Négociation de l’accord de partenariat économique complet (CEPA) entre l’UE et l’Indonésie – une mise à jour syndicale

Après les premières discussions (avril 2016) visant à approfondir les relations commerciales et les investissements entre l’UE et l’Indonésie, les négociations relatives à un accord de libre-échange UE-Indonésie ont débuté le 18 juillet 2016. Trois cycles ont eu lieu jusqu’à présent.

Par Stijn Sintubin (ACV-CSC) et Sulistri Afrileston (KSBSI)

En 2016, l’UE et l’Indonésie ont entamé des discussions concernant un accord de libre-échange dans le but de parvenir à un accord qui facilite le commerce et les investissements. Les négociations portaient sur un large éventail de questions portant notamment sur les obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce, les échanges dans le domaine des services et de l’investissement, les aspects commerciaux des marchés publics, les règles de concurrence, les droits de propriété intellectuelle et le développement durable. À ce jour, trois cycles de négociations ont eu lieu. Le premier cycle s’est déroulé durant l’été 2016 à Bruxelles, le deuxième cycle a eu lieu en janvier 2017 à Bali, et le dernier cycle, à Bruxelles, au début du mois de septembre.

Dès le début du deuxième cycle de négociations UE-Indonésie, les syndicats des deux blocs ont décidé de participer et de plaider en faveur d’un accord commercial plus durable et davantage soucieux des droits de l’homme et des travailleurs. Le syndicat néerlandais CNV, le syndicat belge ACV-CSC et la confédération indonésienne des syndicats KSBSI, en coopération avec la CES, se sont chargés de suivre de près les négociations et de donner leur avis sur le processus. Ce type d’accords de libre-échange a un impact croissant sur les conditions de travail et de vie des travailleurs dans les pays concernés. Les règles et réglementations de ces accords sont directement appliquées en tant que lois et législations nationales, y compris dans le domaine du travail. À ce titre, les syndicats se sentent concernés et doivent être impliqués.

En février 2017, un atelier conjoint a été organisé à Jakarta par la KSBSI, le CNV et l’ACV-CSC. Les participants ont été mis au fait du contenu et du processus de négociation de ce type d’accords commerciaux. Heureusement, en précisant que l’accord existant entre l’UE et le Vietnam constituerait le point de départ des négociations, l’UE a su fournir une référence concrète. Une position syndicale commune a été établie au cours de l’atelier, laquelle a défini les revendications concernant le contenu et le processus de négociation de l’accord. L’atelier a pu compter sur le soutien et les apports d’organisations de la société civile indonésienne (IGJ – Indonesia for Global Justice), ainsi que celui de représentants des ambassades belge et néerlandaise à Jakarta.

La CES, en collaboration avec ses deux affiliés européens, a envoyé une lettre à Mme Cecilia Malmström, Commissaire européenne pour le commerce extérieur (Commission européenne). Cette lettre mettait en lumière un ensemble de problèmes et de préoccupations et demandait une réelle implication de la société civile et des syndicats des deux parties. En réponse, la Commission européenne a alors proposé d’ouvrir le processus à la consultation.

Les accords de libre-échange constituent une nouveauté pour les syndicats indonésiens. Par conséquent, la KSBSI investit du temps et des moyens dans la formation de ses représentants et dans la sensibilisation de ses membres et des travailleurs en général à la nécessité d’impliquer les syndicats dans ces négociations. La KSBSI a également mis en place une équipe de négociation chargée d’entreprendre la tâche de plaidoyer auprès de l’administration gouvernementale et des ministères concernés du côté indonésien. Grâce au dialogue proactif avec ces acteurs, des consultations ont été organisées avec différents ministères, notamment avec le Ministre de la Main-d’œuvre et le Secrétaire du Président indonésien.

En prévision du troisième cycle de négociations à Bruxelles, l’équipe de la KSBSI, présidée par Sulistri, vice-président de la KSBSI, a été reçue par le responsable de l’équipe de négociation indonésienne, M. Syamsul Bahri Siregar. L’objectif de la réunion était d’assurer que la voix des travailleurs soit entendue au cours du troisième cycle de négociations. Au cours de ce dialogue, la KSBSI a présenté les demandes suivantes :

Au sujet du contenu de l’accord CEPA

  • Le contenu de l’accord CEPA doit respecter la législation nationale et les conventions internationales ratifiées par le gouvernement indonésien, notamment en matière de travail. Les conventions internationales comprennent les huit conventions fondamentales de l’OIT, la Convention des Nations Unies sur la protection des travailleurs migrants et de leur famille, la Déclaration de l’OIT sur le travail décent, la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable et la Recommandation qui l’accompagne.
  • Par ailleurs, les droits des travailleurs dans les entreprises multinationales devraient s’appliquer à tous les travailleurs, y compris ceux qui font partie de la chaîne d’approvisionnement, et ce, depuis les sous-traitants jusqu’au travail à domicile dans l’économie informelle. Les entreprises multinationales sont tenues de garantir les droits des travailleurs sur toute la longueur de leur chaîne d’approvisionnement. En outre, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies, aux Principes directeurs de l’OCDE, aux Principes de l’OIT et au concept de « diligence raisonnable » des entreprises multinationales, les entreprises multinationales ont la responsabilité sociale de prendre en considération les conséquences économiques et en matière de droits de l’homme de leurs actions actuelles et futures.
  • Les négociations de l’accord CEPA doivent inclure une clause sur l’égalité des chances et l’accès à la formation et au développement des compétences afin que tous les travailleurs puissent développer leurs compétences, accéder à l’éducation et aux promotions. L’éducation, le travail, le transfert de sciences et de technologies et le traitement non discriminatoire devraient faire partie intégrante du contenu de l’accord.
  • Les syndicats et les autres OSC d’Indonésie et de l’UE doivent être impliqués dans la mise en œuvre et le suivi de l’accord CEPA.
  • L’accord CEPA doit garantir l’existence d’un mécanisme de réclamation auquel peuvent accéder les personnes, et les organisations qui les représentent, lorsqu’elles se sentent lésées par l’accord.

Au sujet du processus des négociations :

  • Le processus de négociation doit être transparent. Les syndicats et les autres OSC doivent rester informés et avoir accès à tous les documents de référence issus de l’avancement des négociations.
  • La KSBSI rappelle au gouvernement que toute politique relative au travail doit obligatoirement être élaborée en consultation avec les syndicats, conformément à la Convention 144 de l’OIT sur les consultations tripartites, ratifiée par le gouvernement indonésien afin d’assurer la protection des travailleurs.

Lors d’un séminaire organisé à Bruxelles les 13 et 14 septembre 2017, plusieurs organisations et syndicats d’Indonésie et de l’UE, notamment le CNV, l’ACV-CSC et la KSBSI, ont discuté du contenu et de la forme du chapitre de l’accord CEPA consacré au développement d’un commerce durable ainsi que du mécanisme de réclamation et de règlement des différends pour ce type d’accord. Les syndicats et les OSC ont eu l’occasion, avant le début du troisième cycle de négociations, de rencontrer certains des négociateurs de l’UE.

La prochaine série de textes sera rendue publique après ce troisième cycle de négociations. Les syndicats espèrent que leur position commune sera intégrée dans le futur accord d’échange entre ces deux blocs importants.

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