Le Partenariat mondial part du mauvais pied

Ce qui aurait pu et dû être le lancement officiel du Partenariat mondial de Busan pour une coopération efficace au service du développement s’est soldé par le maintien du statu quo, sans tenir compte des revendications des pays partenaires et de la société civile. Six mois après Busan, suite à un considérable travail au sein du Groupe intérimaire post-Busan, le Groupe de travail de l’OCDE/CAD sur l’efficacité de l’aide a été désigné pour organiser et mettre en place le Partenariat mondial de Busan.

Compte tenu de la portée du Partenariat de Busan, qui voit arriver les économies émergentes dans le monde de la coopération au développement et qui s’étend au secteur privé, tout en confirmant son caractère universel avec les diverses parties prenantes qui le composent, il semble normal que son lancement ait suscité beaucoup d’espoir à de nombreux égards.

Cependant, la dynamique intergouvernementale a pris de court le processus de prise de décision et a imposé ce qui, pour beaucoup, demeure un « consensus » dicté par les donateurs, dans la parfaite logique des manœuvres politiques dépourvues d’ambition infligées à bon nombre des acteurs concernés.

« Global light » (la lumière mondiale) : l’insoutenable légèreté du fétichisme des donateurs

L’idée de la « lumière mondiale », qui signifie que le cadre politique de contrôle et de suivi du Partenariat devrait être axé sur l’action au niveau national et que le Partenariat ne devrait pas constituer un niveau bureaucratique international de plus, a fait son chemin, le plus simplement du monde, dans l’esprit de nombreux acteurs, en particulier des donateurs traditionnels.

La dynamique de Busan, caractérisée par l’élargissement ambitieux des partenaires en se tournant vers les économies émergentes et les pays partenaires, et par l’ouverture de nouvelles dimensions telles que le secteur privé et la coopération Sud-Sud, devait être organisée par une dizaine de membres du groupe directeur qui prépareraient des réunions ministérielles ambitieuses (!) deux fois par an. Tel était le mirage que les donateurs et les acteurs multilatéraux (jaloux/fiers de leur propre bureaucratie ?) comptaient imposer. L’augmentation du nombre de membres du groupe directeur à 18, ce qui est toujours ridicule compte tenu de la diversité des enjeux et des représentations au sein du Partenariat mondial de Busan, a toutefois été imposée, non pas par les autres partenaires, mais par les donateurs eux-mêmes. D’un autre côté, les revendications légitimes de l’Union africaine, des organisations de la société civile, des syndicats et des autres partenaires ont simplement été mises de côté et classées sans suite.

Des instances intergouvernementales aux différentes parties prenantes : le chaînon manquant manque toujours

L’optimisme et l’enthousiasme que le Programme d’action d’Accra a suscités auprès de la société civile et de nombreux autres partenaires, en vue de l’établissement d’une gouvernance qui changerait les règles du jeu et tiendrait compte de la société civile à toutes les étapes des prises de décision, ont subi un sérieux revers après Busan. Le « consensus » imposé, pendant le renouvellement de l’unique siège de la société civile du comité directeur, partait du principe que trois co-président(e)s gouvernementaux devraient dorénavant être à la tête du processus, sans tenir compte de la demande de nommer un co-président(e)s non gouvernemental afin de garantir la diversité des parties prenantes, dans l’esprit et surtout dans la conduite pratique des affaires au sein du Partenariat. Le navire de Busan battait pavillon « diverses parties prenantes », mais sur le pont des commandos, seuls les gouvernements étaient admis. Pas de mauvaise intention, simplement la « normalité » du cours habituel des choses.

Une croissance qui n’exclut personne et des syndicats invisibles

Dans les cercles néolibéraux, il est toujours courant de penser que la croissance universelle résulte d’une main invisible, et non d’un dialogue politique et d’un partenariat social. Cet enthousiasme aveugle a estimé qu’il fallait de toute évidence faire confiance à la représentation du secteur privé par le monde du commerce. Contrairement aux pratiques habituelles de l’OIT, de l’OCDE, du G20 et, plus récemment, de l’OCDE/CAD, une représentation équilibrée n’apparaissait pas sur les écrans radar des défenseurs du secteur privé au moment d’élaborer les structures de fonctionnement du Partenariat. D’où la demande des syndicats de modifier le « consensus » en recourant à une approche plus inclusive du partenariat social.
Mais là encore, le « consensus » imposé était immuable, alors que de nombreux interlocuteurs s’accordaient à dire de manière non officielle qu’il s’agissait d’une situation malheureuse, davantage due aux circonstances qu’à un quelconque choix politique.

Imposer le consensus avant toute coopération entre les diverses parties prenantes

L’élément le plus frappant, lors du lancement du Partenariat, est le fait que le consensus ait été imposé. Il semblerait logique que, si une partie fait part de son désaccord (et qu’elle quitte la salle à cause de cela), il n’y ait tout simplement pas de consensus entre les parties concernées. Mais ce n’est pas le cas dans ce Partenariat : l’Union africaine, la société civile et d’autres instances ont contesté les propositions qui ont été soumises et ont demandé des rééquilibrages. Le Partenariat était une opération difficile, qui permettait de nouvelles approches ouvertes au changement en faveur de la coopération au développement. En imposant un consensus essentiellement dicté par les donateurs, le Bureau a clairement démontré qu’il ne s’agissait pas de changer la donne, mais de laisser les choses en l’état et, par conséquent, si l’on ne procède pas aux rééquilibrages souhaités, le consensus présente bien peu d’intérêt pour l’avenir.

Par Jan Dereymaeker, Réseau syndical de coopération au développement (RSCD/CSI)