Roumanie : Pressions en coulisse du FMI et de la CE contre la restauration de droits du travail fondamentaux

Le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne (CE) exercent, à huis clos, des pressions sur le gouvernement roumain pour empêcher ce dernier de revoir les dispositions de la loi sur le dialogue social, adoptée en 2011, qui contrevient aux normes fondamentales du travail reconnues internationalement.

La Confédération syndicale internationale (CSI) condamne vigoureusement les pressions faites par les deux institutions pour contraindre le gouvernement à adopter des mesures qui sont contraires aux normes internationales.

« La pression faite par le FMI et la CE sur le gouvernement roumain, pour empêcher celui-ci de rectifier des atteintes aux normes du travail fondamentales est absolument indigne », a indiqué Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI. « La nouvelle législation a été adoptée l’année dernière, sous la pression du FMI. Elle a affaibli les protections contre la discrimination antisyndicale, aboli la négociation collective à niveau national et rendu pratiquement impossible la négociation collective à l’échelon sectoriel. Suite au déclin brutal de l’économie roumaine en 2008, les « réformes » du marché du travail prescrites par le FMI et la CE en Roumanie et à travers l’Europe n’ont fait que rendre encore plus intolérable la situation des travailleuses et travailleurs. »

Les personnels du FMI et de la Commission européenne ont effectué une mission conjointe en Roumanie le 14 novembre pour faire le point sur la mise en œuvre des mesures prescrites dans le cadre d’un accord de confirmation. Les négociations avec les deux institutions portant sur un nouvel accord de prêt devraient, en toute probabilité, être amorcées en janvier, d’après un porte-parole du gouvernement roumain.

La CSI a obtenu une copie d’un document conjoint détaillé – « non destiné à la publication » - où la CE et le FMI enjoignent au gouvernement roumain de ne pas adopter une ordonnance qui vise à rectifier des mesures/dispositions en contradiction avec les normes fondamentales du travail. L’ordonnance en question vise à rectifier certaines lacunes liées aux dispositions de la loi sur le dialogue social. Le document intitulé Commentaires conjoints des personnels de la Commission européenne et du FMI concernant le projet d’ordonnance d’urgence visant à amender la Loi 62/2011 sur le dialogue social a été examiné par le personnel du siège du FMI, qui en a reconnu l’authenticité.

Si le gouvernement entreprend une réforme de la loi sur le dialogue social, c’est parce que les dispositions de la loi adoptée en 2011 ne sont pas conformes aux Conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), lesquelles renferment des normes du travail internationalement reconnues ratifiées par la Roumanie. L’OIT a, à maintes reprises, enjoint au gouvernement de rendre sa loi sur le dialogue social conforme à la Convention 98 de l’OIT relative au droit d’organiser et de mener des négociations collectives, qui figure parmi ses huit conventions fondamentales du travail.

Dans le document obtenu par la CSI, la CE et le FMI pressent les autorités « à faire en sorte que les conventions collectives nationales du travail ne comportent pas d’éléments en rapport avec les salaires. » Ceci est contraire à l’Article 4 de la Convention 98 de l’OIT qui dit, en substance, qu’un gouvernement doit se garder de promulguer des mesures restreignant la portée des enjeux négociables dans le cadre de telles conventions du travail.

La CE et le FMI poussent également le gouvernement à limiter « à un nombre et à une période appropriés » le nombre de personnes éligibles à la protection contre la discrimination ou le licenciement pour représailles. » Ceci contrevient à l’article 1 de la Convention 98 de l’OIT, qui énonce le droit de tous les travailleurs de bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination ou de licenciement découlant de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales. Les protections contre la discrimination ne devraient pas se limiter uniquement aux « représentants élus et nommés » d’un syndicat et la CE et le FMI devraient d’abstenir de limiter le nombre de personnes pouvant bénéficier d’une telle protection.

De surcroît, l’ordonnance du gouvernement propose la modification de certains articles (nommément les articles 183, 186, 202, 205) de la loi sur le dialogue social afférents aux grèves. Au lieu d’encourager le gouvernement à rendre ces dispositions conformes aux conventions de l’OIT, dans leur document, la CE et le FMI pressent le gouvernement à restreindre la possibilité d’organiser une grève légalement. Les deux institutions y affirment de concert : « Nous considérons préoccupant l’assouplissement des procédures de la législation existante qui visent à prévenir la prolifération des grèves. »

Une préoccupation d’autant plus sérieuse que les dispositions existantes de la loi afférentes aux grèves de solidarité (article 186), celles qui stipulent les catégories de fonctionnaires concernés par l’interdiction de grève (article 202) et les conditions sous lesquelles les salariés syndiqués du secteur privé sont autorisés à faire grève (article 205) sont en contradiction avec les Conventions de l’OIT et les dispositions du droit international relatif aux droits de l’homme concernant la liberté d’association.

La Loi nº 62 relative au dialogue social fut adoptée en mai 2011 par un gouvernement de centre-droite qui a mis en œuvre des mesures d’austérité draconiennes suite à la crise économique survenue dans le pays en 2008-2009. Depuis son adoption, la loi sur le dialogue social a rendu la négociation collective à ce point difficile que pas un seul accord n’a été conclu à l’échelon sectoriel. La négociation collective à l’échelon d’entreprise a, elle aussi, connu un net déclin. En mai, un nouveau gouvernement de centre-gauche a pris ses fonctions, sous la direction du Premier ministre Victor Ponta. Celui-ci s’est attelé à restaurer les droits des travailleurs.

La loi sur le dialogue social, telle qu’adoptée en 2011, a aboli la négociation collective nationale et supprimé l’extension automatique des conventions collectives aux parties non-signataires, d’après l’OIT. Cette loi a, par ailleurs, rehaussé le seuil minimum de représentation exigé pour la constitution d’un syndicat, rehaussé le seuil minimum de représentation pour la conclusion de conventions collectives et assoupli les conditions liées au licenciement de représentants syndicaux.

Voir les recommandations FMI-EC relatives à la réforme du code du travail