hui à Washington, concède à des pays qui n’ont pas ratifié les conventions de l’OIT le titre de meilleure performance mondiale selon l’indicateur « Embauche des travailleurs ».

Bruxelles, le 10 septembre 2008: L’édition 2009 de Doing Business (Pratique des affaires), publication à plus fort tirage de la Banque mondiale, qui a paru aujourd’hui à Washington, concède à des pays qui n’ont pas ratifié les conventions de l’OIT le titre de meilleure performance mondiale selon l’indicateur « Embauche des travailleurs ». _ Doing Business 2009 renoue, par ailleurs, avec la pratique consistant à faire des assertions non fondées de causalité entre son indicateur « Embauche des travailleurs », qui accorde les meilleurs scores aux pays ayant le plus faible taux d’emploi permanent et de protection sociale, et la bonne performance économique, alors que même l’organisme de contrôle interne de la Banque n’a pas relevé de preuve de l’existence d’un quelconque rapport entre les deux. De fait, en juin dernier, le Groupe d’évaluation indépendante de la Banque mondiale déclarait qu’« aucune association notable n’émergeait entre… [l’indicateur Doing Business relatif à] l’embauche des travailleurs et l’emploi » et a critiqué la publication pour « avoir trop exalté l’infaillibilité de ses indicateurs ».

Doing Business 2009 affirme à tort qu’ « Une économie peut avoir les réglementations du travail les plus flexibles - évaluées en vertu de l’indicateur Doing Business – et néanmoins ratifier et respecter les … normes fondamentales de l’OIT. » En réalité, aucun des pays figurant aux quatre premiers rangs du classement de Doing Business 2009 relatif à l’embauche des travailleurs n’a ratifié l’ensemble des normes fondamentales du travail (NFT) de l’Organisation internationale du travail (OIT). En effet, deux de ces pays n’ont ratifié aucune des huit conventions NFT, alors qu’un tiers d’entre eux n’en ont ratifié que deux sur huit.

« En proclamant que les pays dotés du plus faible taux de protection des travailleurs ont les meilleures réglementations du travail, la Banque mondiale enlève toute crédibilité à son engagement pour le respect des droits des travailleurs et l’amélioration du niveau de vie des travailleurs dans les pays en développement », a déclaré Guy Ryder, secrétaire général de la CSI. « La Banque devrait tirer les leçons qui s’imposent des conclusions de sa propre unité d’évaluation et d’analyse, selon laquelle la méthodologie de Doing Business est défaillante lorsqu’elle identifie les normes du travail et les contributions aux programmes sociaux comme n’étant rien de plus que des obstacles à l’investissement. Il convient de dépouiller Doing Business du mandat de déterminer les recommandations politiques de la Banque mondiale concernant les réglementations du travail et la protection sociale dans les pays en développement », a déclaré Ryder.

La Banque mondiale et le FMI se sont servis des indicateurs Doing Business dans un grand nombre de rapports sur la politique par pays, notamment pour recommander aux gouvernements de démanteler la protection des travailleurs ou réduire la part du budget consacrée aux filets sociaux. Dans certains cas, des pays ont été forcés de se plier aux recommandations en vertu de conditions attachées aux prêts, y compris quand les mesures visées entraient en contradiction avec l’objectif déclaré de la Banque, qui est d’éradiquer la pauvreté.

Ainsi, Doing Business a préconisé la réduction du salaire minimum au Brésil car les augmentations appliquées par l’actuel gouvernement ont provoqué un dépassement du faible seuil que Doing Business considère acceptable pour les propriétaires d’entreprises. Or la Stratégie de partenariat (Country Partnership Strategy) 2008 de la Banque mondiale pour le Brésil met en exergue « les augmentations du salaire minimum » comme l’un des facteurs ayant contribué à une réduction notable de la pauvreté et à la « résorption longuement attendue » de l’inégalité des revenus au Brésil, qui comptait naguère parmi les plus élevées à niveau mondial. Alors même que la Banque mondiale reconnaît les progrès engrangés par le Brésil au plan de la réduction de la pauvreté, qu’elle avait autrefois décrit comme son « objectif d’ensemble », la publication à plus fort tirage de l’institution financière internationale prône des mesures susceptibles d’accroître la pauvreté dans le pays.

D’autre part, Doing Business chante les louanges de la Biélorussie, à laquelle elle a accordé le plus haut score pour l’indicateur « embauche des travailleurs. » Ceci, en dépit du fait que l’OIT ait condamné les restrictions imposées aux droits des travailleurs par le régime autoritaire de ce pays comme une atteinte flagrante aux NFT. Cette violation a été à l’origine de la suspension des préférences commerciales accordées à la Biélorussie par l’Union européenne en vertu du Système généralisé des préférences. « A la lumière du respect qu’elles accordent à des normes du travail inacceptables, qui ont limité l’accès des exportations biélorusses au plus grand marché du monde, il y a lieu de se demander en quoi Doing Business (Pratique des affaires ) et la Banque mondiale rendent service à ceux qui désirent « faire des affaires » dans le pays », a dit Guy Ryder, secrétaire général de la CSI.

A l’instar des cinq éditions qui l’ont précédée, Doing Business 2009 persiste dans ses assertions sans fondement en établissant un lien causal entre les indicateurs du travail Doing Business et la bonne performance économique et en utilisant comme références des analyses non publiées et des « documents de travail » internes préparés par le personnel de Doing Business, qui ne peuvent, ni l’un ni l’autre, être vérifiés par des chercheurs crédibles ou l’OIT. Et M. Ryder de déclarer : « Il est surprenant que même après que l’unité d’évaluation et d’analyse indépendante de la Banque mondiale ait déclaré ne pas avoir relevé de liens de causalité entre les indicateurs et l’emploi et critiqué Doing Business pour avoir fait de telles assertions, la Banque mondiale continue de ressasser ces mêmes assertions. Ceci n’a rien pour aider la Banque mondiale à réaliser son aspiration d’être un « dépositaire de connaissance » mondial sur les thèmes du développement. »


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