Le harcèlement judiciaire contre les syndicats reste à l’ordre du jour en Turquie

Le harcèlement judiciaire à l’encontre des syndicats demeure à l’ordre du jour en Turquie, où six membres de la confédération syndicale KESK sont maintenus en détention préventive en attendant leur procès.

Outre les six syndicalistes incarcérés, cinquante autres membres de la KESK restent inculpés alors qu’ils ne faisaient tous qu’exercer leurs droits syndicaux légitimes. La CSI dénonce le recours abusif aux lois anti-terrorisme et les accusations fallacieuses d’appartenance à une organisation illégale.

Cinquante-six membres du syndicat KESK comparaissaient en justice la semaine dernière pour répondre du chef d’implication dans la création, la direction et les activités d’une organisation illégale. Ce procès fait suite aux rafles policières (cf. CSI En Ligne) menées le 27 février 2013 dans 27 provinces du pays, qui visaient à dévoiler des éléments à charge corroborant l’existence de liens avec des organisations illégales. Au cours des ces rafles, plus de 150 personnes ont été arrêtées dans différentes villes du pays et 70 d’entre elles ont subséquemment été maintenues en détention. En dehors d’Istanbul, la plupart des personnes écrouées ont été relâchées en attendant leur procès. Cependant à Istanbul, 29 des 56 accusés ont été maintenus en détention préventive durant 11 mois. Hier, 23 des 29 membres de la KESK accusés et incarcérés depuis février 2013 ont été remis en liberté à l’issue d’une audience de trois jours. La prochaine audience se tiendra le 6 mai 2014.

Parmi les six syndicalistes qui restent incarcérés en attendant leur procès, trois, dont deux femmes, appartiennent au syndicat des enseignants Egitim-Sen ; les trois autres, parmi lesquels se trouve une femme, appartiennent au syndicat des employés municipaux Tüm Bel Sen. Ils sont accusés de diriger une organisation illégale, alors que les 50 autres sont seulement accusés d’adhérer à ladite organisation.

Cependant, les prétendues preuves à charge contre les accusés reflètent des activités normales de citoyens ou membres de syndicat participant à une manifestation, une assemblée ou assistant simplement à un concert. Rien de tout ceci ne constitue, en aucune façon, une activité terroriste. Comme l’ont soutenu tous les accusés pendant l’audience, le seul motif de leur inculpation était leur appartenance à un syndicat affilié à la KESK et leur opposition à certaines réformes gouvernementales comme la réforme de l’éducation, également connue comme la réforme « 4+4+4 ».

L’audience à laquelle assistait une délégation syndicale internationale composée de la CSI, de la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP) et du Comité syndical européen de l’éducation (CSEE), s’est déroulée sous haute surveillance policière. La CSI s’est jointe aux membres exécutifs de la KESK et aux représentants syndicaux internationaux pour dénoncer les descentes policières et les procédures judiciaires subséquentes comme une nouvelle attaque en règle contre le syndicat turc des travailleurs du secteur public par les autorités, en vertu d’une législation anti-terroriste dont le champ est jugé trop large.

Lors d’une conférence de presse tenue à la veille de l’audience, les membres de la délégation internationale ont appelé à la libération immédiate des membres de la KESK qui restent incarcérés et à l’annulation de tous les chefs d’accusation. Ils ont aussi demandé que le gouvernement mette un terme à la persécution des militants syndicaux et de la société civile.

Depuis 2008, Lami Ozgen, président de la KESK, a fait l’objet de trois procédures relevant de la loi anti-terrorisme, de 22 procédures relevant de la loi sur les manifestations, de deux enquêtes administratives et de deux mises en examen disciplinaires intentées par le ministère de l’Éducation. Le fait que toutes ces procédures demeurent en instance constitue, en soi, un harcèlement judiciaire. Dans un seul cas, le verdict prononcé comportait une peine d’emprisonnement de six ans et trois mois. L’affaire est désormais devant la cour suprême.

Pour l’heure, 22 membres de la KESK, y compris quatre femmes, sont maintenus en détention en attendant leur procès, certains depuis 2009. Douze d’entre eux, dont deux femmes, appartiennent au syndicat Egitim Sen ; huit dont une femme sont membres du syndicat Tüm Bel Sen ; il y a également parmi eux une syndicaliste appartenant au SES (syndicat des employés publics du secteur de la santé) et un syndicaliste du BES (syndicat des employés de bureau). D’autre part, quatre membres de la KESK écoulent des peines de prison.