Les « pseudo-réformes » du droit du travail au Qatar

Les modifications du droit du travail annoncées par le gouvernement du Qatar pour 2017 ajoutent un nouveau degré de répression pour les travailleurs migrants, tandis que l’esclavage moderne du système de la kafala reste intact.

D’après Sharan Burrow, la secrétaire générale de la CSI, « Les promesses de réforme ont servi d’écran de fumée pour inciter les entreprises et les gouvernements à venir travailler au Qatar, qui construit des infrastructures gigantesques pour accueillir la Coupe du monde de la FIFA de 2022 ».

Les fameux « permis de sortie » ne sont pas abolis dans la nouvelle législation, et les travailleurs doivent toujours obtenir la permission de leur employeur pour quitter le pays. Officiellement, les travailleurs pourront se tourner vers le ministère de l’Intérieur, mais la plupart d’entre eux vivent dans la crainte de ce ministère. Les travailleurs migrants n’ont pas le droit d’adhérer à un syndicat et n’ont pas le poids collectif que confèrent les comités de représentants élus sur les lieux de travail. Les travailleurs domestiques demeurent totalement exclus du droit du travail.

« Les entreprises internationales exerçant une activité au Qatar ne peuvent plus être dupes des promesses de réforme du Qatar. L’atteinte à la réputation des entreprises internationales qui recourent à une main-d’œuvre migrante réduite en esclavage au Qatar s’est intensifiée avec les pseudo-réformes du gouvernement », ajoute Burrow.
Le Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail, qui se réunira à Genève en novembre, examinera la création d’une commission d’enquête au sujet des mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants au Qatar, ce qui exercera une pression accrue sur les gouvernements et les entreprises pour protéger les travailleurs migrants dans ce pays.

L’enquête consisterait à étudier l’incapacité du Qatar de remédier au constat de l’OIT à l’égard des violations de la Convention de l’OIT sur le travail forcé et de la Convention sur l’inspection du travail ; l’enquête aurait en outre des conséquences d’une grande ampleur pour les entreprises qui ont une activité au Qatar. Plus de 200 milliards USD sont actuellement dépensés dans les infrastructures de la Coupe du monde de 2022 et la Vision nationale du Qatar pour 2030.

« La tragédie que vivent 1,7 millions de travailleurs migrants bloqués au Qatar illustre l’esclavage moderne et le refus de reconnaître les droits syndicaux des travailleurs dans les États du Golfe. Le Qatar continue non seulement de priver les travailleurs de leurs droits, mais aussi d’occulter et d’ignorer la mort des travailleurs migrants qui construisent les infrastructures de la Coupe du monde de 2022 », indique Burrow.
Les nouveaux chiffres du recensement communiqués par le gouvernement du Qatar la semaine dernière font apparaître une augmentation de la population de 40 % depuis que l’organisation de la Coupe du monde a été confiée au Qatar, en 2010.

« Sept cent mille travailleurs migrants supplémentaires ont été attirés au Qatar pour développer le pays à une allure fulgurante. La pression incessante qui est exercée pour l’épanouissement du pays, au mépris du coût humain, met en danger les travailleurs. Asservis par le système de la kafala, sans droits syndicaux ni recours aux procédures de plaintes, les travailleurs sont pris au piège au Qatar.

« Plus de 7000 travailleurs mourront au Qatar avant le coup d’envoi de la Coupe du monde de 2022, d’après les données du Conseil suprême du Qatar pour la santé, au sujet du taux de mortalité des travailleurs migrants en âge de travailler, soit plus de mille travailleurs migrants par an », précise Sharan Burrow.

L’accès aux camps de travailleurs et à des millions de travailleurs est de plus en plus limité, dans la mesure où le gouvernement cherche à cacher le mauvais traitement qu’il fait subir aux travailleurs. La police est plus présente dans les zones industrielles et, en mai dernier, des journalistes de la BBC ont été arrêtés après avoir été invités au Qatar pour observer les conditions de vie dans les camps de travailleurs. Les travailleurs migrants qui se trouvent à proximité des quartiers résidentiels réservés aux Qataris et aux riches expatriés courent un risque accru d’arrestation et de harcèlement de la part de la police, étant donné que les autorités cautionnent le système de ségrégation des travailleurs pauvres.

La CSI a réalisé une nouvelle enquête multimédia – www.qatarexposed.org – comportant des entretiens de personnes qui travaillent au Qatar, des reportages en caméra cachée sur les camps de travailleurs et des témoignages de survivants rentrés chez eux au Népal.

« Le Qatar doit cesser de dissimuler la manière dont il traite les travailleurs migrants, et les gouvernements et les entreprises doivent mettre un terme à leur complicité avec l’esclavage moderne. Le nombre de travailleurs migrants au Qatar devrait atteindre son niveau maximum en 2017 pour terminer les infrastructures de la Coupe du monde pour 2022. C’est seulement en mettant fin au système de la kafala maintenant et en donnant aux travailleurs le droit à la liberté syndicale que nous pourrons garantir un avenir sûr et sans risque aux travailleurs migrants du Qatar », affirme Sharan Burrow.